Animaux domestiquesNuméro 1Droit animalierLes personnes âgées en établissement d’hébergement et leur animal de compagnie

Lalia Andasmas15 octobre 20206 min

Présence des animaux des personnes âgées dans les EHPA (établissement d’hébergement pour les personnes âgées) et les EHPAD (établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes)  

Le bien-être physique et moral des personnes âgées résidant en établissement ne se limite pas au gîte, au couvert, à l’entretien. Les personnes âgées, quels que soient leur âge ou leur handicap ont besoin de continuer à participer à la vie sociale, de se sentir présentes à leur époque et de conserver la plus grande autonomie possible. » (Circulaire n°24 du 20 mars 1978 relative à la participation des personnes âgées résidant en établissement) 

Il est reconnu que les droits et le bien-être des personnes âgées sont une priorité, pour autant il est difficile de les respecter dans tous les domaines. Il en va ainsi du droit à la présence de l’animal (même si l’on parle de résident et non de locataire). En effet, l’entrée dans une institution est souvent synonyme « d’abandon forcé » (expression utilisée par M. Aschieri André au ministère de l’Agriculture et de la pêche dans la question écrite n° 71920. JO : Assemblée nationale du 21 janvier 2002). Alors que la personne âgée aimerait que l’on prenne soin d’elle tout en continuant d’être en compagnie de son animal, un choix peu éthique est imposé à elle : celui de se soigner ou celui de continuer à être avec son animal. Evidemment un tel choix ne fait que retarder l’entrée de la personne âgée dans l’établissement.

La problématique de la prise en compte de l’animal au moment de l’entrée dans une institution n’est pas un débat récent, déjà dans les années 90 des questions parlementaires à ce sujet étaient posées au gouvernement. Pour autant rien de très concret n’a eu lieu pour le moment. Néanmoins il convient de bien distinguer les réponses politiques des réponses juridiques.

Les réponses politiques  

Les réponses politiques affirment qu’il faut aider les personnes âgées, puisqu’il s’agit d’ « un problème douloureux » (cf. Réponse du Ministère délégué aux personnes âgées à la question n°31553 du député de la Sarthe, M. Boulard Jean-Claude. Publication JO : Assemblée Nationale du 21 janvier 1991), d’ « une cruelle amputation » (question n° 31730 de M. François Bachelot du 26 octobre 1987, JO 22 février 1988) tout en mettant en exergue la difficulté de la mise en œuvre d’un tel projet sociétal. Il a fait l’objet de nombreuses questions parlementaires. Les réponses ont souvent mis en avant le fait que la présence de l’animal ne doit pas nuire à la tranquillité des autres membres de l’institution. On peut prendre pour exemple la réponse du Ministère délégué aux personnes âgées à la question écrite n° 59060 (Publication au JO : Assemblée nationale du 26 octobre 1992) de M. Lefranc Bernard : « la présence d’un animal de compagnie dans un établissement d’accueil pour personnes âgées doit être compatible avec le respect de la vie en collectivité, notamment en ce qui concerne les règles d’hygiène et de sécurité qui s’imposent, au premier chef, aux établissements ». La difficulté de gestion est également mise en avant : « (…) il convient de souligner que la présence d’animaux domestiques peut s’avérer difficile à gérer pour l’institution. Ainsi, lorsque son propriétaire n’est plus en mesure de s’en occuper, la charge en revient le plus souvent aux personnels de l’établissement, tandis que la cohabitation d’animaux ne se connaissant pas et perturbés par un nouvel environnement peut ne pas être paisible durant la phase d’adaptation. » (Réponse du Ministère délégué aux personnes âgées à la question écrite n° 12366 de la députée des Hautes-Pyrénées Mme Robin-Rodrigo Chantal, Publication au JO : Assemblée nationale du 14 avril 2003). Par conséquent la gestion du quotidien semble difficile mais ce n’est pas la seule objection. L’exécutif affirmant que la prise en charge de l’animal de la personne âgée ne relève pas de son domaine.

