Les années passent et le constat est malheureusement le même que celui formulé au mois d’octobre 2022 dans l’article intitulé « Vols de chiens : agissez vite et bien »[1] : une augmentation des vols de chiens, mais également de chats, ne cesse d’être constatée en France depuis plusieurs années. Une analyse notamment des pages Internet de l’association WAF, créée il y a deux ans et demi afin d’accompagner et soutenir les propriétaires d’animaux volés, ainsi que sensibiliser le public et les autorités aux vols et trafics d’animaux domestiques, permet de partiellement démontrer l’ampleur de cette triste situation.
L’une des raisons du maintien du nombre important de vols d’animaux tient certainement en partie au manque de considération des victimes lors du dépôt de leur plainte et donc, par là-même, du manque de réactivité et de qualité des actes dans le cadre de l’enquête afférente. Selon le Code pénal, les services de police et de gendarmerie sont dans l’obligation de prendre la plainte d’une victime d’une infraction pénale. En effet, l’article 15-3, alinéa 1, dudit Code[2], dispose que « les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents (…) ». Cependant, les victimes de vol d’un animal sont régulièrement confrontées soit à un refus pur et simple d’être reçues pour que la plainte soit enregistrée, et ce au mépris du Code pénal, soit à une demande de revenir quelques jours plus tard à cette fin, alors qu’il est au contraire primordial, lors de la disparition d’un animal, de réagir extrêmement vite pour tout mettre en œuvre afin de retrouver cet être vivant doué de sensibilité. En effet, outre les conditions de détention qui sont susceptibles de ne pas être conformes à ses besoins, l’animal volé se retrouve confronté à un stress important, loin de chez lui et des personnes qui le considèrent majoritairement comme un membre à part entière de leur famille[3].
Pour tenter de pallier, du moins en partie, ce manque de considération de la part des forces de l’ordre, l’association WAF soutient une demande de réforme tendant à requalifier les vols d’animaux domestiques en vols aggravés. Actuellement, une personne volant un chien peut être poursuivie sur le fondement de l’article 311-1 du Code pénal[4] selon lequel « le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui », quand bien même le Code civil qualifie les animaux d’« êtres vivants doués de sensibilité » (article 515-14 du Code civil[5]). Le vol d’un animal constitue donc un vol dit “simple” et l’animal, lequel est dénué de personnalité juridique, sera ainsi considéré au même titre que tout autre « chose d’autrui » dérobée et non en tant qu’individu à part entière ressentant l’angoisse, la souffrance, le froid, etc. Le droit pénal français comporte toutefois des circonstances aggravantes qui ont pour conséquence d’aggraver l’infraction et la peine encourue. Et il est indéniable que la qualification des faits a une influence sur la considération des services de police et de gendarmerie lors du dépôt de plainte, considération qui apparaîtra d’autant plus importante que les faits seront graves. Tel est le premier enjeu de la proposition de qualifier les vols d’animaux en vols aggravés et non plus en vols simples. Le second enjeu tient aux peines encourues qui seront plus dissuasives car plus élevées.
En droit français, les circonstances aggravantes sont soit générales, soit spéciales. Les circonstances aggravantes générales, comme leur nom l’indique, ne sont rattachées à aucun texte d’incrimination spécifique. Il s’agit de :
- la récidive, définie aux articles 132-8 et suivants du Code pénal[6],
- l’utilisation d’un moyen de cryptologie « pour préparer ou commettre un crime ou un délit, ou pour en faciliter la préparation ou la commission » (article 132-79 du Code pénal[7]),
- le mobile raciste (article 132-76 du Code pénal[8]),
- le mobile sexuel (article 132-77 du Code pénal[9]).
