Introduction
Le comportement alimentaire du Hérisson d’Europe est un sujet qui intéresse particulièrement le public : de nombreuses personnes posent des questions sur l’alimentation du Hérisson. Ce sujet a fait l’objet de très nombreuses études scientifiques ; s’il est récurrent dans la littérature scientifique, il est moins évident d’ arriver à faire une synthèse car les données sont nombreuses.
Dans cet article nous allons essayer de faire une synthèse en regroupant différentes études pour mieux comprendre comment le Hérisson d’Europe se nourrit, quels sont ses goûts, ses préférences et les comportements propres à l’espèce mais aussi les différences entre individus.
En quelques mots
Pour commencer nous allons décrire en quelques lignes les faits et les caractéristiques les plus significatifs du comportement alimentaire du Hérisson d’Europe.
Les hérissons trouvent leur nourriture dans une variété d’habitats naturels, artificiels ou anthropiques. Ils préfèrent se nourrir dans les zones susceptibles d’avoir une grande disponibilité de proies. Ils présentent un schéma d’alimentation bimodal, avec un premier pic d’activité à l’heure du crépuscule et un deuxième pic au milieu de la nuit ou vers l’aube. Environ 50% du temps total actif est consacré à la recherche de nourriture. Les hérissons localisent leurs proies en utilisant principalement l’odeur, mais aussi le bruit. Les hérissons montrent une discrimination dans le choix des proies ; les plus âgés sont capables de se nourrir plus efficacement que les juvéniles. L’observation a montré des comportements spécifiques comme essuyer l’excès de vase (dépôts de terre et de bave mélangés) des grosses limaces à l’aide des pattes antérieures, manger les gros vers de terre en commençant par l’arrière pour finir par la tête et percer un trou dans les œufs afin d’extraire le contenu en léchant.
Allons maintenant plus loin…
Dans les années cinquante et soixante, COTT, DIMELOW, HERTER et BURTON sont les premiers qui se sont intéressés à l’alimentation du Hérisson. De nombreux scientifiques et naturalistes ont suivi.
Voici ce qu’ils ont observé et décrit.
Le Hérisson a sans doute évolué en animal nocturne parce que les espèces invertébrées qui sont ses proies, sont plus abondantes et faciles à localiser la nuit. (MORRIS, 1997)
Les hérissons ne stockent ni ne cachent de réserves de nourriture dans leur hibernacle pour y passer l’hiver. (CORBET & HARRIS, 1991 ; SEDGELEY, 1991 ; MORRIS, 1994)
Les tests expérimentaux de préférences alimentaires ont démontré que les hérissons sélectionnent certaines espèces de proies et en rejettent d’autres (REEVE, 1994).
La recherche initiale a provisoirement établi des différences entre les stades de la vie du Hérisson. Avec l’âge, le Hérisson progresserait dans le choix de ses proies ainsi que sur ses techniques de recherche de nourriture mais cela nécessite des recherches plus approfondies. Une étude documentée a montré que le régime alimentaire des jeunes individus était constitué majoritairement de proies ayant un faible poids corporel, contrairement aux individus adultes qui préfèrent des proies d’un poids corporel plus élevé et à corps mou. On a constaté qu’avec l’augmentation de l’âge, les hérissons mangeaient davantage de mollusques, de carabidés et de larves tandis que le nombre d’arachnides et de perce-oreilles diminuait chez les hérissons âgés étudiés. (DICKMAN, 1988 ; REEVE, 1994)
- Les hérissons plus âgés peuvent se nourrir plus efficacement avec des proies plus grosses, particulièrement à corps mou. (DICKMAN, 1988)
Une étude comparant les proies disponibles avec les proies capturées a indiqué que la stratégie de recherche de nourriture du hérisson maximise l’apport en énergie tout en minimisant la dépense énergétique. Les proies à corps mou facilement accessibles (vers de terre, limaces, chenilles et larves de tipulidés) sont préférables aux carabes (qui ont une cuticule indigeste, peuvent se déplacer rapidement et sécréter des produits chimiques désagréables). Les carabidés sont davantage consommés (60% du régime alimentaire) au cours d’un mois sec lorsque peu de vers de terre sont disponibles. Les vers de terre sont considérés comme consommés en proportion directe de leur disponibilité. (WROOT, 1985)
On a observé des hérissons se nourrir dans une variété d’habitats naturels et artificiels ou anthropiques. (REEVE, 1994)
Il a été démontré que les hérissons favorisent les prairies sur les terres arables en tant qu’habitats d’alimentation. (REEVE, 1994)
Les données tirées des études de suivi par radiopistage sur l’organisation du temps des hérissons ont montré qu’environ la moitié, ou plus, de la période active est consacrée à la recherche de nourriture. (REEVE, 1994)
Une étude détaillée des hérissons vivant sur un terrain de golf de banlieue montre que les individus préfèrent se nourrir dans les endroits intermédiaires entre les zones de végétation dense et les habitats ouverts qui peuvent contenir une grande diversité d’espèces de proies invertébrées. (REEVE, 1994)
Des études sur les hérissons sur le terrain et en captivité ont mis en évidence un mode d’alimentation bimodale ; des pics d’activité ont été observés vers 21H00 – 24H00 et 03H00 (CAMPBELL, 1975 ; REEVE, 1994).
