Il y a des hommes dont le destin se lie à certaines espèces comme… le loup. Pour les connaisseurs, quand on parle de cet animal emblématique en France des noms surgissent comme celui de Gérard Millischer. C’est le regard de ce Grand Monsieur que je vous propose de découvrir dans ce portrait réalisé en immersion dans le Mercantour dans les pas des loups.
Je pars ainsi fin avril 2023, en ma qualité de reporter indépendant, pour réaliser un reportage sur Gérard dans le Parc national du Mercantour.
Nous avions convenu d’un créneau de tournage au printemps, avant que l’accès ne soit à nouveau ouvert aux véhicules et aux randonneurs. L’immersion se voulait alors la plus authentique pour découvrir la faune, la flore, les roches du Mercantour et pourquoi pas, si nous avions beaucoup de chance, voir des loups.
Avant le tournage, je retrouve Gérard qui m’accueille à Saint-Martin-Vésubie, dans son charmant village des Alpes Maritimes. J’ai la chance de faire aussi la connaissance de Patrick Ormea qui est également un ancien agent du parc. Tous deux sont amis. Patrick a travaillé 40 ans au sein du parc. C’est une encyclopédie de savoirs, sur la faune et la flore locales.
Nos discussions tournent beaucoup autour des loups. Cette espèce éradiquée dans notre pays il y a bientôt un siècle, est revenue naturellement depuis l’Italie dans le massif du Mercantour. Deux loups ont ainsi été observés pour la première fois par Patrick en novembre 1992. Suite à cette découverte, Gérard, en mission pour le Parc, a quant à lui suivi la première meute de loups et étudié les signes de leur présence. Il a été le premier à les photographier en 1996.
Lorsque je les écoute, tous deux, je suis consciente de la chance de me trouver en la présence de ces pionniers, témoins du retour du loup en France. J’ai le droit à une conférence privée sur le loup, par Gérard. J’apprends beaucoup de choses sur cet animal que j’admire. « Gégé » me décrit les études et les différentes missions auxquelles il a participé pour le Parc ( suivi hivernal, réalisation des constats de dommages sur troupeaux, capture de loups pour les équiper de colliers GPS, vision nocturne pour étudier le comportement des chiens de protection lors des attaques) et me montre des images uniques d’observation de loups, en infrarouge notamment.
Avec cette belle mise en contexte, nous quittons le lendemain le territoire des hommes pour le territoire des loups. Nous avons trois heures de marche pour rejoindre le refuge de montagne qui sera notre base arrière pour le reportage.
Sur le chemin qui mène au vallon de notre destination, nous croisons les premiers habitants du Parc. Quelques chevreuils et chamois apparaissent au détour d’un sentier. Malgré le froid qui se fait sentir et le poncho qui commence à coller à nos vêtements car la pluie est de plus en plus prégnante, c’est un paysage mystérieux et somptueux qui s’offre à nous. Cet écrin de nature au cœur du Mercantour crée un sentiment particulier et rassurant. La marche devient méditative et apaisante. Arrivés à destination, je commence à comprendre l’ambiance dans laquelle Gérard a pu se trouver ici pendant cinq saisons hivernales pour effectuer ses missions d’observation sur la première meute installée en France et ce, coupé de tout, mais en parfaite autonomie.
C’est ici qu’a donc commencé l’histoire de Gérard avec les loups. Une histoire unique d’un homme très humble avec qui je vais passer ces quelques jours en immersion. C’est une ambiance, une déconnexion au monde des hommes, mais une reconnexion à soi-même et à tout ce qui nous entoure. Ce soir-là, la montagne nous offre à la contemplation, son premier présent avec un groupe de cerfs et de biches sur l’autre versant en face de notre humble logis.
Bien installés autour d’une bonne soupe chaude, nous échangeons avec Gérard sur son parcours singulier, son amour pour la nature. Ce sont des anecdotes qui s’enchaînent mais également beaucoup de partages sur notre rapport au monde. Ses propos sont remplis de bienveillance et dégage une sagesse qui m’inspire. Chaque soir passé avec Gérard seront nourris de ses propos précieux.
Les journées quant à elles sont riches d’exploration sur le terrain. Gérard est un excellent guide et il connaît parfaitement chaque sentier et versant de ce massif majestueux du Mercantour. Je le suis en toute confiance, les sens aux aguets avec une pointe d’émerveillement. Dès qu’il marque le pas, je l’observe et je suis son regard à la recherche d’un animal et pourquoi pas du loup. Nous sommes dans son habitat. Je me sens privilégiée d’arpenter les chemins que ce magnifique animal a peut-être lui-même foulé la nuit précédente.
Un matin ensoleillé, nous partons avec Gérard sur un autre versant de la montagne. La forêt nous offre ses plus beaux atours, ses premières fleurs, ses mousses verdoyantes. C’est un véritable jeu d’ombre et de lumière qui chatouille nos pupilles. Soudain, Gérard s’arrête. Nous y sommes. Un premier indice nous informe que nous sommes dans le royaume des loups. Des crottes de quelques jours sont présentes sur un sentier. Mais pas d’empreintes, la neige a déjà fondu. Notre chemin se poursuit , ponctué par des anecdotes sur les loups. Gérard me fait découvrir le milieu dans lequel ceux-ci évoluent.
Un moment, mon guide me propose de passer par une piste qui n’est plus empruntée par les hommes mais qui se trouve propice au passage des loups. Le sentier est davantage ombragé et de nombreux branchages jonchent le sentier. Ce parcours du combattant forestier est un dédale qu’il faut enjamber ou contourner. Nous sommes dans une marche immersive. L’expérience est totale. Je me représente ces loups arpenter ce chemin. Je devine leur souplesse et leur aisance. Ce qui n’est pas notre cas avec notre matériel de marche et de tournage. Mais c’est un véritable privilège de se trouver là, protégés par cet écrin de forêt au cœur des montagnes. C’est une connexion qui s’opère avec l’écosystème présent. Gérard me partage son point de vue sur notre place, le rapport au vivant dans sa globalité et notamment aux loups.
Le tournage prend fin et avec lui le chemin du retour est annoncé. Nous empruntons un parcours différent de celui de l’aller, en adret, qui nous fait passer par un sentier en « balcon » au-dessus du vallon, et nous découvrons sur ce chemin qui nous ramène au monde des hommes, de nombreux indices de passages du loup au cours de l’hiver.
Nous observe-t-il depuis sa position pendant que nous sommes en train de ramasser ses indices de présence ? Qui sait ?
Après tous ces kilomètres parcourus dans le Mercantour, ce sont de belles émotions qui restent. Certes, nous n’avons pas rencontré de loups. Mais je suis heureuse de cette incroyable rencontre avec Gérard. Il fait partie de ces personnes qui vous marquent, tant par son parcours singulier que par sa personnalité humble et attachante. Le film issu du tournage vous emmènera j’espère à revivre ces belles émotions que j’ai vécues au sein du Parc et à être touché par cette belle âme que vous pourrez peut-être croiser au détour d’un sentier.
Je tiens à remercier chaleureusement Gérard, Patrick ainsi que le Parc national du Mercantour pour m’avoir permis de réaliser ce reportage.
<< Les photographies réalisées dans le cœur du parc national ont bénéficié d’une autorisation spécifique conformément à la réglementation en vigueur (n° 2023-124).»
Photos : ©Adeline Soler
Adeline Soler
Engagée pour la planète, défenseur du règne animal, du règne végétal et des océans
2 commentaires
Mossot
21 juillet 2023 à 12h11
2 grand amis avec la même passion que moi
Mossot
21 juillet 2023 à 12h10
2 grand amis