Bonjour Monsieur Dombreval, même s’il n’est plus nécessaire de vous présenter, pourriez-vous retracer les grandes lignes de votre carrière en tant que vétérinaire et en tant qu’homme politique s’il vous plait ?
Je suis diplômé de l’Ecole Vétérinaire d’Alfort. J’ai obtenu mon diplôme en 1990. J’ai débuté ma carrière en exerçant la médecine et la chirurgie des animaux de compagnie durant 7 ans environ, de 1988 à 1995. Par la suite, j’ai orienté ma carrière en dehors de la pratique clinique.
J’ai commencé en politique en 2007. D’abord candidat aux élections municipales en 2008 dans ma commune, à Vence (20 000 habitants) dans les Alpes-Maritimes, j’ai été conseiller municipal d’opposition pendant 6 ans, avant d’être élu maire en 2014. Par la suite, en 2015, j’ai été élu conseiller régional et nommé président de la Commission environnement, mer et forêt. Depuis le 21 juin 2017 je suis député de la 2ème circonscription des Alpes-Maritimes.
Je n’ai aucun plan de carrière en politique, seule compte l’utilité que je peux avoir pour les animaux. Je ne brigue aucun poste ministériel mais je ne dis pas que je le refuserais si on me le proposait.
Vu votre attachement aux animaux, vous avez dû en voir de toutes les couleurs dès le début de votre mandat ?
Oui… et je continue à en voir de toutes les couleurs puisque la condition animale est un sujet difficile, qui n’intéresse que très peu de députés, et je ne peux leur en vouloir, c’est comme ça… C’est même un sujet qui en rebute certains. Ils ne veulent pas en entendre parler. D’autres sont indifférents et seuls quelques-uns considèrent qu’il s’agit d’un vrai sujet, digne d’intérêt. Beaucoup de députés sont tout simplement opposés au fait de traiter de ce sujet, ce qui rend parfois les relations compliquées.
Je continue pourtant, avec d’autres, à tracer mon chemin car je sais que ce combat est juste et que certaines personnes doivent s’en saisir. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de dédier mon mandat à cette belle cause au niveau national. J’ai tout donné ! Je m’en suis occupé sans relâche, quasiment à temps plein, afin de faire avancer les choses, en dépit de l’avis de certains députés qui considèrent que ce n’est pas le moment et que ce ne sera jamais le bon moment. En effet, pour certains, ce sujet ne peut intéresser que des personnes ubuesques, radicales, végans ou antispécistes. Ainsi, certains députés, pour exclure le sujet du champ du politique, mettent dans le même panier les plus radicaux et les personnes qui souhaitent simplement que les choses évoluent en faveur de la cause animale.
Il faudrait que des mouvements politiques, au sein du gouvernement, se saisissent du sujet et j’y parviens, petit à petit.
Avec quelques amis, nous avons décidé de traiter des questions d’écologie et de bien-être animal de façon apaisée, sereine… en recherchant des points d’équilibre afin d’avancer.
Le sujet de la condition animale est un sujet apolitique mais transpartisan. Je suis convaincu que des points d’accord sont possibles de l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par le centre et les écologistes.
Les points d’équilibre ne doivent pas être des logiques d’abolition. Les abolitions brutales sont sans lendemain, elles ne permettent pas de faire avancer les choses. Pour faire avancer la cause animale, il faut le faire en transition.
Le parti de la Nature que j’ai créé avec Yann Wehrling en particulier, ambassadeur de France en Environnement, va aborder la question de l’environnement, de la biodiversité, de la nature, des animaux et de la condition animale en transition.
Peut-on affirmer que cette proposition de loi est votre œuvre ?
Je ne cherche pas à créer une œuvre, d’ailleurs le texte ne m’appartient pas en propre. Si c’était mon œuvre, la proposition de loi aurait été beaucoup plus ambitieuse et complète. Celle qui a été déposée est le fruit d’un consensus, d’accords entre les groupes politiques de la majorité présidentielle le groupe En Marche, le Modem et les groupes Agir. Ce consensus a permis de déposer un texte devant l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas anodin.