- Pour les hérissons en captivité en Nouvelle-Zélande, les pics d’activité (sur quatre individus) se situaient entre 19H00 à 22H00 avec pour deux animaux, un deuxième pic plus petit à 03H30. Les périodes d’alimentation individuelles étaient courtes et le premier repas du soir avait tendance à durer plus longtemps que la durée normale (moyenne). (CAMPBELL, 1975)
- Pour les hérissons au Royaume-Uni, il a été stipulé comme temps d’alimentation principal « un peu après minuit » ou vers 02H30, avec un deuxième temps environ une heure avant l’aube. (BURTON, 1969)
Les auteurs ont émis l’hypothèse que le modèle d’activité alimentaire bimodale pourrait se rapporter à la capacité gastrique estimée à environ 32 g sur la base d’examens post mortem. Puisque les hérissons consommeraient entre 57 et 71 g de nourriture par nuit, il a été suggéré que le premier pic d’activité alimentaire peut remplir l’estomac, une pause dans l’activité permet ensuite la digestion et la vidange gastrique, en prévision d’un second pic d’alimentation. (REEVE, 1994)
Les hérissons se déplacent généralement lentement tout en glanant de la nourriture, mais ils sont constamment vigilants et s’arrêtent fréquemment pour renifler et écouter leurs proies. (REEVE, 1994 ; MORRIS, 1987)
Alors que la majorité de leurs mouvements pendant la quête de nourriture sont lents, les hérissons sont capables d’une action rapide et de filer comme une flèche pour attraper des proies et se déplacer entre les sites d’alimentation à une vitesse accrue. (REEVE, 1994 ; MORRIS, 1987)
La vitesse à laquelle les hérissons se déplacent dans la végétation lorsqu’ils se nourrissent s’est avérée être plus rapide dans l’herbe courte, devenant plus lente à mesure que la couverture du sol augmente en densité. (REEVE, 1994)
Les hérissons vont creuser dans le substrat de surface pour obtenir des proies, mais ne creusent pas de trous profonds pour s’alimenter. (REEVE, 1994)
Les hérissons localisent la nourriture principalement par l’odeur, mais aussi par le son ; la vue n’est pas importante pour trouver de la nourriture. (HERTER, 1966)
Les hérissons explorent et étudient leur habitat lorsqu’ils se nourrissent, reniflant bruyamment la couverture du sol et utilisant leur sens de l’odorat pour aider à détecter les proies cachées. (REEVE, 1994)
- Les hérissons sont capables de détecter les aliments grâce à leur sens de l’odorat, même à une profondeur de 3 cm sous la surface du sol. (MORRIS, 1987)
- Des essais observationnels réalisés sur l’odorat de hérissons captifs ont révélé que « les hérissons pouvaient détecter des coléoptères écrasés (hannetons et carabes) à une portée maximale de 1 m (41% de succès), un chien à 11 m (42% de succès) et des souris ont été détectées de manière fiable à 5 m. » Les résultats ont suggéré que les hérissons étaient en mesure de trouver rapidement des aliments avec un niveau de compétence similaire à un chien. (REEVE, 1994)
Les hérissons utilisent leur sens aigu de l’ouïe pour repérer et localiser les proies invertébrées cachées dans le substrat. (REEVE, 1994 ; MORRIS, 1987 ; MORRIS, 1994)
- L’Erinaceus europaeus peut entendre le bruit d’un coléoptère se déplaçant à une distance de cinq mètres. (REEVE, 1994)
Les hérissons utilisent leur gueule pour attraper et prendre de la nourriture. (CORBET & HARRIS, 1991)
Les hérissons sont censés utiliser leur langue pour attraper les petites proies. (BURTON, 1969)
L’observation des hérissons qui s’attaquent aux coléoptères a montré que les proies sont généralement saisies par leurs côtés latéraux ou postérieurs, ce qui permet au hérisson d’éviter les blessures potentielles de leurs parties buccales. (DIMELOW, 1963 ; REEVE, 1994)
