Le tout jeune comité des fêtes de la commune d’Errevet, dont les statuts ont été déposés en Préfecture, début juillet 2025 et parus au Journal Officiel le 15 juillet 2025, mettait en place au cœur de l’été, des jeux inter villages programmés pour les 30 et 31 août 2025, en partenariat avec la Communauté de Communes Rahin et Chérimont (CCRC – 70) incluant outre le village d’Errevet, ceux de Champagney, Clairegoutte, Echavanne, Frahier, Frédéricfontaine, Plancher-Bas, Plancher-les-mines, Ronchamp.
La démarche est belle et permet de renforcer les liens sociaux entre les villageois.
Une ombre au tableau, cependant, a très vite pris des proportions qui auraient pu être évitées si la réflexion des organisateurs s’était étendue au-delà du divertissement dès lors que des animaux étaient utilisés à des fins de spectacle.
Course landaise à Errevet (70) les 30 et 31 août 2025
Une habitante d’Evette-Salbert (90) commune limitrophe à Errevet, choquée et soucieuse du respect de l’animal alertait l’opinion publique par une pétition lancée début août s’opposant à la venue d’une course landaise au sein de l’événement, et nous a demandé notre soutien.
Nous avons donc relayé sa pétition et informé de notre côté, du mieux possible, en fonction du peu de temps imparti, sur les différents aspects de cette pratique tauromachique et les mauvais traitements qui en découlent.
Nous appuyant sur la législation en vigueur, nous avons dénoncé auprès du Préfet de Haute-Saône :
– L’utilisation de l’animal en tant qu’objet de divertissement,
– Le non-respect de l’animal, être vivant et sensible, encordé, les cornes emboulées, soumis au stress et au bruit de la foule, ainsi que l’isolement de l’animal au milieu d’humains connus puis inconnus : les bovins sont des animaux grégaires qui tissent des liens forts d’attachement avec certains de leur pairs,
– Le long déplacement qui leur est imposé,
– L’épidémie de dermatose nodulaire bovine très contagieuse, se propageant dans tout le pays, et les conditions strictes de confinement des animaux imposées aux éleveurs à titre préventif
– La sensibilisation au respect de l’animal auprès des élèves dans les établissements d’enseignement, rendue obligatoire dans le code de l’éducation, par la loi du 30 novembre 2021.
– Et enfin, les autorisations spécifiques définies par le code pénal concernant les courses de taureaux.
Nous n’avons reçu aucune réponse de Monsieur le Préfet qui préparait son départ pour le vendredi 29 août.
La course landaise ayant été maintenue, je me suis rendue sur le site le samedi 30 août 2025, en compagnie d’Anna Maillard, militante, afin de pouvoir rendre compte, documents à l’appui, de la situation des animaux dans le cadre de ces festivités.
D’entrée de jeux, l’aficionada a expliqué dans un long discours, la genèse du taureau de combat, évoquant le bœuf Api, présentant les quatre pratiques tauromachiques, à savoir : la corrida, la corrida portugaise, la course landaise et la course camarguaise.
Puis elle a insisté sur la nécessité de protéger la corrida afin de préserver la race des taureaux de combat, car si elle s’éteint, il n’y aura plus de vaches landaises, et plus de spectacles. Faisant en tout état de cause, l’apologie de la corrida, dans une région où cette pratique est interdite et sanctionnée par le code pénal.
Elle a, pour terminer, harangué les spectateurs, leur demandant de « huer tous ensemble les écolos végan qui racontent n’importe quoi dans la presse et veulent empêcher nos traditions ». Assez peu de personne ont répondu à cette invitation. A noter au passage, il y a eu clairement, au vu et au su de toutes et tous y compris de 6 gendarmes, ce qui relève de l’incitation à la violence sur une catégorie de la population.
Il faut savoir que la course landaise, tradition exclusivement gasconne, a connu une grave crise en 2024 en raison d’un changement de statut social et d’assurances.
Elle serait en perte de vitesse et des inquiétudes sont soulevées depuis 2019 quant à sa disparition, (cf. émissions de radio sur ICI GASCOGNE).
Après la présentation des toreros (sauteurs et écarteurs) ainsi que des cordiers qui avaient pour rôle d’installer une longue corde dans l’arène qui sera ensuite attachée aux cornes « emboulées » de la vache pour la diriger, la première vache est entrée dans l’arène.
Nous avons remarqué son corps lacéré de toutes parts.

Nous avons également remarqué que l’animal bavait, et était contraint par le cordier dans ses déplacements.
Trois vaches ont ainsi « fait le show » avec les « sportifs de haut niveau », les toreros.
D’abord sur le côté du corral, nous avons pu observer la fonction de cordier : https://www.mpcourselandaise.com/pages/course-landaise-magazine/course-landaise/decouverte/le-cordier.html qui est une illustration évidente de la mise en scène et de la tromperie sur « le jeu », la tonalité faussement ludique puisqu’un bovin paniqué et énervé est de fait, dangereux ; et sur le caractère « égalitaire » de la « partie ».

