Depuis 2015, l’Association en faveur de l’abattage des animaux dans la dignité (AFAAD) s’investit en faveur de l’amélioration des conditions d’abattage des animaux de boucherie. Depuis cette date, de nombreux scandales ont été révélés dans les abattoirs, remettant en cause les failles d’un système industriel devenu majoritairement incompatible avec le respect de l’animal. Face à ce constat, l’association a travaillé activement au développement de solutions d’abattage mobile en France, ces dernières pouvant garantir une meilleure prise en charge des animaux. Ce travail de lobbying a permis de voir naître, dans la loi Alimentation de 2018, l’Article 73 qui ouvre une période d’expérimentation des abattoirs mobiles en France pour une durée de 4 ans.
Si les solutions d’abattage à la ferme n’ont pas vocation à répondre à l’ensemble des besoins en abattage, elles peuvent permettre de répondre à la demande grandissante en faveur d’un plus grand respect des animaux lors de l’abattage.
I. L’abattage a la ferme : des atouts essentiels pour les animaux
1. L’absence de transport
On le sait, le transport génère un grand stress chez les animaux, parfois une véritable panique. Certains animaux n’ont jamais quitté leur milieu de vie et encore moins voyagé dans des bétaillères ou des camions. On peut donc constater que l’angoisse de la mise à mort commence dès le transport. La disparition de petits abattoirs de proximité tend à rallonger de plus en plus les temps de transports pour les animaux, certains territoires étant aujourd’hui totalement dépourvus d’outils d’abattage. « Abattre à la ferme », c’est supprimer cette première étape très anxiogène pour la majorité des animaux et leur garantir de ne pas quitter leur milieu de vie.
2. La mise à mort sur le lieu de vie
Du déchargement du camion jusqu’à la mise à mort, l’abattoir se révèle être un véritable traumatisme pour les bêtes : il s’agit d’un lieu étranger, où elles sont manipulées par des inconnus. Dans ces infrastructures industrielles inadaptées à l’animal « vivant », où les bruits et les odeurs alertent les animaux dès qu’ils y pénètrent, ils glissent, se blessent, manquent parfois du minimum, ne serait-ce que pour s’abreuver lorsque l’attente en bouverie dure de longues heures. Les animaux sont souvent contraints à supporter la promiscuité d’animaux d’autres troupeaux, voire d’autres espèces. L’abattoir mobile, sur le lieu de vie de l’animal, permet de lui éviter toutes ces souffrances.
3. L’accompagnement de l’éleveur
Enfin, la proximité de ceux qui les élèvent au moment de l’abattage peut être pour les animaux un facteur d’apaisement, et pour les éleveurs la garantie du bon traitement de ces derniers. Aujourd’hui, les éleveurs, dans leur grande majorité, ne peuvent plus accompagner leurs animaux jusqu’au poste d’abattage. Partant de ce constat, les éleveurs n’ont aujourd’hui aucun droit de regard sur la mise à mort de leurs animaux. Au-delà de la question de la bientraitance animale, les éleveurs travaillant en « circuit-court », manifestent une vraie défiance concernant le niveau de traçabilité au sein des abattoirs.
II- Etat des lieux de la règlementation
Contrairement à ce que nous pourrions croire, rien dans la règlementation n’interdit la mise en place d’un abattoir mobile en France, sous couvert qu’il puisse répondre à l’ensemble des normes en vigueur et obtenir son agrément.
1. Sur le plan sanitaire et environnemental
Les abattoirs mobiles doivent respecter comme tout abattoir, les exigences sanitaires des règlements européens 853/2004 et 2017/625 et de l’arrêté du 8 juin modifié. Une inspection ante et post mortem devront être réalisées par un vétérinaire officiel ou un agent vétérinaire agissant sous contrôle d’un vétérinaire officiel.
D’un point de vue environnemental, la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) devra être respectée pour obtenir l’agrément d’abattage.
2. Sur le plan de la protection animale
Tous les opérateurs œuvrant à la mise à mort de l’animal devront être titulaires de leur certificat de compétence (article 7 et 21 du règlement UE 1099/2009).
Au-delà de la règlementation, pour l’AFAAD, l’implication de certaines associations de protection animale dans le cadre du développement des abattages à la ferme est également souhaitable afin de s’assurer de la bonne mise en œuvre du processus d’abattage.
3. Une phase d’expérimentation de 4 ans votée en 2018
L’expérimentation d’abattoirs mobiles durant une période de quatre ans est prévue par la loi Egalim du 30 octobre 2018 en vue d’identifier les éventuelles difficultés de la réglementation européenne. Le Décret d’application n° 2019-324 d’avril 2019 expose notamment dans son article 1 que : « Toute personne souhaitant participer à l’expérimentation […] doit au préalable obtenir l’agrément du dispositif d’abattoir mobile, conformément aux dispositions de l’article L. 233-2 du code rural et de la pêche maritime, et respecter l’ensemble des dispositions applicables à l’activité d’abattage ».