En effet, la plupart des réponses mettent l’accent sur le fait que ce problème ne relève pas de la compétence de l’Etat : une telle décision relève du directeur, lequel « peut, dans le cadre de son projet d’établissement, définir les conditions qui prévalent pour leur accueil : quels animaux sont susceptibles d’être acceptés et sous quelles conditions, etc. » (Réponse à la question n° 1773 du 19 août 2002 de Mme Marie-Jo Zimmerman. JO 17 Février 20003). Néanmoins, l’intervention des préfets a été envisagée : dans la réponse à la question n° 71920 du 21 janvier 2002 (JO:  Assemblée Nationale 6 mai 2002) le ministère de l’Agriculture et de la Pêche affirme que les « comités départementaux de protection animale, institués par le décret n° 2002-229 du 20 février 2002, permettra une prise en compte de ces problèmes grâce à la pluridisciplinarité des intervenants qui les composent. En effet, ces nouvelles instances consultatives, présidées par les préfets, sont des lieux d’échanges et de concertation sur tous les problèmes généraux ou plus spécifiques qui peuvent se poser en matière de protection animale à l’échelle du département. La possibilité de maintien d’un animal de compagnie auprès des personnes âgées pourra constituer un des sujets mis à l’ordre du jour de ce comité ». Il faut savoir que ces comités ont été supprimés en 2006 et ont été remplacés par des conseils départementaux de la santé et de la protection animales. Ils sont exclusivement tournés vers les animaux. Par conséquent la prise en compte directe de la relation homme-animal n’a pas sa place. (cf. Note de service DGA1/SDSPA/N2006-8155du 21 juin 2006).

Il convient de remarquer que lors des rencontres « Animal et Société de 2008 », la mesure 11 concernant l’accueil des animaux de compagnie dans les maisons de retraite et les établissements médicosociaux n’a jamais été concrétisée.

Donc d’un point de vue politique, organiser un tel projet sociétal est légitime mais compliqué. Voyons maintenant les réponses juridiques.

Les réponses juridiques 

Quant aux réponses juridiques, aucune loi n’est intervenue pour imposer la présence des animaux en raison notamment des règles de la décentralisation puisque ce n’est pas à l’Etat d’intervenir. Néanmoins selon la circulaire n°24 du 20 mars 1978 relative à la participation des personnes âgées résidant en établissement : « (…) sans qu’il soit bien entendu possible d’accepter systématiquement la présence d’animaux domestiques, on peut penser que certaines exceptions peuvent être envisagées dès qu’il existe, à cet égard, un consensus général dans l’établissement. Les expériences déjà réalisées dans ce sens sont concluantes ». Ainsi aucune interdiction de principe. n’est émise.

De plus, le décret n°85-1114 du 17 octobre 1985 relatif à la création de conseils d’établissement va plus loin. Il institue une association des usagers, des familles et des personnels au fonctionnement des établissements et prévoit que le conseil d’établissement « donne son avis et peut faire des propositions sur toute question intéressant le fonctionnement de l’établissement », et notamment sur le règlement et l’organisation intérieurs. Les autorisations d’entrée des animaux des personnes âgées peuvent être prises dans ce cadre. 

Enfin, une lettre-circulaire du 11 mars 1986 du ministère chargé des affaires sociales relative à la mise en place des conseils d’établissement précise que : « les personnes qui ont un animal familier doivent être autorisées à le garder avec elles, dans la mesure où il ne créera pas une contrainte anormale pour le personnel et où il ne gênera pas la tranquillité des autres résidents ». 

Par conséquent, rien n’est fait au niveau étatique pour inciter les établissements à prendre en compte la présence des animaux de compagnie des personnes âgées. D’autant que souvent les directeurs d’établissement refusent que les personnes âgées séjournent avec leur animal de compagnie. Leur est parfois préféré la présence d’animal appartenant à l’institution afin d’éviter que le personnel ait à s’en occuper lorsque le propriétaire de l’animal ne le pourra plus. Mais c’est oublié que même si la personne aime les animaux, c’est le sien qu’elle aimerait avoir à ses côtés. Se pose alors la question de la prise en compte de la dignité de la personne âgée à qui le droit à avoir un animal n’est pas respecté. Peut-on vraiment affirmer que tous les droits des seniors sont pris en compte ? Une réponse négative s’impose puisque leur animal de compagnie est abandonné à l’entrée des établissements, ce qui représente une violence psychologique pour les seniors. 

Il est important que les pouvoirs publics s’emparent de ce problème afin de créer un service publique spécifique ou faire appel à l’association Tu Es Responsable Pour toujours de ce que Tu as Apprivoisé (Terpta). Cette association se propose de pallier les inconvénients de la présence des animaux dans les établissements afin que les personnes âgées puissent garder le sourire et avoir une vie sereine. 

Pour aller plus loin : cf. La Revue Semestrielle de Droit Animalier, 1-2010, Dossier thématique : les animaux compagnons de solitude 

https://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/60_RSDA_1-2010.pdf

Lalia Andasmas
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Juriste spécialisée en droit animalier

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