Installée ensuite en tribune derrière le fameux « entraineur » https://www.mpcourselandaise.com/pages/course-landaise-magazine/course-landaise/decouverte/les-entraineurs.html
Il nous est apparu évident que le but essentiel de la vache, après avoir été tractée et canalisée et dès qu’elle sentait la corde se relâcher, n’avait comme seul et unique objectif : retrouver son boxe ! Chacune leur tour, elles fonçaient droit vers leur abri, pendant que les « écarteurs » les esquivaient ou sautaient par-dessus.
Des amateurs ont ensuite été invités à venir jouer avec d’autres vaches dans le corral, non encordées cette fois mais les cornes emboulées, tout d’abord au ballon, puis aux anneaux.
Pour le premier « jeu », la vache ne semblait pas vouloir sortir des boxes . Un homme perché au-dessus, a eu besoin de la piquer plusieurs fois avec une perchep our la faire sortir. La vache courrait dans tous les sens, désorientée par le bruit et l’agitation du public, les gesticulations et cris des participants au jeu, et les mouvements d’excitation de l’équipe d’animation sur le terrain pour la remettre dans la partie. Les participants, lorsqu’elle s’approchait d’eux, grimpaient sur les barrières pour l’éviter.
Dans le deuxième « jeu », les hommes devaient envoyer des anneaux sur les cornes de la vache(cf. photo), qui courrait dans tous les sens se figeait pour reprendre son souffle, et cherchait une issue, lorsque les anneaux heurtaient sa tête et parfois parvenaient à entourer ses cornes.

Anna Maillard témoigne : « Voir toutes les personnes lancer des objets à la face de cette pauvre vache a été pour moi le moment le plus éprouvant à voir. Ayant moi – même 3 ânes en activités et 2 chats, j’ai pu percevoir le degré d’incompréhension et de stress que cela a dû représenter pour l’animal, lequel ne pouvait pas se soustraire, ni se sauver, ni se cacher. Ces gestes étant fait pour le loisir et la rigolade, il s’agit évidemment de violence gratuite »
D’aucuns affirment que l’animal s’amuse. Personne ne peut affirmer cela.
Il est évident, que personne ne peut penser à la place de personne. Et lorsque j’écris qu’on ne peut affirmer que l’animal s’amuse dans une course landaise, cela sous-entend que son mal-être est perceptible.
Les mauvais traitements sont des faits observables, reconnaissables, et sanctionnés par la législation selon des critères précis. Les traitements réservés aux animaux dans la course landaise n’échappent pas à certains de ces critères
Une question se pose. Accepterait-on d’infliger pareil traitement à un chien ou à un chat ?
Anna s’exprime en ces termes :
« Il y a vraiment de la maltraitance animale. Il n’est pas décent d’encorder des animaux de cette façon pour s’amuser à sauter par-dessus ou leur envoyer des objets en direction de la face, des yeux et sur la tête (les lancers visent les cornes, mais comment l’animal peut-il le comprendre ?). Pendant deux heures, nous avons vu des animaux complètement dépaysés, désorientés, qui ne sont pas dans leurs prés, affolés par les cris des spectateurs, stressés, humiliés.
Enfin, deux aspects sont particulièrement dérangeants et même nous pouvons dire cruels :
- Priver un bovin, animal grégaire, de ses pairs pour se jouer de lui
- « Prendre soin » d’un animal domestique pour ensuite le livrer, isolé, au stress et à la violence dans un enclos. C’est une forme de trahison du rôle d’éleveur et de soigneur.
Outre l’entorse au respect de l’animal sur un plan législatif, il y a le mensonge et la tromperie dans la communication pour appâter le spectateur ; tout est fait pour truquer la réalité, et faire croire à un match à égalité.
C’est un ersatz de corrida, qui reprend les mêmes codes et joue de la même duperie sans jamais se soucier du sort de l’animal.
C’est une mise en scène. »
Depuis toujours la question de la souffrance animale a été soulevée.
“La question n’est pas peuvent-ils raisonner, ni peuvent-ils penser, mais peuvent-ils souffrir ? ” s’interrogeait Jeremy Bentham en 1789
La réflexion sur le sujet est en constante évolution. La notion de sentience intègre la capacité des animaux à ressentir des émotions. La loi de février 2015 leur reconnaît la qualité d’être vivant et sensible.
Connaissez-vous le concept « d’arbitraire du signe » ? Des linguistes tels que Ferdinand de Saussure pour ne citer que lui, ont permis de faire évoluer le langage et la communication en plaçant des mots sur des choses et d’en donner une définition qui s’élargit avec le temps et l’évolution des raisonnements.
Il en va ainsi de la joie comme de la douleur qui chez l’homme comme chez l’animal sont des réactions perceptibles, compréhensibles, démontrées par la science (physique, physiologique, éthologique et comportementale) et ne relèvent donc pas de l’idéologie.

Chantal Girot
Co-fondatrice et Présidente de D.A.B.
Titulaire du D.U de droit animalier de l’Université de Limoges