ConsommationActualitésProcès de l’élevage de poules pondeuses de Chambly

L214 Ethique & Animaux23 mars 202210 min

Ce jeudi 24 mars à 8 h 45 au tribunal judiciaire de Senlis (Oise)

Ce jeudi se tiendra au tribunal judiciaire de Senlis le procès de l’élevage de 200 000 poules pondeuses de Chambly (Oise), dont L214 avait dévoilé les images en octobre 2020. Poules entassées dans des cages dans d’immenses bâtiments crasseux, oiseaux morts au milieu des vivants, présence de poux malgré l’usage massif de produits antiparasitaires… : ces images avaient entraîné la fermeture temporaire puis définitive de l’élevage. L’entreprise et ses gérants sont poursuivis pour :

  • mauvais traitement commis sur les animaux par un professionnel (délit) : densités dépassant la capacité maximale des cages, présence de nombreux cadavres, absence de nids, de perchoirs ou de plaques de picorages exigés par la réglementation, obscurité totale pour de nombreux oiseaux, défaut manifeste de nettoyage et d’entretien…
  • non-respect des mesures de prévention, de surveillance et de lutte relative aux dangers sanitaires (contravention) : absence de mise en place des mesures de prévention adéquates pour prévenir la grippe aviaire (influenza aviaire), de gestion adéquate des cadavres et du respect du calendrier de dépistage obligatoire des salmonelles…

L214 attend de ce procès des condamnations fermes et dissuasives qui enverront un signal fort à toute la profession : la réglementation doit s’appliquer dans tous les élevages.

→ Lire notre communiqué de presse du 29 octobre 2020

Condition animale et risques sanitaires : l’incurie des services vétérinaires

Au Domaine du Mesnil Saint Martin, 200 000 poules étaient entassées dans des cages empilées et alignées dans 4 immenses bâtiments. Malgré des conditions de vie déplorables pour les poules et un état sanitaire préoccupant, les œufs de cet élevage étaient labellisés « Terroirs de Picardie ».

Sur leur site internet (désormais hors ligne), les dirigeants de l’élevage se voulaient pourtant rassurants : « Les œufs sont labellisés “Terroir de Picardie” et répondent aux exigences qualitatives imposées par la charte. Notre production est engagée dans une démarche HACCP qui garantit la sécurité sanitaire des œufs ».

On pouvait même y lire : « L’élevage répond à toutes les normes sanitaires exigées par la réglementation française et européenne. Nous sommes régulièrement contrôlés par la DDPP (Direction départementale de la protection des populations), ce qui vous assure une qualité sanitaire reconnue sur nos produits. »

Pourtant, les contrôles déclenchés par l’enquête de L214 ont permis de détecter la présence de salmonelles, bactéries susceptibles de provoquer des intoxications alimentaires. La vente d’œufs a été suspendue dès le mois de novembre 2020 avant que l’élevage ne ferme définitivement ses portes en août 2021.

Salmonelles et influenza aviaire : les élevages en cage sont des bombes sanitaires

Ce procès mettra en lumière le non-respect des règles de biosécurité, notamment en matière de salmonellose mais aussi d’influenza aviaire.

Les élevages intensifs – les élevages en cage en font partie – sont identifiés comme « bombes sanitaires » par les scientifiques.

Par exemple, le risque de salmonellose augmente avec la taille de l’élevage (EFSA). La présence de poux est également un facteur aggravant : ils sont en effet vecteurs d’agents pathogènes.

L’influenza aviaire inquiète particulièrement les épidémiologistes depuis plusieurs années :
« Parmi les menaces de maladies infectieuses auxquelles le monde est confronté, les virus de la grippe aviaire figurent parmi les plus alarmants. […] En ce qui concerne les virus de l’influenza aviaire, ceux de la variété H7 ont fait de multiples incursions chez l’homme, remontant jusqu’en 1959. En plus du H7N9, des virus tels que H7N3, H7N2 et H7N7 ont tous causé des infections chez l’homme. La capacité des virus de la grippe H7 à se répandre chez l’homme a été démontrée avec certitude à plusieurs reprises. Alors que le H5N1, avec son taux de mortalité de 60 % et plus, suscite à juste titre beaucoup d’attention, les virus de la grippe H7 méritent un niveau de préoccupation similaire.

À mesure que l’épidémie se poursuit, une attention particulière devrait être accordée aux modifications génétiques du virus, aux antécédents d’exposition des personnes infectées, aux profils de résistance aux antiviraux et à la correspondance des souches vaccinales. » (Amesh A. Adalja, The Increasing Pandemic Potential of H7N9 Avian Influenza)

Ne pas respecter les règles de biosécurité, c’est accroître des risques sanitaires déjà importants.