La régurgitation et la ré-ingestion de proies à corps mou (vers de terre et limaces) ont été observées. (DIMELOW, 1963)
On a observé que lorsqu’ils se nourrissent de grosses limaces, certains individus se servent de leurs pattes antérieures pour essuyer l’excès de vase avant de manger leur proie. (DIMELOW, 1963)
Les hérissons se nourrissent d’œufs d’une manière caractéristique dont les auteurs suggèrent que cela peut permettre l’identification de l’espèce comme prédateur, par contraste avec les carnivores. Ils percent un gros orifice dans l’œuf et extraient son contenu en léchant. Les restes d’œufs sont laissés « comme des cuvettes légèrement creuses, le reste des coquilles étant complètement brisées, et le nid lui-même éclaboussé avec leur contenu ». (BOUCHNER, 1999)
Les hérissons peuvent déterrer les œufs enterrés par les renards (Vulpes vulpes – Renard roux). (BROWN, LAWRENCE & POPE, 1992)
On suppose que les hérissons sont incapables de mordre les œufs à coquille relativement épaisse comme les œufs de poule ou les gros œufs (ils sont incapables de manger les œufs de dimension 39 x 28 mm tandis que ceux de dimension 36 x 26 mm peuvent être consommés). (HERTER, 1966)
Un hérisson a été décrit cassant un œuf de poule en frappant l’œuf latéralement et en utilisant les canines pour percer un trou, permettant ainsi l’accès du museau et de la langue au contenu, bien qu’il ait été suggéré que les œufs de poule sont saisisquand ils sont déjà fissurés. Il est possible que certains hérissons puissent devenir particulièrement friands d’œufs de poule. (COTT, 1951 ; REEVE, 1994 ; BURTON, 1969)
Les œufs trouvés dans un nid peuvent être consommés sur place ou à une distance de plusieurs mètres du nid. (COTT, 1951)
En général, les hérissons ne sont responsables que d’une faible proportion de prédation des œufs des oiseaux sauvages tels que les perdrix. (REEVE, 1994)
- Les pertes causées par les hérissons dans les domaines n’ont été que d’environ 1,3%, en comparaison au 33,8% attribuées aux renards. (MIDDLETON, 1935)
Les hérissons peuvent être des prédateurs importants des œufs ou des oisillons nichant au sol dans certaines circonstances. (JACKSON, 2001 ; REEVE, 1994)
- En Écosse, dans les îles occidentales de South Uist, des clôtures pour empêcher la prédation des œufs d’échassiers (Charadridae) par les hérissons ont permis d’obtenir un succès de nidification 2,4 fois supérieur que dans les zones situées à l’extérieur des clôtures. (JACKSON, 2001)
La dentition du Hérisson n’est pas adaptée pour causer une mise à mort rapide comme chez certaines espèces de l’ordre Carnivora (Carnivora – Carnivores (ordre)), pour cette raison, les hérissons vont mordre et ronger les proies vivantes. (REEVE, 1994)
Des observations anecdotiques de hérissons capturant des proies vertébrées indiquent que l’animal est généralement retenu par le corps et les pattes antérieures du hérisson et qu’il est mangé dans le sens de la croupe vers la tête. (REEVE, 1994)
Une observation anecdotique montre que les hérissons peuvent chasser et poursuivre des petits mammifères actifs mais ce sont, plus fréquemment, les animaux moribonds et les oisillons qui sont susceptibles d’être pris comme proies. (REEVE, 1994)
Un comportement cannibale chez les hérissons est rapporté dans différents écrits. Les femelles adultes peuvent manger des portées entières de nouveau-nés si elles sont dérangées. Les poils de hérisson trouvés dans la matière fécale sont considérés comme susceptibles de provenir du comportement d’autolubrification du hérisson. Alors que le vrai cannibalisme peut se produire, la consommation des congénères comme charogne semble plus probable. (REEVE, 1994)
