Numéro 11Droit animalierRetour d’expérience, quand le métier rejoint la passion de la défense des intérêts des animaux

Nathalie Bonnemain17 avril 20236 min

Le goût du droit exercé depuis dix-huit ans et la cause animale dans les veines et le cœur depuis toujours ont été à l’origine de ma reprise d’études en droit animalier. Parce que l’on ne peut transmettre que ce que l’on a appris, qu’on ne peut défendre qu’en ayant des outils, qu’on ne peut faire avancer les choses qu’en exposant, échangeant, réfléchissant ou proposant, la rédaction d’un mémoire dans le cadre du Diplôme Universitaire de Droit Animalier proposé par l’Université Bretagne Occidentale de Brest et dirigé par Monsieur François-Xavier Roux-Demare, a été pour moi l’occasion de coucher des idées qui me faisaient réfléchir depuis longtemps et sur lesquelles je me documentais déjà. La participation à cette formation fut riche en apprentissages et en belles rencontres tant parmi les enseignants passionnants, passionnés et experts dans leurs domaines que les participants aux profils variés et tous animés par la même passion. Ce fut une expérience formidable que je recommande chaudement à qui souhaite se former en droit animalier. Je remercie Monsieur François-Xavier Roux-Demare de m’avoir permis de suivre ces enseignements.

La nécessité de faire évoluer le statut juridique de l’animal a toujours été au cœur de ma réflexion et est, pour moi, la base de la meilleure des protections pour l’animal. Aussi, pour participer modestement à la réflexion initiée par le Professeur Jean-Pierre Marguenaud, notamment dans sa thèse « L’animal en droit privé » (1986), je me suis attelée à un travail de recherches et de réflexion sur la création d’une personnalité juridique qui pourrait être attribuée à l’animal.

Car depuis le 16 février 2015 l’animal n’est plus un bien, même s’il n’est pas une personne. Pour reprendre un terme utilisé par le Professeur Jean-Pierre Marguenaud, l’animal est en quelque sorte en « lévitation juridique ». C’est partant de ce constat établi à la lecture l’Article 515-14 du Code civil que l’étude de la création d’une personnalité juridique animale a pris encore plus de sens.

Juriste en droit des sociétés principalement, j’ai voulu faire un parallèle avec la personnalité morale et ai trouvé intéressant d’identifier et d’extraire les caractéristiques les plus efficaces allouées à la personne morale et qui pourraient avoir une utilité et être applicables à une personnalité animale.

Il faut en premier lieu constater que la personne morale est la seule entité à posséder la personnalité juridique aux cotés de la personne physique humaine. Comment accepter qu’un être immatériel, dépourvu de conscience, incapable de se mouvoir ait une personnalité juridique ? Comment peut-il être une entité juridique indépendante avec des droits, des devoirs, un patrimoine, la capacité d’ester en justice et de défendre ses intérêts ?

Dès lors le travail s’est découpé ainsi : comprendre quand, comment et pourquoi cette personnalité juridique a émergé, étudier comment étaient traités et perçus les animaux dans le même temps, chercher comment ont évolué les textes relatifs aux personnes morales et ceux destinés aux animaux, comparer le statut de l’animal et les dispositions le concernant en dehors de nos frontières et faire le constat de l’internationalisation de la personnalité morale, son existence prééminente, ses droits fondamentaux jusqu’à sa constitutionalisation.

Alors comment cette évolution pourrait apporter des éléments utiles à la création d’une personnalité juridique animale spéciale. Spéciale car l’Homme, bien que refusant tout égal, n’en demeure pas moins un animal. Laissons donc la personnalité physique à l’homo sapiens et mettons en place la personnalité animale spéciale.

L’étude de la personnalité morale démontre qu’elle possède, comme la personne physique, des attributs comme un nom, une nationalité ou encore un domicile. Ces recherches ont également fait ressortir l’élément essentiel, central de toute personnalité juridique : l’intérêt. Si celui de la personne physique est évidement anthropocentré celui de la personne morale est légèrement différent.

