Numéro 6Culture contemporaineComme un poisson dans l’eau : le nouveau podcast contre le spécisme

Victor Duran-Le Peuch17 janvier 20226 min

Le spécisme ? Je ne vois pas…  

Le spécisme est partout et règne en maître, à la fois invisible et pernicieux ; nous sommes immergés dedans depuis que nous sommes nés et il nous semble aussi naturel que pour un poisson l’eau dans laquelle il nage. On peut le voir (mais le plus souvent, on ne le voit pas justement !) aux repas de famille, au supermarché, dans la publicité ou dans le dictionnaire…

Le spécisme, c’est la discrimination sur la base du critère de l’espèce et c’est aussi l’idéologie qui justifie cette discrimination en plaçant l’humain au sommet de la hiérarchie, au-dessus des autres animaux. Il s’agit d’une discrimination arbitraire et donc injuste, car la différence d’espèce, en soi, ne peut justifier de négliger les intérêts de certains individus, pas plus que le sexe, le genre, ou la couleur de la peau. 

Concrètement, cela se traduit par la souffrance et la mort de millions – non, de milliards – d’animaux que les humains élèvent, exploitent, tuent et consomment ou laissent mourir dans l’indifférence et dont les souffrances physiques et psychologiques sont ignorées ou minimisées. 

Montrer le spécisme, l’analyser et le combattre

Le spécisme est une injustice et les injustices se perpétuent notamment par un travail actif et continu d’invisibilisation et de naturalisation de leurs mécanismes et de leurs effets. Nous vivons dans une société spéciste qui dit constamment à propos des violences subies par les animaux : circulez, il n’y a rien à voir ! Ainsi, mettre un nom sur cette discrimination, c’est-à-dire faire éclater au grand jour le spécisme pour ce qu’il est, c’est aller à l’encontre de cette invisibilisation et c’est se donner les armes adéquates pour pouvoir commencer à le combattre. 

Ces armes, elles sont forgées par toutes les personnes qui s’efforcent d’analyser directement et indirectement le spécisme, dans le monde de la recherche ou sur le terrain, dans le monde associatif. Cette forme de discrimination est par exemple bien étudiée en philosophie morale ; son existence et son caractère injuste ne sont plus vraiment contestés par les chercheurs qui se penchent sérieusement dessus. Et ce n’est que le début : notre connaissance des ressorts du spécisme s’affine toujours plus, et de plus en plus de disciplines s’emparent de la question : sociologie, économie, psychologie… C’est pour rendre compte de ces nouvelles connaissances autour du spécisme que j’ai voulu lancer un podcast interdisciplinaire qui reflète la diversité des grilles d’analyse à disposition pour le comprendre.

Peut-être que l’écoute de tel ou tel épisode aura pour effet d’encourager encore plus de jeunes dans le monde de la recherche à se pencher sur ce sujet ou à l’incorporer à leurs recherches présentes et futures ! Un autre but du podcast est que les analyses du spécisme soient davantage connues et mobilisées par toutes et tous, en particulier par les personnes militant pour l’égalité animale au quotidien mais aussi plus largement par toutes les personnes qui s’engagent pour la justice sociale. 

Ce n’est certes qu’une première étape – donner à voir une réalité et la nommer pour pouvoir la dénoncer – mais elle est essentielle car beaucoup de personnes ne connaissent pas encore le terme spécisme, et encore moins l’ampleur de la discrimination injuste à laquelle il se réfère, même quand elles se préoccupent de la cause animale. La route sera longue mais je pense pouvoir dire avec confiance que les choses vont – bien que trop lentement – dans la bonne direction.

Le spécisme est un concept légitime et utile, alors utilisons-le !

Il y a des millions de personnes dans le monde qui militent pour les animaux. Mais une minorité d’entre elles seulement mettent explicitement le combat contre le spécisme au cœur de leur activisme, et c’est aussi vrai des associations ou organisations animalistes. 

Je pense que mettre en avant le concept de spécisme est important et constitue un atout sur le long terme pour le mouvement. En effet, si le problème est formulé en termes de discrimination, et donc de spécisme, la lutte animaliste apparaît alors d’emblée dans toute sa dimension : il s’agit non seulement d’un combat pour les animaux non humains, bien sûr, mais aussi et surtout d’un combat pour l’égalité et la justice sociale, dans la continuité des autres mouvements sociaux progressistes. 

Si nous parlons de « combat pour les animaux », d’aucuns peuvent être tentés de rétorquer « chacun son combat » ou « n’y a-t-il pas des combats plus urgents ? »… Tandis que si nous désignons d’emblée l’animalisme comme un « combat pour la justice et l’égalité et donc contre les discriminations », il apparaît alors plus clairement comme étant le combat de toutes et tous, l’extension logique des précédentes luttes historiques de libération et d’égalité. 

Car on ne peut réclamer la justice pour les uns et la refuser pour les autres, sans que cela ne soit discriminatoire et donc au final contradictoire avec l’idée même de justice. Personne ne peut être engagé dans l’ensemble des luttes sociales, mais l’absence de discrimination est bien le strict minimum qu’on peut attendre de chacun pour établir un monde juste.

Cependant, comme l’écrit la journaliste et militante animaliste Axelle Playoust-Braure, abolir le spécisme ne suffira pas [1]. La justice demande plus que la seule absence de discrimination : elle exige aussi des actions positives, la prise en compte des intérêts et de l’agentivité de chaque être ainsi que l’établissement de relations mutuellement bénéfiques.

Un podcast pour apprendre à nager en eaux troubles

Alors si vous voulez apprendre à nager dans les eaux troubles du spécisme, le podcast Comme un poisson dans l’eau vous donnera quelques pistes ! J’y reçois des chercheurs, des journalistes, des artistes et des activistes qui nous apportent leur expertise : un thème central par épisode, à chaque fois suivi d’un format lectures permettant d’aller plus loin. Cela permet de découvrir à la fois les personnes passionnantes qui travaillent à analyser et à démanteler le spécisme, et les textes historiques et contemporains de la pensée antispéciste. 

Les courants contraires à l’égalité sont certes toujours puissants, mais le banc des poissons qui y voient clair dans l’eau du spécisme grandit de jour en jour ; et s’ils nagent tous dans la même direction, ce sont eux qui, par leur mouvement, façonneront un nouveau courant d’idées puissant et durable pour l’avènement d’un monde plus juste entre tous les êtres sentients, c’est-à-dire capables d’avoir des expériences subjectives, indépendamment de leur espèce. 

Comme un poisson dans l’eau est disponible sur toutes les plateformes de podcast et sur Youtube !

Podcast : anchor.fm/victor-duran-le-peuch 

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Twitter : twitter.com/poissonpodcast 


[1] Axelle Playoust-Braure – « Spécisme : abolir ne suffira pas », Mouvements, vol. 108, no. 4, 2021, pp. 115-129. mouvements.info/specisme-abolir-ne-suffira-pas/ 

Charte graphique : Ivan Ocaña

Victor Duran-Le Peuch
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Créateur et animateur du podcast contre le spécisme

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