Numéro 21Education des enfantsSanctions annulées pour des collégiens ayant refusé une dissection animale

Dominic Hofbauer15 octobre 20257 min

La dissection d’animaux reste souvent pratiquée dans l’enseignement secondaire. Dans un collège de l’Oise, des élèves ont été sanctionnés par leur professeur pour avoir exprimé leur détresse à l’idée de disséquer en classe des organes de bœuf, de dinde ou de grenouille. Avec l’aide de leurs parents, ces derniers viennent d’obtenir l’annulation des sanctions. Quelle évolution espérer pour l’avenir ?

Dans un cadre pédagogique, la pratique de la dissection vise à faire découvrir aux élèves la complexité anatomique des organismes vivants par une approche expérimentale. Par le passé, elle conduisait à la mise à mort de centaines de milliers de souris chaque année, contrevenant à la règle éthique des 3R (Réduire, Remplacer, Raffiner) largement adoptée en recherche scientifique. Aujourd’hui encore, le recours à l’expérimentation animale dans l’enseignement continue à faire débat.

D’un côté, certains enseignants de sciences de la vie et de la Terre (SVT) défendent activement la pratique de la dissection, car elle permet de confronter les élèves à des organismes vivants réels et de faire l’expérience directe de leur complexité. De l’autre, des élèves, leurs parents et une partie du corps enseignant s’opposent à cette pratique, au motif qu’elle conduit les élèves à se distancier de leur empathie envers les animaux. Selon ses opposants, et au-delà de la mise à mort des animaux, la pratique de la dissection normalise aux yeux des élèves un rapport instrumental aux animaux, renforce leur objectification et valide l’indifférence envers leur qualité d’individus vivants et sensibles.

Depuis la circulaire n° 2016-108 du 8 juillet 2016, la dissection ne peut être pratiquée en cours de sciences que sur des invertébrés, à l’exception des céphalopodes, ou sur des vertébrés (ou organes de vertébrés) morts et destinés à l’alimentation. Plus récemment, le guide des bonnes pratiques en SVT, rédigé par l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement (ONSAEE), invite les enseignants du secondaire à « utiliser des logiciels de simulation ou des documents vidéo pour remplacer l’expérimentation pouvant choquer les élèves ».

C’est un fait : le recours à la dissection en classe n’étant pas obligatoire, des élèves s’y opposent fréquemment, revendiquant à leur manière un droit à l’objection de conscience.

Cependant, certains enseignants continuent à recourir à la dissection auprès de leurs élèves. Selon plusieurs parents d’élèves, c’est le cas d’un professeur de SVT dans un collège de l’Oise, qui sanctionne depuis plusieurs années les élèves refusant de pratiquer cette expérience controversée. Selon les témoignages des élèves et de leurs parents, ce fut encore le cas cette année : en juin dernier, l’enseignant annonce à ses élèves de 4e la dissection d’un cœur de dinde au programme du cours. L’enseignant demande aux élèves s’ils acceptent de pratiquer cette dissection, précisant qu’ils seraient exclus du cours s’ils refusent. Acceptant le risque d’exclusion, plusieurs élèves expriment alors le souhait de ne pas participer.

Quand vient le moment de la dissection, l’enseignant change brusquement de discours : il critique ouvertement la « sensiblerie des élèves d’aujourd’hui », et annonce que les élèves qui ont refusé de participer devront finalement assister à la dissection, et seront sanctionnés par une note de zéro sur vingt, et par une punition consistant à recopier la charte du collège.

« Je suis végétarienne depuis ma naissance », raconte l’une des élèves qui s’est opposée à la dissection, « et c’était déjà difficile pour moi de supporter l’odeur et la vue du sang. Mais ce qu’a dit notre professeur pendant le cours, c’était blessant et je l’ai vécu comme une critique publique de mes choix personnels. »

Chercheur en biologie et membre d’un comité d’éthique en expérimentation animale, un parent d’élève témoigne : « Les méthodes de cet enseignant posent problème. L’enseignant de ma fille a sanctionné des élèves pour avoir choisi de ne pas pratiquer de dissection, alors qu’il est recommandé, selon l’ONSAEE, de préférer des méthodes alternatives moins choquantes. En plus d’être non justifiés et stigmatisants, cette sanction et les propos de l’enseignant impliquent que la sensibilité et l’empathie envers les animaux ne sont pas compatibles avec la pratique des SVT, et n’ont pas lieu d’exister dans son cours. »

Au début du cours, l’enseignant avait fait savoir qu’il n’accepterait aucun échange avec les parents à ce sujet. Consternés par le récit du cours transmis par leurs enfants, plusieurs parents écrivent cependant le soir même à la principale du collège. Grâce à la mobilisation des élèves et de leurs parents, les sanctions sont finalement levées.

« Nous souhaitons faire savoir à tous les parents et élèves témoins de situations similaires qu’il est possible de contester les prises de position discutables de certains enseignants, qui dénigrent la cause animale », précisent les parents mobilisés. Ils ajoutent à propos de l’enseignant : « Nous respectons ses choix pédagogiques, et lui sommes reconnaissants pour son implication quotidienne dans l’enseignement des SVT, mais nous devions réagir face à la détresse de nos enfants, et défendre les valeurs éthiques qui nous sont chères. »

Au terme de cet épisode, les dissections vont continuer à être employées dans ce collège, avec cependant des instructions plus précises pour la prise en compte de la sensibilité des élèves qui ne souhaitent pas y participer. À noter également : l’enseignant est tenu de respecter une charte de déontologie, dont le premier principe est celui de neutralité et d’égalité de traitement des élèves évalués.

Si des méthodes de substitution à la dissection sont déjà disponibles, telles que la dissection virtuelle proposée dans l’application Froggipedia, leur mise en pratique reste cependant conditionnée à l’utilisation de téléphones portables ou de postes informatiques individuels en classe. Le développement des outils numériques dans les collèges, soutenu par la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), devrait bientôt faciliter leur diffusion, et permettre à terme de remplacer une pratique qui pose question par des méthodes plus respectueuses de la vie animale.

Par ailleurs, parmi ses nombreuses missions, l’Éducation nationale compte désormais la sensibilisation des élèves au respect des animaux en tant qu’êtres sensibles. En effet, dans le cadre de la proposition de loi sur la maltraitance animale, l’Assemblée nationale a voté en novembre 2021 la mise en place d’une sensibilisation au respect des animaux à l’école, au collège et au lycée. Ajoutée au Code de l’éducation à l’article L312-15, cette sensibilisation au respect des animaux fait désormais partie intégrante des programmes de l’enseignement moral et civique (EMC).

En cohérence avec l’évolution des programmes et des mentalités, espérons qu’à terme la pratique de la dissection animale sera remplacée par des méthodes pédagogiques plus attentives aux animaux, à la sensibilité des élèves, et aux évolutions d’une société qui tourne progressivement le dos à l’exploitation des animaux sans nécessité.


Dominic Hofbauer
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Éducateur en éthique animale pour L214 Éducation, chargé d’enseignement à l’Université de Rennes 2.

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