Numéro 17SantéChat et toxoplasmose : dédiabolisons le chat !

Brigitte Leblanc15 octobre 20246 min

Toxoplasmose et future maman font rarement bon ménage, si cette dernière n’est pas préalablement immunisée contre ce parasite et qu’elle est contaminée pendant sa grossesse. La toxoplasmose peut effectivement être à l’origine d’avortements et de malformations du nouveau-né, avec des atteintes feotales oculaires, cérébrales et pulmonaires. En médecine vétérinaire, il est très commun de voir une future maman venir demander conseil, plus ou moins paniquée à l’idée de devoir abandonner son chat : en effet, il y a encore peu, de nombreux gynécologues tenaient un discours inquiétant incriminant le chat, en déconseillant tout contact de la future maman avec ce dernier, et ce quelles que soient leurs conditions de vie, diabolisant le chat et parfois même mettant en cause l’amour de la future mère pour son bébé si elle se montrait réfractaire à l’abandon de son chat… Les choses ont heureusement évolué, mais pour bien comprendre pourquoi ce discours alarmiste n’est pas fondé, tout en assurant une protection maximale du foetus, il faut un peu de connaissances en parasitologie !

Sous ce nom somme toute mélodieux se cache un parasite microscopique unicellulaire qui est capable de contaminer la quasi-totalité des animaux à sang chaud, dont nous sommes. De nombreuses espèces en sont donc l’hôte, mais le chat (et les félins en général, mais nous avons peu souvent un lion dans notre salon…) en est l’hôte définitif, c’est à dire celui où aura lieu la reproduction sexuée du parasite. Cette zoonose est dite immunisante, c’est à dire qu’on ne l’attrape qu’une seule fois dans sa vie, par la suite notre système immunitaire fait le nécessaire pour l’éliminer grâce aux anticorps qu’il élabore. La plupart du temps, la toxoplasmose ne donne guère lieu à des symptômes inquiétants, que ce soit chez l’humain ou chez son chat :  elle passe inaperçue dans 80% des cas, sinon elle peut occasionner une fièvre modérée, un mal de tête, de la fatigue parfois pendant plusieurs semaines. Il en est de même du chat, dans la grande majorité des cas asymptomatique. Le risque essentiel concerne donc la femme enceinte non immunisée, avec la possibilité qu’une toxoplasmose congénitale touche son nouveau-né : en France, en 2022, 131 cas ont été constatés (passage de la barrière placentaire)[1]. Alors comment vit ce parasite et comment en devient-on hôte ?  

Toxoplasma gondii se reproduit donc uniquement dans le système digestif du chat (le félin de nos maisons), et ce chat va excréter les oocystes, la forme infestante principale, dans ses selles. Quand le chat sort, ces oocystes vont contaminer l’herbe, les fleurs, la terre, l’eau… alentour et peuvent y persister pendant un an en milieu humide. S’il utilise une litière, celle-ci pourra être infestée. A noter cependant que ces oocystes ne deviennent infestants qu’après au minimum 24 heures de maturation. Les herbivores (moutons, rongeurs…) vont ingérer ces oocystes présents dans les végétaux, ces oocystes vont se multiplier et former des kystes tissulaires dans leurs muscles, sans causer de symptômes particuliers. En ingérant la viande porteuse de ces kystes, les carnivores se contaminent à leur tour : les chats en mangeant des petits rongeurs par exemple, et la boucle est bouclée ![2]

Connaissant à présent le cycle du parasite, les sources de contamination sont évidentes : le chat (enfin ses selles, pour être précis !), les aliments souillés par lesdites selles, et les kystes musculaires des animaux qui sont consommés.

  • Le chat : comme expliqué précédemment, le chat ne sera contaminé qu’une fois dans sa vie (maladie immunisante) en ayant mangé un animal porteur de kystes ou ingéré de l’eau ou de l’herbe contaminée. Il faut savoir également qu’il n’excrétera les oocystes que pendant trois semaines au maximum. Sachant cela, un chat d’intérieur mangeant de la nourriture industrielle ne peut être porteur et contaminer sa maîtresse. Quant au chat qui sort, il ne sera contaminé qu’une seule fois dans sa vie et excréteur 3 semaines maximum, et, puisque les oocystes ne sont infestants qu’après 24 heures de maturation, si sa litière est changée et lavée (70°, sans eau de Javel) quotidiennement, il n’y a aucun risque de contamination humaine. Alors comment se contamine l’humain ? Par son chat directement ? Non ! Par sa litière ? S’il ne sort pas, non ! Et s’il sort, les gestes précédents doublés de la protection de gants nous mettent à l’abri.
  • Notre alimentation : la contamination se fait donc par ingestion d’oocystes matures excrétés avec les crottes du chat (et a priori nous ne mangeons pas les crottes de nos chats…), donc en mangeant des fruits ou des légumes non lavés, ou en mettant à notre bouche des mains souillées par de la terre ou de l’eau contaminées, en jardinant les mains nues. C’est donc ici que l’on trouve une des principales causes de contamination : par le manque d’hygiène ! Et nous pouvons aussi nous contaminer en mangeant des kystes musculaires, donc de la viande insuffisamment cuite, principalement de mouton, de porc et de bœuf, de ce fait les futures mamans végétariennes ne courent aucun risque via cette voie de contamination.

Certes non ! D’ailleurs, s’il ne sort pas et mange des croquettes et des boîtes, le risque qu’il la contamine est on ne peut plus nul (ni les morsures ni les griffures ne peuvent être contaminantes). En revanche, elle doit :

  • Changer et laver la litière chaque jour, avec des gants par précaution supplémentaire, s’il sort (ou déléguer… autant en profiter !)
  • Jardiner avec des gants
  • Laver fruits et légumes
  • Manger de la viande cuite à cœur…
  • Congeler ses aliments au moins 48 h
  • Et forcer sur l’hygiène !

S’il y avait besoin de prouver encore plus que notre chat est bien loin d’être le responsable principal de la toxoplasmose, sachez que de moins en moins de femmes en France sont immunisées contre cette zoonose (70% de femmes non immunisées) et nous avons pourtant de plus en plus de chats dans nos foyers ! Mais en revanche nous consommons de moins en moins de produits du jardin, nos modes de vie et d’alimentation ont bien évolué[3]Alors, dédiabolisons nos chats !


[1] Toxoplasmose | ameli.fr | Assuré

[2] Toxoplasmose et santé publique : risques pour la femme enceinte et les personnes fragiles – Les précautions à prendre – ESCCAP France

[3] BIORISK2016SA0271Fi.pdf (anses.fr)

Dessins : Carole Tymoigne


Brigitte Leblanc
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