Si cette affaire démontre l’incapacité des services de l’État à remplir leur mission de contrôle, elle soulève une fois de plus la question du modèle agricole actuel.

→ En savoir plus sur les risques sanitaires

Interdire l’élevage intensif, une priorité

Condition animale, risques sanitaires, climat, biodiversité, déforestation, souveraineté alimentaire, détresse des éleveurs… : les arguments en faveur d’une interdiction de l’élevage intensif et d’une baisse de la consommation de viande et autres produits animaux sont nombreux. Pourtant, peu de candidats à la présidentielle se sont saisis de cette question. Notre site Politique & Animaux décrypte les engagements des candidats sur cette question.

Ce procès est l’occasion de rappeler l’urgence à sortir de ce modèle, et l’impératif pour le prochain gouvernement de faire du changement agricole et alimentaire une priorité du quinquennat.

→ Voir le classement des candidats sur la condition animale

→ Voir les engagements attendus

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Cette affaire montre une fois encore l’incapacité des services de l’État à détecter et à corriger des violations pourtant flagrantes de la réglementation dans les élevages.

De par la taille des élevages, ici 200 000 poules pondeuses, les infractions accroissent les conséquences. Une infraction à la réglementation sur la condition animale et ce sont tout de suite 200 000 animaux concernés. Une infraction aux règles de biosécurité et c’est une bombe sanitaire que vous amorcez.

À l’heure où la grippe aviaire a déjà donné lieu à l’abattage d’urgence de plus de 6 millions d’oiseaux en France, il est impératif que les mesures de contrôle et de prévention soient renforcées et que la sortie de l’élevage intensif soit réellement prise au sérieux par celles et ceux qui nous gouvernent : au-delà de l’urgence éthique et climatique, il est nécessaire de changer notre modèle agricole et alimentaire, il en va de notre santé à toutes et tous ! »

La condition animale : un enjeu électoral

86 % des Français souhaitent que les candidats présentent des mesures visant à améliorer la condition des animaux, selon un sondage IFOP pour la Fondation Brigitte Bardot de février 2022, et 57 % des Français déclarent que les propositions des candidats en matière de protection animale pourraient influencer leur vote.

Parmi tous les sujets de la cause animale, l’élevage intensif, cette forme d’élevage qui ne donne aucun accès au plein air aux animaux, concerne aujourd’hui 80 % des animaux abattus en France. 91 % des Français souhaitent y mettre fin en rendant obligatoire un accès extérieur, pour tous les élevages, dans un délai de 10 ans (sondage IFOP pour la Fondation Brigitte Bardot).

À la croisée de questions éthiques, environnementales, sanitaires ou sociales, l’évolution de notre modèle agricole et alimentaire est une nécessité pour améliorer la condition animale, atteindre nos objectifs climatiques, prévenir les pandémies et soulager les agriculteurs en souffrance sous la pression du rendement.

Il serait illusoire de penser supprimer l’élevage intensif sans réduire la consommation de viande, produits laitiers et œufs. Le CNRS, l’ADEMESolagro et bien d’autres recommandent la baisse de la consommation de viande, 64 % des Françaises et des Français sont favorables à la mise en œuvre de politiques publiques amenant à réduire de 50 % de la consommation de viande et de poisson en 5 ans selon un sondage YouGov pour L214 de février 2022.

→ Propositions et classement des candidats

Abandon des œufs de cage en 2022 : une promesse non tenue d’Emmanuel Macron

Lors de la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron avait annoncé que les œufs de poules en batterie seraient interdits à la vente au consommateur d’ici 2022. Alors que cette promesse avait été réaffirmée quelques mois après l’élection, aucune action n’a encore été entamée par l’exécutif pour tenir cette promesse de campagne alors que la fin du quinquennat approche.

Interdiction de l’élevage en cage des poules pondeuses : la France en retard sur ses voisins européens

En Europe, plusieurs pays ont déjà interdit l’élevage en cage des poules ou ont prévu de le faire. Ce mode d’élevage est déjà interdit en Suisse, au Luxembourg et en Autriche, tandis que l’Allemagne et la République tchèque ont respectivement voté une interdiction pour 2025 et 2027.

La Commission européenne s’est par ailleurs engagée à mettre fin aux cages en 2027, suite à l’initiative citoyenne européenne lancée par CIWF et soutenue par de nombreuses organisations dont L214.

La France n’a malheureusement pas saisi l’opportunité de la loi EGAlim en 2018 pour voter l’un des nombreux amendements réclamant cette interdiction, le gouvernement s’y étant opposé systématiquement. Les députés ont adopté une loi interdisant la mise en place de nouveaux bâtiments, mais permettant la rénovation et la transmission des élevages en cage actuels.

→ Lire notre communiqué de presse au sujet de la loi EGAlim

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