La question n’est pas de savoir pourquoi l’humain a besoin de posséder des animaux de compagnie, mais comment il bâtit une relation avec eux.
En Europe et aux É.-U., les sondages[1] indiquent que plus de la moitié des ménages vivrait avec un chat ou un chien. C’est un phénomène de masse qui trouve plusieurs explications quant aux motivations intérieures des animaux humains à s’entourer d’autres espèces. Certes, cela fait des millénaires que les gens développent des liens avec les animaux. Mais au 20e, cela a pris une tournure distincte par son ampleur et sa mondialisation. L’animal de compagnie c’est un chien ou un chat aimé, qui a reçu un prénom, qui est attaché (au propre et au figuré) à un gardien, qui est intégré au groupe humain comme un autrui significatif, qui ne fait rien de ses journées, qui dort sous le même toit parfois dans le même lit que ses protecteurs et pour lequel on dépense des fortunes. Cet état, celui de membre de la famille, est nouveau dans l’histoire des relations humain-animal. Aussi loin que notre mémoire collective puisse nous amener, l’humain vit avec des animaux. Nous leur devons beaucoup. C’est en partie pourquoi ces liens ont une profonde influence réciproque. La plupart du temps, l’humain est concerné par son animal. Et inversement, l’animal est un acteur important au sein du système familial.
Mais qu’est-ce qui pousse les êtres humains à posséder des animaux de compagnie ? Plusieurs causes — évolutionnistes, sociohistoriques et anthropologiques — ont été avancées par les chercheurs en sciences humaines et sociales. Une chose est certaine, les animaux nous font du bien. Parce qu’ils sont différents et quand même un peu semblables (dans leurs émotions, par exemple), la relation que les humains établissent avec eux peut être à ce point forte qu’elle impacte durablement la santé physique, psychologique des deux protagonistes. Pour se développer, l’animal humain et non humain a besoin d’être en lien. Mais de quel type de lien parle-t-on quand on parle de relation humain-animal ? De quoi est-elle faite, cette relation ? Les animaux sont de performants révélateurs de ce que nous exprimons inconsciemment. C’est pourquoi il semble important de réfléchir sur la place que le chat ou chien occupe dans les maisons et sur le genre de relation que la famille humaine entretient avec.
Il y a différents modèles. Il y a le contact dualiste (humain d’un bord/animal de l’autre) très fréquent ou le rapport de contrôle (« je » humain décide pour « toi » animal) ou d’utilisation (« mon animal, mon miroir ») ou de subordination (humain supérieur, animal inférieur) ou de séparation (« plus j’aime mon chat, moins j’aime l’humain ») ou de bons sentiments (qui peuvent dissimuler des pulsions moins reluisantes). Peut-on parler de relation dans un modèle hiérarchique des êtres ? Ce n’est pas parce que le gardien apporte à son poilu une nourriture suffisante et adaptée à ses besoins, ainsi qu’une hygiène de vie faite de sorties, de découvertes, que ce dernier soit forcément dans un état de bien-être et qu’il n’ait aucun risque de présenter des comportements indésirables.
Si la volonté est de créer des liens mutuellement enrichissants, ne s’agit-il pas plutôt de penser la relation, comme un agencement dynamique qui va créer de l’altérité ? Si tel est le cas, certains ingrédients deviennent vitaux. Comme développer une vision empathique, non instrumentale des relations. Comme remettre en question ses croyances, ses stratégies, ses comportements pour le meilleur de la relation. Comme revisiter notre rapport anthropocentré au monde. Accompagner et être accompagné, c’est cheminer l’un à côté de l’autre. C’est à une éducation réciproque que la relation nous convie.
Aimer ce n’est pas aimer bien, c’est surtout comprendre. En quoi est-ce important d’avancer aux côtés d’un chat ou d’un chien ? Qu’est-ce que l’humain possède qui peut améliorer la vie de son animal et vice versa, qu’est-ce que le chat ou le chien possède pour améliorer celle de son humain ? Vu sous cet angle, la relation, c’est une invitation. Est-on prêt à se remettre en question pour le meilleur de la relation ? Est-on prêt à engendrer une transformation complexe de sa manière d’être au monde ?
Cette question, souvent négligée lorsqu’on adopte un nouveau compagnon, est primordiale… Parce que son statut d’être vivant privé de parole fait de lui un support parfait : le gardien va projeter sur son animal des opinions, ses peurs, ses joies, ses craintes. Il y a là matière à travailler et surtout à outiller cet humain, à comprendre le comportement de son animal, à choisir le point de vue de l’animal, à se mettre à sa place, ce qui est une étape essentielle pour déchiffrer ses véritables besoins. Bâtir une relation, cela prend du temps. C’est une authenticité qui repose sur une transformation complexe des acteurs et non sur l’échange mécanique de messages, d’objets ou de sentiments. Or notre société en est une de l’immédiateté : Tout, tout de suite.
Cette transformation c’est un apprentissage, c’est un processus relationnel par lequel le gardien et l’animal se métamorphosent d’une manière progressive et irréversible. Çà commence par se changer soi pour pouvoir devenir interlocuteur possible de la relation à venir. Vivre le lien c’est se demander : comment pourrait-on voir le monde comme autre chose qu’un lieu qui existe seulement pour soi ?
Ils sont nombreux les auteurs[2] à dire que la crise écologique actuelle est d’abord une crise de nos relations au vivant. Donc une crise de la sensibilité. Co-évoluer aux côtés d’un chat ou d’un chien, c’est s’offrir de faire attention à ses propres agissements, d’ajuster ses disponibilités pour entretenir des rapports bienveillants réciproques, composer une vie faite d’émancipation partagée, de collaborer avec compassion et compréhension.
Pour finalement, accueillir l’autre dans son unicité.
[1] fr.wikipedia.org/wiki/Animal_de_compagnie
[2] Baptiste Morizot, Vinciane Despret entre autres
Sandra Friedrich
Candidate au doctorat interdisciplinaire Santé&Société
Montréal
2 commentaires
kaeppler annelise
16 août 2022 à 17h58
magnifique de vivre avec son animal moi j ai un chien vis toute seule pour moi c est comme un enfant je lui parle lui dis bonjour bonne nuit ei excuse moi s il m arrive de le cogner par mégarde et lui me rend la meme on est heureux tous les deux
annelise
martin
12 août 2022 à 17h48
Magnifique article , si juste .. merci Sandra