En effet si de prime abord l’intérêt de la personne morale est celui des associés, actionnaires ou membres qui la composent, l’évolution des textes en la matière démontre que la personne morale a maintenant un intérêt propre. On protège désormais son domicile, on respecte le secret de ses correspondances et sa réputation. Il reste que les associés ont un droit de vie ou de mort sur la personne morale en ce qu’ils peuvent décider de sa dissolution.

Concernant l’animal, l’intérêt de la personnalité juridique est évidemment lui-même. Les droits fondamentaux seraient a minima un droit à vivre, à ne pas souffrir, un droit au respect de son intégrité physique et psychologique, un droit à s’épanouir dans un environnement et des conditions adéquates à son espèce.En transposant certaines des caractéristiques de la personne morale à l’animal, il serait possible de créer un registre national de recensement de tous les animaux au regard de ce qui existe déjà pour les sociétés. L’animal, ayant alors à exercer ses droits dans le monde des Hommes, aurait nécessairement besoin d’un représentant légal chargé d’agir en son nom et de défendre ses intérêts, là encore il s’agit d’une caractéristique de la personne morale.

Il a ensuite été nécessaire de savoir comment intégrer cette nouvelle personnalité juridique dans le droit des Hommes et dans ses textes. Faut-il, comme pour la personne morale, convenir d’un ensemble de textes de base insérés dans le Code civil, entre les personnes physiques et les biens, puis disposer d’un Code propre à l’animal comme le Code de commerce pour la quasi-totalité des personnes morales ?

Ceci effectué, j’ai toutefois été confrontée à un frein qui se trouve être l’intérêt de l’Homme sur l’animal. En effet, l’animal fait partie de la vie de l’Homme qu’il soit de compagnie, de travail, de spectacle ou pire d’élevage ou de laboratoire.

La catégorisation des animaux est donc inévitable, tout du moins dans un premier temps. C’est pourquoi l’étude des différentes formes juridiques de la personnalité morale a été importante. En effet des déclinaisons, des types de personnes morales offrant plus ou moins de protection aux associés, entre autres différences de fonctionnement, existent déjà et pourraient être adaptés aux animaux. Un socle de droits essentiels, fondamentaux serait, bien entendu, garanti.

S’est alors posée la question des animaux appartenant à différentes catégories, chiens, chats, chevaux pour ne citer qu’eux. La personne morale offre, là encore, une technique utile dans le procédé dit de la transformation de forme juridique. Cette technique consiste, sur décision des membres composant la personne morale, en un changement de forme juridique et, de fait, des dispositions spécialement applicables. Ainsi un chien policier pourrait, l’heure de la retraite venue, être transféré de la catégorie des animaux de travail, dans la catégorie des animaux de compagnie et ce à l’initiative de son représentant légal et sous réserve de déclaration au registre précité.

L’objectif étant, bien entendu, de dépasser cette catégorisation mais, pour l’heure, ceci constituerait un changement trop brutal pour l’intérêt humain.

La mise en place d’interdictions, de développements, de formations permettrait de supprimer certaines catégories et d’améliorer le sort des animaux composant les autres. Ainsi, par exemple, l’évolution de méthodes alternatives de recherches expérimentales permettrait de se passer progressivement d’animaux dans les laboratoires et l’éducation en matière alimentaire ainsi que le développement de substituts de viande épargneraient nombre d’animaux d’élevage.

Dépasser la catégorisation et offrir à tous les animaux les mêmes chances de vivre dans des conditions de bien être optimales est donc la question ouverte au sortir de cette étude. Cette expérience fut une véritable chance tant sur plan humain qu’intellectuel. Elle n’appelle qu’une chose à présent, travailler sur la suite avec pour seul objectif la protection juridique des animaux.


Nathalie Bonnemain
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Juriste
Droit des Affaires, sociétés - Droit animalier - Droit immobilier

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