III. Abattre à la ferme : quels outils ?
Les projets en cours de structuration s’appuient essentiellement sur deux types d’outils mobiles, déjà éprouvés pour la plupart dans d’autres pays autorisant déjà l’abattage à la ferme (Allemagne, Suède, Espagne). L’outil est sélectionné en fonction des besoins locaux (espèces, topographie), de la présence ou non d’abattoirs de proximité et/ou d’ateliers de découpe etc.
1. Le camion abattoir
Le camion-abattoir se déplaçant de ferme en ferme, réalisant toutes les étapes depuis l’amenée des animaux jusqu’au ressuage des carcasses. Le stockage au froid et la découpe sont confiés à des abattoirs de proximité ou à des ateliers de découpe. Deux grands modèles de camions existent : le modèle suédois, qui coûte plus d’1 million d’euros et qui est actuellement utilisé en Suède, et le modèle autrichien Schwaiger, dont le coût est moins élevé mais qui n’est pas encore utilisé dans l’Union européenne.
2. Le caisson d’abattage
Le caisson d’abattage se déplaçant d’un abattoir jusqu’à une ferme, afin de réaliser les étapes depuis l’amenée de l’animal jusqu’à la saignée (voire l’éviscération) à la ferme. Les étapes suivantes sont réalisées dans l’abattoir de proximité qui a intégré le caisson dans son plan de maîtrise sanitaire. Ces caissons existent déjà pour les bovins en Allemagne, où leur coût d’investissement est évalué entre 5 000 et 10 000 €. En Allemagne, seul un bovin peut être abattu dans un caisson avant de repartir vers l’abattoir ; les capacité d’abattage de ces outils sont donc relativement faibles.
IV. Focus sur deux projets soutenues par l’AFAAD
Notre engagement en faveur du développement des solutions d’abattage mobile se traduit par notre soutien officiel à deux projets qui sont en cours de structuration : l’un en Côte d’Or, l’autre en Loire Atlantique. Nous espérons que ces projets seront officiellement lancés en 2021.
1. Le Bœuf Ethique : un camion abattoir bientôt sur les routes de France
Depuis environ 4 ans, les camions de l’entreprise Hälsingestintan sillonnent la Suède pour abattre les bovins dans leurs fermes. L’abattoir mobile est complètement autonome. Le camion peut ainsi être installé en pleine campagne. Les vaches y sont étourdies, tuées, dépecées et débitées en moins de 20 minutes.
C’est ce camion qui va bientôt sillonner les routes de Côte d’Or en France grâce à l’éleveuse Émilie Jeannin, qui élève quelque 200 charolais en Côte-d’Or. Elle a lancé la construction de ce camion équipé qui ira de ferme en ferme pour abattre les bêtes directement chez les éleveurs, comme cela se pratique déjà en Suède. Le camion sera soumis aux mêmes règles sanitaires qu’un abattoir traditionnel et devrait être sur les routes en 2021.
Soulignons enfin que l’AFAAD a travaillé à la rédaction d’une charte éthique relative aux conditions d’abattage, charte qui sera signée dans les prochains mois avec Le Bœuf Ethique.
Pour en savoir plus sur le projet: http://www.boeuf-ethique.com
2. Le projet de l’association Abattage des animaux sur leur lieu de vie (AALVie)
Ce projet porté par une association de 150 éleveurs de Loire Atlantique, comprend une unité de mise en carcasse et une flotte de caissons mobiles. L’unité de mise en carcasse est un lieu de réception de bovins tués à la ferme. Intégrés dans l’agrément sanitaire de l’abattoir, les caissons fonctionnent comme un prolongement de l’abattoir dans les fermes. Les bovins sont étourdis sur leur lieu de vie, saignés dans les caissons puis acheminés vers l’unité de mise en carcasse. Ces caissons font le lien entre l’unité et les fermes dans un rayon géographique d’une heure de route.
Découvrir ce projet : https://www.aalvie.com/
L’AFAAD soutient le développement des abattoirs mobiles en France, ces derniers pouvant garantir une meilleure prise en charge du stress et de la souffrance animale lors de cette ultime étape qu’est l’abattage. A l’opposé du modèle industriel d’abattage, aux cadences infernales qui écrasent hommes et animaux, il existe une nouvelle voie à créer. Nous nous réjouissons de voir que des projets territoriaux, créant cette nouvelle voie, fédèrent tous ceux qui souhaitent une autre fin de vie pour les animaux qui nous nourrissent.
L’AFAAD déjà partenaire de projets en cours, travaillera volontiers avec tous ceux et celles qui portent les mêmes objectifs qu’elle.
Caroline Brousseaud
Présidente de l’AFAAD (Association en faveur de l’abattage des animaux dans la dignité)