ActualitésAnimaux domestiquesBien-être de nos animaux médiateurs : qui ne dit mot ne consent pas forcément !

Christine Renard10 novembre 20235 min

« Qui ne dit mots consent » est un adage que j’ai entendu lorsque j’étais juriste. Je l’ai souvent rappelé à mes clients dans le cadre de l’interprétation de leurs contrats.

Petit rappel de droit : le code civil énonce que le consentement doit être express, c’est-à-dire exprimé sans équivoque et que l’erreur, le dol et la violence peuvent le vicier. La jurisprudence a, quant à elle, introduit la notion de « consentement tacite » et retient l’adage en certaines circonstances limitées.

Mais qu’est-ce que ces mots ont bien à voir avec le bien-être des animaux médiateurs ?

Petit rappel, les animaux médiateurs interviennent auprès de professionnels pour susciter des réactions positives pour les personnes qu’ils accompagnent en vue de soutenir leur processus de développement.

Le respect du bien-être des animaux médiateurs (avant, pendant et après les séances de médiation) en termes notamment d’environnement de vie et de séance, de rythmes, de sécurité, d’envies et de respect de leurs autres besoins est essentiel. En tant que professionnels, nous en sommes les garants.

L’animal de médiation c’est celui qui s’épanouit en séance de travail, sans développer de pathologies ou de troubles. Il a autant de plaisir à être avec sa famille (humaine et animale) qu’à être avec les bénéficiaires des séances.

Cet animal a des dispositions innées à la relation. Il a une « appétence » à l’humain, spontanément (hors conditionnement), il sollicite l’entrée en relation et stimule le développement de la relation, en faisant des propositions.

C’est souvent l’absence de ces dispositions innées qui est à la base du mal-être des animaux en médiation. Il ne suffit pas d’ “aimer” les animaux pour pratiquer en médiation, il faut surtout très bien les connaître (en plus de très bien connaître les besoins de nos bénéficiaires).

Nos animaux ont des limites, eux aussi ont le droit de dire « Non »

Recueillir le consentement express de l’animal (hors conditionnement) avant et pendant les séances est, à mon sens, une de nos obligations en tant que professionnels.

Le respect de leur bien-être suppose une (très !) bonne connaissance de leurs besoins éthologiques mais également une relation basée sur la confiance (et non le conditionnement) entre eux et nous, entre eux et nos bénéficiaires.

C’est à partir de cette notion de bien-être que je m’efforce, au travers de ma pratique, d’étayer le réamorçage d’un développement équilibré et épanoui des personnes que j’accompagne. Le consentement en est la pierre angulaire.

L’animal qui ne dit mot, ne consent pas forcément. Comprendre cette notion et tout ce qu’elle implique est extrêmement riche d’enseignements. 

En effet, pour que l’animal consente à entrer en relation, il y a un certain nombre de prérequis en termes de besoins, de rythmes, de sécurité, d’envies, de limites : tout ce qui garantit son bien-être. Comprendre ces prérequis, les observer, les écouter et les respecter ouvre la porte d’une possible rencontre avec l’autre-animal et, surtout, d’une rencontre basée sur la sécurité.

Comprendre les pierres qui soutiennent l’édifice : sécurité de l’animal c’est comprendre pour nous humains, ce qui sous-tend notre sécurité intérieure, à la base d’un lien d’attachement secure à l’autre et, par intériorisation, à soi-même.

Cette notion de « consentement » est au cœur des ateliers partagés avec les animaux et, notamment, les personnes au parcours de vie fracassé par des traumatismes de violences physiques et/ou psychologiques. Parce que pour se (re)construire, il est essentiel de connaître et d’identifier, à chaque instant, ses besoins, d’apprendre à les écouter et à y répondre, d’apprendre ses limites, d’apprendre à s’engager mais, également d’apprendre à dire “non”.

La compréhension et l’intégration de cette notion de « consentement » est essentielle pour ces personnes qui souffrent de blessures de l’attachement car, elles-mêmes éprouvent dans leur propre corps le manque de sécurité intérieure.

« Apprendre à tricoter de nouveaux liens » (expression du neuropsychiatre Boris Cyrulnick) leur permet de retrouver confiance dans la relation, de vivre une relation d’attachement fondée sur l’intimité émotionnelle et la sécurité et, leur permet, avec le temps, de modifier leurs « modèles internes opérant » (concept du psychiatre John Bowlby) et d’ouvrir le champ de nouveaux possibles.

La compréhension, l’intégration et le respect de cette notion de « consentement » nourrit l’amour des autres vis-à-vis de soi et fait renaître l’amour de soi par l’intériorisation de ces relations secures. Cet amour de soi permet de développer une relation nouvelle à soi-même et pour soi-même.


L’animal qui ne dit mot nous parle pourtant beaucoup
et nous exprime des demandes en séance au travers de ses postures, son corps, avec son regard, ces propositions (ou l’absence de propositions). Ce sont tous ces indicateurs de communication qui sont observés durant les séances de médiation tant pour garantir le bien-être de nos animaux en séance, que pour permettre aux personnes accompagnées d’apprendre, de comprendre et d’intégrer ces indicateurs pour les autres-animaux, dans un premier temps, et pour elles-mêmes finalement.

C’est pourquoi, et est essentiel et porteur de sens, pour ces personnes, de :

  • apprendre à observer, en séance, l’expression des besoins éthologiques des animaux,
  • apprendre à obtenir le consentement express de l’animal dans la rencontre sans violence, tromperie, conditionnement,
  • apprendre à observer l’expression du « non » de l’animal, les limites de l’animal.

Parce qu’en effet, l’animal qui dit « non » avec son corps, au travers d’une réaction n’a jamais l’intention de rejeter, d’abandonner, d’humilier, de mépriser, de violenter la personne qui vient à sa rencontre. Il est juste, à cet instant-là, en train d’exprimer ce dont il a besoin pour, lui-même, rester en sécurité et répondre à ses propres besoins vitaux et relationnels.

Cette observation permet aussi d’apprendre, de comprendre et d’intégrer la notion de « singularité » propre à chaque être vivant quelle que soit son espèce et, finalement, à la respecter, sans la nier, ou chercher à la modifier, ou à la contraindre.

C’est alors que la rencontre est une véritable rencontre authentique de l’expression de deux libertés, celle de l’animal et celle de l’humain.

Cette libération des schémas du passé que l’humain recherche tant tout au long de sa vie, se joue là, à mon sens, au travers de la rencontre consentie expressément.


Christine Renard
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