Numéro 6Animaux sauvagesIl faut arrêter de manger Willy !

Quentin Hoerner17 janvier 20224 min

Si vous pensiez que l’humanité avait atteint un niveau record de cruauté envers l’empereur des océans, l’épaulard, retenez votre souffle, mais pas trop quand même. Car dans tous les cas vous risquez la nausée ou l’évanouissement. Et ce ne sera pas une question covidienne.

Car oui, la chasse des petits cétacés, longtemps attribuée en exclusivité à Taiji au Japon ou aux Iles Féroé, a le vent en poupe et semble promise à de très bons jours devant la passivité complice des gouvernements occidentaux.

C’est hélas ce que nous révèle « Bagga, La Baie des Caraïbes ». Le titre romanesque ne paye pas de mine et pourtant, cet essai est une somme d’informations précieuses qui s’approprie un sujet plus globalisé qu’il n’y parait. La chasse des petits cétacés. Orques comprises ! (Oui lorsque l’on parle de l’animal, on dit « une » orque). 

« Au-delà de la présentation d’une orque de manière vulgarisée et simplifiée, j’ai voulu reprendre l’historique du rapport homme-animal à partir des informations que j’avais pu rassembler. Une grande partie du livre consiste à mettre à jour les connaissances et les découvertes majeures chez ce delphinidé. Depuis les géoglyphes de Nazca il y a plus de 2 000 ans, en passant par les mythes amérindiens, puis la captivité et enfin le spectre Hollywoodien, nous entretenons avec cette créature marine une relation tumultueuse, avec un peu de meilleurs et beaucoup de pires » explique l’auteur.

Le meilleur nous éclabousse lorsque l’on comprend toute la sophistication physique de l’animal, notre proximité génétique et physiologique avec celui-ci, mais surtout lorsque l’on constate qu’une relation avec ce mammifère a été entretenue par des pêcheurs pour faire chasse commune avec la baleine.

Les pires émergent progressivement, lorsque l’on devine certaines pratiques amérindiennes tribales qui visaient à prouver sa valeur dans le clan, en partant enlever la vie à l’un de ces « loups de mer », mais surtout, plus récemment, avec les expériences militaires, les bombardements, les massacres gratuits, ou dans la moindre mesure l’exploitation animale en captivité.

C’est en enquêtant sur la chasse des petits cétacés que le passionné des océans est tombé sur des articles de presse qui relatent la chasse aux orques dans les Caraïbes. Un relais médiatique qui avait fait couler beaucoup d’encre dans l’environnement anglo-saxon : le drame s’était déroulé devant les yeux des touristes faisant une sortie en mer à la rencontre des baleines.

Identifiant les acteurs et parties prenantes de cette histoire, l’auteur a été invité par l’ONG locale qui lutte contre la chasse à la baleine, Salvage Blue, et son président Adam Gravel. Une expérience inattendue qui a de quoi briser un ensemble d’idées préconçues qui se cristallisent autour de cette activité discutable.

La première est qu’il y a bien des orques  dans les Caraïbes, comme dans tous les espaces marins ouverts du monde. Mais surtout leur chasse est régulièrement opérée dans 9 pays dans le monde, en attendant de voir la Norvège succomber à la pression des communautés Sami localement.

Depuis l’un d’entre eux, Saint Vincent et les Grenadines, le constat est sans appel : ce n’est ni une question de tradition, ni une question de subsistance aborigène. Car cela est souvent une pratique qui a été engendrée par la fin de la chasse à la baleine. Un glissement d’activité qui a muté dans son efficacité de par l’amélioration des outils, technologiquement parlant. Fini les chaloupes à la rame et les harpons manuels. Les chasseurs sont équipés d’embarcations à moteur, plus rapides, avec des harpons mécaniques.

Un des faits marquants de l’ouvrage est que l’on découvre qu’il y a au moins autant d’orques tuées par la main de l’homme à l’état sauvage que d’orques mortes en captivité, soit 169 depuis. Pourtant ce n’est qu’un arbre qui cache la forêt. Car ce sont en tout presqu’une quarantaine de territoires qui arrachent 100 000 petits cétacés parmi 56 espèces chassées de manière permanente.

La surprise n’est que pondérée lorsque l’on découvre que les instances internationales ne sont que des façades pour réguler ces espèces qui sont pour la plupart protégées par des conventions ou des protocoles régionaux. Même la prestigieuse Commission Baleinière Internationale ne saurait s’approprier le sujet tant les enjeux politiques sont déstabilisants. Car il ne s’agit que de cela. La valorisation économique de ces cétacés est réduite à son strict minimum. Au Groenland par exemple, le kilo de viande d’orque est estimé à 7 euros. A Saint Vincent et les Grenadines, l’ensemble de l’activité de chasse aux petits cétacés se place tout au mieux à 1 million de dollars américains. Mais rien ne permet de changer les choses, car soit les populations sont isolées de tout, éducation comprise, soit la volonté politique reste ankylosée dans les pratiques confortables qui permettent de se garantir un électorat.

Pourtant l’espoir sur ces territoires est permis dans la mesure où les populations ne pratiquent ces chasses que par défaut d’avoir d’autres activités pour générer des revenus et d’autres sources d’alimentation protéinée.

Un esprit de révolte s’empare alors de l’auteur qui remet en question les pratiques des grosses ONG qui continuent de condamner ces populations humaines qui ont principalement les défauts de leurs carences : ne pas savoir comment mieux valoriser leurs ressources pour vivre mieux !

Un livre qui ouvre la voie à une nouvelle approche de valorisation économique pour lutter contre la chasse des orques et des petits cétacés, par son analyse globale et son expérience terrain.

Quentin Hoerner
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Fondateur d’Ambassade des Océans et auteur de Bagga, La Baie des Caraïbes.

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