L’étude sur le changement de l’apport alimentaire avec l’âge suggère que les insectes les plus gros sont consommés chez les individus plus âgés. (MACDONALD, 2001)
Des études approfondies portent sur l’hypothèse de hérissons se nourrissant de lait en tétant du trayon de vache. Bien qu’il existe des preuves anecdotiques de blessures causées par un hérisson aux trayons et qu’il est possible que les hérissons lèchent le lait qui s’écoule du trayon ou se répand sur le sol, il est peu probable que les hérissons puissent téter efficacement compte tenu de leur taille relativement petite ou absorber des volumes importants de lait. (REEVE, 1994 ; MORRIS, 1987 ; HERTER, 1966)
- Les plaies impliquant la perte d’un bout de trayon et décrites comme « presque chirurgicalement précises » ont été attribuées aux hérissons. Également une « longue incision » a été rapporté par le propriétaire d’une vache ayant vu un hérisson suspendu au trayon, qu’il a chassé par la suite. De tels incidents concernaient des vaches dans des champs dans lesquels les hérissons étaient « abondants ». Il a été suggéré que les hérissons pourraient parfois confondre le trayon d’une vache couchée pour une limace et essayer de la manger. (COROCAN, 1967)
Les histoires de hérissons recueillant des fruits pour les transporter, par exemple, empalant des pommes sur leurs piquants, proviennent du folklore antique et ont été illustrées dans des manuscrits médiévaux. Le consensus général suggère qu’il y a peu de preuves pour soutenir ce comportement alimentaire. Il est possible qu’en de rares occasions, des fruits mûrs tombent sur le dos d’un hérisson et y restent pendant un certain temps. (REEVE, 1994 ; MORRIS, 1987 ; HERTER, 1966)
L’alimentation supplémentaire des hérissons par les êtres humains à l’intérieur de leurs jardins est une pratique courante. (MORRIS, 1987)
On voit souvent des portées tardives de faible poids corporel (150 – 200 g) se nourrir pendant la journée à la fin de l’automne ou au début de l’hiver, car elles doivent prendre suffisamment de poids et développer des réserves de graisse pour survivre à l’hibernation (minimum 450 g). (MORRIS, 1987 ; SEDGELEY, 1991)
Pendant les étés secs ou froids, même les portées précoces de hérissons peuvent avoir des difficultés à trouver suffisamment de nourriture pour atteindre un poids corporel suffisant pour l’hibernation (MORRIS, 1987).
En utilisant des estimations de la perte de poids totale en pourcentage pendant l’hibernation, il a été mis en évidence que lors de la première année les juvéniles doivent atteindre un poids corporel d’environ 450 – 500 g pour survivre à l’hibernation. (MORRIS, 1984 ; MORRIS, 1987)
Dans le sud de la Suède, des études par radiopistage ont identifié un changement dans les zones utilisées pour la recherche de nourriture à la fin du mois de juillet. Ceci est lié à un pic d’abondance de scarabées dans les vastes pelouses et les terrains de football. (GÖRANSSON, 2000)
En Italie, des études préliminaires sur le hérisson par radiopistage ont montré que le comportement de recherche de nourriture dans les vergers de pêchers était celui le plus fréquemment observé. (SCARAVELLI, BONTADINA & ALTAMORE, 2000)
Des études ont montré que la distribution régulière et fiable d’aliments supplémentaires n’affecte pas les habitudes alimentaires générales et que les hérissons ne deviennent pas dépendants de la nourriture fournie. Il semble que, au moins dans les conditions où d’autres aliments sont largement disponibles, ces aliments sont traités de la même manière que les autres sources alimentaires connues et sont visités de façon répétée mais pas nécessairement tous les soirs. (WROOT, 1985)
Manuel de Aguire
Responsable Capacitaire
Président d’Erinaceus France
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