En revanche, il est vrai que je suis pour beaucoup dans le fait que cette proposition de loi ait été débattue devant l’Assemblée Nationale. C’est le fruit d’un investissement de 3 ans et demi, durant lequel je n’ai rien lâché, je suis toujours revenu, malgré la difficulté, où j’ai toujours poussé. J’ai écrit des courriers aux ministres, j’ai posé des questions écrites, des questions au gouvernement, publié sur les réseaux sociaux et écrit des Tribunes. Je n’ai pas arrêté. A force de travail et d’acharnement, j’ai fini par être entendu et un texte est arrivé devant l’Assemblée nationale. Donc je ne peux pas dire que la proposition de loi votée en première lecture le 29 janvier dernier est mon œuvre mais je peux dire que je suis pour beaucoup dans le fait qu’un texte ait été débattu devant l’Assemblée nationale.
Pensez-vous que les sénateurs soient autant préoccupés par les animaux que les députés ?
Non ils ne le sont pas autant que les députés. Je n’ai pas fait le calcul mais il serait simple à faire. Il faudrait regarder, parmi les cosignataires du référendum pour les animaux (RIP), la proportion de sénateurs et de députés. Il est également possible de faire le calcul avec les cosignataires de la Tribune que j’avais rédigée et publiée le 29 juin 2019 sur l’abandon des animaux de compagnie dans le jdd, il est aisé de quantifier le nombre de députés et de sénateurs sur les 240 parlementaires signataires. N’ayant pas le chiffre exact sous les yeux, il se peut que je sois injuste.
Je pense qu’il va être compliqué de parvenir à un consensus sur la question des delphinariums et des animaleries, mais peut être que je préjuge. Il faudra voir ce qu’il adviendra du texte un fois sorti de l’hémicycle du Sénat.
Je pense que cela va être plus compliqué au Sénat, notamment concernant l’article 4 sur la stérilisation obligatoire par les communes et les établissements publics de coopérations intercommunales à fiscalité propre. Il ne faut pas oublier que les sénateurs sont élus par les maires et que ces derniers n’ont pas envie de se voir imposer une nouvelle obligation. D’autant qu’aujourd’hui il y a encore un travail à faire (cf. mon rapport de mission gouvernementale), pour trouver l’argent. Car c’est bien d’imposer des contraintes aux collectivités pour faire avancer les choses mais il faut qu’elles aient les moyens financiers pour y répondre.
En s’adressant aux sénateurs, on s’adresse à des parlementaires élus par des élus, qu’il s’agisse de maires, d’adjoints ou de conseillers municipaux. Il faut donc faire extrêmement attention à ne pas trop les « embêter ». Par ailleurs, une question se pose : qui paye ? On ne peut pas à la fois restreindre les finances des collectivités territoriales et dans le même temps leur demander d’en faire plus. Il faut résoudre cette équation et mettre en place un fond. C’est ce que j’ai fait dans ma proposition, elle est rédigée dans mon rapport de mission gouvernementale. Il a été remis en juin 2020 à Monsieur le Premier Ministre et à Monsieur le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Je propose la création d’un fond de concours qui serait alimenté tant par l’Etat que les collectivités territoriales et les partenaires privés. Ce fond de concours serait destiné notamment à la protection animale et à la stérilisation. C’est quelque chose de tout à fait réalisable.
L’intervention des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre me parait plus juste puisque les chats errants n’interviennent pas uniquement sur une commune. Lorsque j’étais maire de Vance, j’avais deux refuges dont un de chats. Or, les chats ne venaient pas uniquement de Vance, loin de là. Mais le jour où j’ai sollicité les maires des alentours en leur demandant de l’aide pour subventionner le refuge dans lequel j’avais 98 chats, là il n’y avait plus personne. Je pense pourtant qu’il faudrait raisonner de manière intercommunale, les chats errants ne respectant pas les contours administratifs des communes. De plus, les intercommunalités ont plus de moyens que les communes. La mutualisation des moyens fait que les intercommunalités ont un budget supérieur au budget des communes. Toutefois, il ne faut pas oublier que le président de l’EPCI est un maire. Il va donc nécessairement aussi penser à sa propre commune. Le problème de financement va donc également se poser et il faudra trouver l’équation. Il convient de préciser qu’il y a un énorme travail effectué par les associations de protection animale. Je pense notamment à la Fondation de Brigitte Bardot et à la Fondation 30 Millions d’Amis, qui sont des associations qui n’ont pas ou peu de refuge et qui aujourd’hui aident financièrement de façon tout à fait significative les communes, mais ce n’est pas suffisant.
