Il y a un an, Samantha Cazebonne, députée LREM, présentait à la presse un texte visant à « protéger les enfants de l’exposition à la violence exercée sur les animaux, y compris dans un contexte de tradition ». Saisissant l’opportunité d’une proposition de loi « Bien-être animal », du groupe Écologie Démocratie Solidarité, elle a déposé un amendement dans ce sens. Porté par Cédric Villani, le texte devait être débattu le 8 octobre dernier… L’Alliance Anticorrida avait sensibilisé de nombreux élus, les incitant à « être présents sur les bancs de l’Assemblée nationale pour changer le sort de milliers d’animaux et faire cesser le conditionnement des enfants à la violence ».
À la dernière minute, l’amendement a été déclaré irrecevable au motif qu’il visait la protection des mineurs et non le bien-être animal. Questionnée par les médias stupéfaits, Claire Starozinski, présidente de l’Alliance Anticorrida, s’est interrogée sur de « possibles pressions au plus haut niveau de l’État ». Elle faisait allusion au goût pour la corrida affichée par plusieurs ministres, au rang desquels Jean Castex, Éric Dupond-Moretti, Geneviève Darrieussecq et Jacqueline Gourault. Manuel Valls n’avait-il pas cyniquement indiqué à Midi Libre, en 2012 : « La corrida est une culture qu’il faut préserver. Plusieurs membres du Gouvernement sont aficionados. On a une capacité à bloquer tout projet éventuel » ?
L’Union des villes taurines de France et l’Observatoire national des cultures taurines ont d’ailleurs tenu à « remercier le Gouvernement et les députés de tous horizons qui, au travers de leur soutien à la tauromachie, ont manifesté leur attachement aux valeurs de la civilisation humaniste, résistant au maccarthysme honteux entretenu par la mouvance animaliste » (sic). Fidèles à leur vantardise, ces tenants de la barbarie des arènes ont brandi le chiffre de trois amendements retoqués, au lieu d’un seul, considérant que « la corrida sort ainsi renforcée de l’Hémicycle » …
Malgré sa déception, Samantha Cazebonne s’est dite « rassurée par l’idée que ce texte trouve donc plus de légitimité dans la protection des droits de l’enfant, comme le demande le comité d’experts de l’ONU ». Et elle est décidée à remonter au créneau à l’occasion d’un projet de loi sur la protection des enfants que devrait bientôt présenter Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles. La parlementaire compte bien y faire intégrer ses propositions.
Après le retrait de l’amendement, nouveau barrage. Le groupe Les Républicains a mis en œuvre tous les moyens d’obstruction possibles pour empêcher le vote de la loi de Cédric Villani. À minuit, les débats ont dû cesser. Exit les amendements sur l’élevage industriel, l’interdiction de la chasse à courre et des chasses dites « traditionnelles » … « Nous avons constaté à quel point les débats ont duré et nous avons vu toutes les ficelles utilisées », a déploré Cédric Villani.
Du côté des lobbies, chasseurs et veneurs ont fait savoir leur pleine et entière satisfaction, affirmant : « Bon nombre de députés se sont attachés à dénoncer les mauvaises réponses que contenait cette proposition de loi, les pans entiers de la condition animale qu’elle omettait et le peu de cas qu’elle faisait du travail des éleveurs » Ils ont également fustigé « la vision totalement erronée de notre mode de chasse, documentée uniquement par des associations engagées dans un combat pour le faire disparaître »…
Au lendemain de ce lamentable épisode, Cédric Villani a prié Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, de reprendre le texte à son compte. Ce à quoi elle s’est engagée. Il reste encore du temps avant la fin de cette législature, et nous gardons bon espoir de voir nos revendications légitimes aboutir.
Claire Starozinski
Présidente de l’Alliance Anticorrida