Les circonstances aggravantes spéciales sont quant à elles rattachées à une infraction déterminée. Tel est le cas du délit de vol qui comporte plusieurs causes d’aggravation, notamment « lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui », « lorsqu’il est commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs », « lorsqu’il est commis par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée », ou encore « lorsqu’il est commis soit avec usage ou menace d’une arme, soit par une personne porteuse d’une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé », etc. (articles 311-4 et suivants du Code pénal[10]). Ainsi, lorsque le vol est commis avec au moins l’une des circonstances aggravantes, son auteur n’encoure plus « trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende » (article 311-3 du Code pénal[11]) mais au moins cinq ans d’emprisonnement et 75 000,00 € d’amende. Cependant, le fait que le vol porte sur un être vivant doué de sensibilité ne constitue pas une circonstance aggravante. Plus particulièrement, le Code pénal ne contient qu’une seule circonstance aggravante visant expressément les animaux : La Loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes (article 33[12]), laquelle est entrée en vigueur le 1er décembre suivant, a complété l’article 311-4 du Code pénal[13] afin que les peines encourues soient plus importantes lorsque le vol « est destiné à alimenter le commerce illégal d’animaux ». Cette nouvelle circonstance aggravante est malheureusement beaucoup trop restrictive et sa rédaction apparaît bien éloignée des réels besoins pratiques. En effet, d’une part les vols d’animaux ne sont pas toujours destinés à alimenter le commerce illégal d’animaux. Si certains le sont effectivement, les objectifs peuvent être bien différents, comme le fait de vouloir “uniquement” détenir tel chien qui plaît physiquement ou semble apte à accompagner à la chasse, se venger du propriétaire de l’animal pour telle ou telle raison, ou même pour participer à des combats de chiens… D’autre part, pour que la considération recherchée des forces de l’ordre lors du dépôt de plainte tienne compte de la gravité de l’infraction, encore faut-il qu’il y ait un élément, même infime, susceptible de démontrer que le vol de l’animal serait effectivement « destiné à alimenter le commerce illégal d’animaux ». Or une telle preuve est bien difficile à apporter de la part d’un particulier dont le compagnon vient d’être dérobé. Et ce d’autant plus qu’il ne semble pas exister de recoupement au plan national des affaires de vols d’animaux, ce qui permettrait pourtant d’alerter sur des circonstances similaires de disparition.
En conclusion, la création, par la Loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, de la nouvelle circonstance aggravante au délit de vol lorsqu’il « est destiné à alimenter le commerce illégal d’animaux », apparaît malheureusement très insuffisante pour envisager une considération à la hauteur de la gravité des vols d’êtres vivants doués de sensibilité. Le projet de l’association WAF de soutenir une demande de réforme tendant à requalifier les vols d’animaux domestiques en vols aggravés semble donc des plus légitimes pour renforcer plus généralement la protection des animaux. L’avenir nous dira cependant si le législateur partage cette position …
[1] savoir-animal.fr/vols-chiens-agissez-vite-bien/
[2] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038311441
[3] Cf. enquête Ipsos de mai 2023 : « Année après année, l’engouement des Français pour les animaux de compagnie ne se dément pas. Près de 6 Français sur 10 déclarent posséder un chien ou un chat, un chiffre en nette augmentation par rapport aux 47% observés en 2021. Cette évolution s’accompagne d’un renforcement du lien qui unit les propriétaires à leurs fidèles compagnons. En effet, pas moins de 97% des possesseurs déclarent ressentir un attachement profond envers leur animal, allant jusqu’à le considérer comme un membre à part entière de leur famille (68%). »
ipsos.com/fr-fr/68-des-francais-considerent-leur-animal-de-compagnie-comme-un-membre-de-la-famille
[4] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006418127
[5] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030250342
[6] legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006181738/#LEGISCTA000006181738
[7] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417506
[8] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033975349/2025-03-31
[9] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045099330/2025-03-31
[10] legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006149833/#LEGISCTA000006149833
[11] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006418131
[12] legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044387560
[13] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044394144
Photo : Sunny, volé il y a trois ans et toujours activement recherché par sa propriétaire, fondatrice de l’association WAF.

Estelle Derrien
Avocate