Pour venir à bout du phénomène, il faudra se donner du temps, ce n’est pas quelque chose que l’on pourra faire du jour au lendemain. Il nous faut plus d’argent. Il faudrait un quadriplégique : Etat, collectivité, association et vétérinaires afin que cela fonctionne correctement. Dans ce schéma, les vétérinaires doivent prendre toutes leurs parts, d’ailleurs ils la prennent déjà. Peuvent-ils faire plus ? Peut-être, c’est à voir avec eux mais ils pratiquent déjà des tarifs très privilégiés pour les castrations et les stérilisations. Peut-être pourraient-ils faire davantage encore… mais ils font déjà beaucoup. Ainsi, les associations et les vétérinaires font leur travail et il faudrait que les collectivités territoriales fassent le leur et surtout que l’Etat participe financièrement. Cette équation, qui reste à résoudre, risque d’être compliquée devant le Sénat.
Je rappelle que la procédure est simple et connue concernant cette proposition de loi. Il s’agit d’une procédure accélérée. Il n’y aura donc pas d’allers/retours Assemblée nationale/Sénat nombreux. Concrètement, le texte va aller devant le Sénat, à une date que l’on ignore encore, et les sénateurs vont le discuter et l’amender. Le texte qui va émaner du Sénat sera alors comparé à celui voté le 29 janvier dernier par les députés. Une commission mixte paritaire sera constituée. A partir de là, soit les députés et les sénateurs s’entendent sur un texte soit ils ne s’entendent pas. Dans ce cas, le texte reviendra en 2e lecture à l’Assemblée nationale et les députés ne pourront amender que les articles sur lesquels il y a eu désaccords entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le texte sera alors adopté définitivement en 2e lecture. Par conséquent, il m’est impossible de savoir quel sera le résultat final. En revanche, je suis très vigilant et je vais commencer à échanger avec mes collègues sénateurs qui vont s’intéresser au texte. Je pense en particulier à ceux qui ont montré un intérêt à la condition animale dans le cadre par exemple du référendum pour les animaux (RIP) ou dans le cadre de la Tribune que j’avais rédigé dans le JDD du 29 juin 2019.
Serait-il possible de vous voir porter un jour, comme vous l’avez fait avec la proposition de loi contre la maltraitance, une proposition voire un projet, dans des domaines beaucoup moins consensuels tels la corrida, les élevages intensifs voire la chasse à courre…
Oui évidemment ! Je sais que ces sujets reviendront. Je ne serai peut-être plus député, puisque des élections sont à venir, mais si je me représente et suis réélu, je continuerai à œuvrer pour faire évoluer la condition animale puisque c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel il y a encore beaucoup de progrès à faire. Je tiens à préciser que ces sujets que vous dites non consensuels, ne le sont pas au sein des Assemblés parlementaires alors qu’ils le sont parfaitement au sein de l’opinion publique puisqu’une immense majorité de personnes est opposé à la chasse à courre, à la corrida etc.
Bien que cela ne fasse pas l’unanimité, l’immense majorité des gens est d’accord pour dire qu’il faut arrêter… le problème se pose en revanche dans les hémicycles. Evidemment, je souhaiterais que ces questions reviennent le plus tôt possible à l’Assemblée nationale, mais, même si je ne sais pas quand, je sais que cela va arriver.
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Lalia Andasmas
Juriste spécialisée en droit animalier
2 commentaires
ROMANO lORA
22 avril 2021 à 12h00
Bravo pour votre engagement et votre travail, vous avez toute admiration. Merci
Emmanuelle Dormond
16 avril 2021 à 12h29
Merci pour cet article. M. Dombreval est effectivement un acteur majeur et pugnace sans lequel la cause animale aurait moins avancée. Merci aussi pour les autres articles, intelligents, instructifs, équilibrés… Cette pédagogie permet d’avancer. Bravo.