Numéro 15Animaux sauvagesTroquer son fusil contre un appareil photo ? Oui la transition est possible

Alexandre Mondoloni15 avril 20245 min

Ce que vous vous apprêtez donc à lire et à découvrir au travers des prochaines lignes, n’est autres que le cheminement conduisant à une transition noble et significative de ma propre et jeune existence de trentenaire, avec l’espoir que ma modeste contribution à cet élan d’évolution collective et positive envers les animaux (nos frères) puisse inspirer un grand nombre à changer le regard porté sur le Vivant.

Etant originaire de Corse, une région ou la culture de la chasse y est fortement ancrée depuis des siècles, il était presque inévitable pour moi de grandir au sein d’une famille ou cette activité ne soit pas présente est pratiquée. Très vite j’ai baigné dans ce milieu-là. Mon père chasseur, mes grands-pères également, tout cela entraina donc assez naturellement mes premières excursions à leurs côtés au cours des parties de chasse. Mon souvenir le plus lointain doit probablement remonter à mes cinq ans. Haut comme trois pommes, entouré d’une végétation intimidante me dépassant de plusieurs dizaines de centimètres, me croyant dans la savane je ne quittais pas mon père qui lui était en poste, attendant le passage des grives. Faisant par à mon paternel que je trouvai le temps long, il me donna un sac en plastique pour y collecter toutes les douilles vides se trouvant autour de nous.

Le temps à fait son chemin et j’ai rapidement compris que j’aimais la chasse au gibier à plumes (contrairement à mon frère ainé qui n’est pas chasseur du tout). Devenant une passion dévorante, passant même avant même mes obligations scolaires, pour le plus grand bonheur de mon chien qui lui n’attendais que ça, partir dans les bois débusquer bécasses et perdrix. Mon père m’inculqua promptement les règles de sécurité et le maniement de l’arme, m’accordant donc sa confiance afin de partir chasser seul de temps en temps non loin de la maison, tout ceci à quelques mois de l’examen du permis de chasser.

Le 9 septembre 2010 mon permis me fut délivré par la fédération national de chasse, à la suite de la bonne réussite de mes deux épreuves (théorique et pratique). Quelques jours plus tard, la fédération départementale de chasse de corse du sud me fit parvenir un courrier pour m’annoncer que j’étais invité à une chasse « exceptionnelle » aux faisans (d’élevages) en guise de récompense pour l’obtention du graal, celui que tout néophyte du loisir cynégétique convoite. Ce dimanche j’ai caché mon dégout comme j’ai pu afin de continuer à faire honneur aux personnes à l’origine de cette invitation, dont le président de la fédération de l’époque. Une journée digne d’un sketch des inconnus, avec des faisans lâchés quelques minutes avant le début de la chasse, ou l’unique manière de les faire s’envoler avant d’assener la volée de plomb consistait à les pousser à l’aide du pied (j’exagère à peine). Un retour de cette expérience plus que mitigée, malgré le fait que, donner la mort dans l’acte de chasse n’était pas quelque chose de nouveau pour moi, néanmoins le faire ainsi, dans ces conditions, sur des animaux habitués aux contact de l’Homme depuis poussins, fit naitre en moi des bribes de considérations, notamment concernant le sort que nous réservons aux animaux ainsi que sur le droit que nous nous accordons à les laisser vivre ou pas. Ma carrière de chasseur, si je puis dire, a commencé à prendre un tournant progressif en 2015, période où j’ai vraiment amorcé la conscientisation de l’acte consistant à ôter la vie, si bien, que j’étais soulagé de revenir d’une session chasse sans rien dans la musette. A cette époque je pratiquais la photographie nature, de temps en temps, sans pour autant être spécialisé dans l’animalier à proprement dit.

En plus de ces questions « dois-je continuer à chasser ? est-ce toujours en accord avec le nouveau moi ? », je rentre en 2018 dans une intense phase d’éveil, me poussant à revoir et à repenser le cours de mon existence sur bien des aspects, une multitude de questions me traverse l’esprit, sur la vie, la société, la spiritualité. C’est donc naturellement, qu’au cours du mois d’aout de la même année, que j’annonce officiellement à mon entourage : « La chasse, c’est terminé pour moi ». Annonce bien vécu par l’ensemble de ma famille, excepté par mon père qui eu plus de mal à comprendre, lui m’ayant transmis ce que ses aïeux lui avaient cédé. Ça a d’ailleurs été assez conflictuel entre nous sur ce sujet-là, avant qu’il prenne conscience que rien n’y changera. Aujourd’hui le calme et la sérénité est revenu entre nous, comprenant mes convictions et engagements, ayant de surcroit fortement diminué ses sorties chasse au cours d’une saison.

L’an 2020, la révélation La Covid fait rage, nous obligeant à réduire drastiquement nos déplacements. Je mesure encore plus à ce moment-là, cette chance que j’ai d’habiter à la campagne, en profitant donc pour ressortir du placard mon matériel photo, laissé depuis trop longtemps aux oubliettes. Le véritable déclic en ce qui concerne mon amour pour la photographie animalière éthique survint en juillet 2020, après un affut mémorable aux renards. Je me souviens rentrer de cette agréable journée riche en émotions, les yeux remplis de larmes de joies, comprenant sur le champ qu’une grande est belle histoire d’amour venait de n’aitre. Un amour puissant et sans faille envers le renard. Etant devenu un éternel émerveillé et un grand contemplatif lors de mes affuts pouvant aller jusqu’à douze heures d’immobilité, j’éprouve toujours une infinie reconnaissance envers dame nature, lorsqu’elle met sur mon chemin un de ses enfants des bois, je considère ces apparitions comme des petites récompenses que l’on m’accorde pour ces heures de patiences et persévérances. En ce qui me concerne la technique de l’affut est la plus noble, car elle nous oblige à nous fondre dans le décor avec la plus grande des discrétions laissant la pleine liberté à l’animal, d’approcher ou pas, car il est, et restera le maitre incontesté et incontestable dans son milieu. Pour moi le renard n’est pas uniquement représentatif d’un sujet très photogénique et ce, quel que soit le décor dans lequel il se trouve, non pour moi c’est aussi un sujet d’étude, l’étudier afin de mieux le défendre et le protéger. Effectivement en 2022 j’ai débuté un travail de suivi grâce à mes nombreux pièges photographiques dispatchés sur l’ensemble de mon petit territoire. Ce suivi annuel passionnant, répété chaque année me permet (entre autres) de mettre en avant des comportements intéressants pouvant parfois prouver le contraire de ce qu’on lui reproche trop souvent, notamment de pulluler.

Depuis mars 2023, mon travail a pris une autre dimension, car justement mon parcours relativement atypique a commencé à susciter une certaine ferveur. A ce jour je comptabilise plusieurs mises en avant médiatiques, entre interview vidéo et articles relatant mon changement de trajectoire remarquable, sans oublier mes cinq expositions, au cours desquels j’ai notamment pris plaisir à échanger avec le public présent. Je peux clairement dire que je suis entrain de surfer sur une vague d’onde positive depuis plusieurs mois et je compte bien faire en sorte que cela perdure.

A l’heure d’aujourd’hui revenir en arrière est malheureusement impossible, et je regrette car cela m’aurait peut-être permis d’éviter de supprimer toutes ces vies fragiles et innocentes, en ayant cette vision, celle m’animant à présent. Le mal commis ne peut être complètement expié car ce qui est fait est fait, toutefois je me sens en paix. Ma rédemption se faisant grâce à mes interventions en tous genres en faveur et au nom du règne du VIVANT !

« On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas « Alphonse de Lamartine.


Alexandre Mondoloni
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Photographe animalier éthique

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