Vulnérables dans la société et privés de représentation à l’Assemblée Nationale, les animaux sont invisibles, et leurs intérêts n’ont aucun poids. Et pour cause, nous dira-t-on : « les animaux ne peuvent pas voter ! ». Pourtant, nous pouvons les représenter indirectement, en chargeant des députés de proposer et réformer les lois qui entourent leur traitement et leur statut. Les animaux ont co-façonné notre civilisation depuis des millénaires, et participent encore au quotidien au bien-être, à la richesse et à la santé de notre société. Certains animaux nouent avec les êtres humains des liens d’affection et font partie de nos familles. Les animaux de compagnie sont présents dans un foyer sur deux, signe de l’attachement des français aux autres animaux. Cela témoigne de la nécessité d’adopter des mesures en faveur de ces humains et de ces animaux qui cohabitent: mutuelle à coût réduit et couverture médicale universelle, lutte contre les abandons, le trafic et la maltraitance, enseignement au respect des animaux à l’école, transport public gratuit, journée de congé pour deuil en cas de perte de son animal et admission des animaux de compagnie dans toutes les structures d’hébergement ; autant d’aménagements essentiels à notre vie ensemble.[1] Certains animaux domestiques nous rendent service, nous portent assistance ou travaillent avec nous, d’autres animaux sauvages nous rendent dans la nature des services écosystémiques insoupçonnés, mais pourtant vitaux.[2] Hors, leurs intérêts fondamentaux, en tant qu’individus qui souhaitent continuer à vivre et ne pas souffrir, ne sont pas pris en compte chaque fois que des décisions les affectant sont prises. Dans ces conditions, il est légitime que les français estiment régulièrement que les animaux ne sont pas bien défendus par les politiques, alors que plus des trois quarts d’entre eux jugent la protection des animaux importante et s’intéressent aux sujets en lien avec la cause animale.[3] Le Parti Animaliste a investi 421 candidats afin de répondre à ces attentes, donner de la visibilité à la question animale, et représenter au mieux les intérêts des autres animaux.[4] Il est le 4ème parti politique le plus représenté lors de ces élections législatives ; un record pour ce jeune parti créé en 2016.[5]
Bien que les animaux soient des êtres sentients ou, selon la formule du législateur français depuis la réforme de leur statut juridique en 2015, des « êtres vivants doués de sensibilité », leurs intérêts sont méconnus par les systèmes démocratiques existants, puisqu’ils ne jouissent d’aucun droit.[6] La relation entre la démocratie et le degré de protection des animaux reste contingente. Parfois, le soutien majoritaire à une mesure de protection animale se traduit par une mesure favorable aux animaux. Le plus souvent, cependant, la démocratie est victime de l’influence de puissants intérêts, en particulier économiques, investis dans l’exploitation animale, faisant obstacle à la représentation effective des opinions favorables à la protection animale : un véritable déficit démocratique, voire un déni de démocratie.[7] La question animale ne relève en effet pas seulement de l’éthique et des choix individuels, mais aussi de la vie publique et de ses institutions. Il est question plus largement de justice envers les autres animaux et de leur intégration dans le bien commun. Sur tous les fronts, il y a énormément à faire tant le retard est grand en matière de considération des autres animaux, et tant il y a un vide juridique à combler dans de nombreux domaines. Bien que monothématique, les interconnections avec les êtres humains et leur bien-être dans le programme du Parti animaliste sont, de fait, nombreuses : santé, sécurité, justice, écologie, pouvoir d’achat, solidarité, environnement, éducation, emploi… car, évidemment, nos destins sont liés.[8] Améliorer la vie des autres animaux c’est aussi, certainement, la promesse d’améliorer les nôtres. Parmi les questions qui n’ont, selon les français, pas assez été abordées lors de la campagne présidentielle, arrive sans surprise quasiment ex-aequo avec le réchauffement climatique en troisième position, celle de la protection des animaux.[9]
Le bien-être de tous, objectif exprimé dans les constitutions nationales, a jusqu’à présent été limité aux humains, sans reconnaître la réalité du caractère plus qu’humain de la société. Certains États ont déjà inclus l’objectif de la protection des animaux dans leur constitution, chacun à sa façon, comme l’Allemagne, l’Autriche, le Brésil, l’Égypte, le Luxembourg, l’Inde, la Slovénie et la Suisse, ou sont sur le point de le faire, comme le Chili. Il est temps pour la France d’accompagner ce mouvement en se dotant d’une charte de la protection animale adossée à la constitution : 77% des français y sont favorables.[10] Autre avancée indispensable, se doter d’un ministère de la protection animale, indépendant de celui du ministère de l’agriculture. Après la récente nomination de Marc Fesneau au poste de ministre de l’agriculture, en charge du bien-être animal, on comprend au-delà de toute symbolique, l’importance d’une séparation de ces deux portefeuilles.[11] 64% des français y sont également favorables.[12]
Certes, les animaux n’ont pas le droit de vote ; mais les 12 et 19 juin prochains, nous humains, pouvons voter pour les représenter à l’Assemblée Nationale et prendre, enfin, la cause animale au sérieux sous ce quinquennat.
[1] FACCO, « Les chiffres de la population animale en France ».
[2] C. E. Blattner, « Animal Labor, Ecosystem Services », Animal & Natural Resource Law Review, vol. XVI, 2020, p.1-39; Coulter, Animals, Work and the Promise of Interspecies Solidarity, Palgrave Macmillan, 2016.
[3] Sondage IFOP pour 30 Millions d’Amis, « Les Français et le bien-être des animaux » – Vague 4 (2021). ; Sondage IFOP pour 30 Millions d’Amis, « Les Français et le bien-être des animaux » – Vague 5 (2022). ; Sondage IFOP pour Woopet, « Le regard des Français sur la loi contre la maltraitance animale et la place de ce sujet dans les débats de l’élection présidentielle de 2022 » (2021).; Happydemics pour Hugo Clément, « Cause animale et votes en 2022 ».
[4] parti-animaliste.fr/legislatives2022
[5] parti-animaliste.fr/projet-2
[6] Article L515-14 du Code Civil français. Loi n° 2015-177 du 16 février 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, JO du 17 février 2015, texte 1; Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, JO du 13 juillet 1976, p.4203
[7] R. Garner, « Animals, Politics and Democracy », in R. Garner et S. O’Sullivan (dir.), The Political Turn in Animal Ethics, Rowman and Littlefied, 2016.
[8] parti-animaliste.fr/programme
[9] YouGov France pour L214, « Question Animale et Changement Climatique » (2022).
[10] Sondage IFOP pour L214, « Les Français et la prise en compte de la condition animale » (2018).
[11] NOVETHIC, « Marc Fesneau, un chasseur Ministre de l’Agriculture », 20/05/2022.
[12] YouGov, « 80% des Français disent être sensibles à la cause animale » (2021).
Marine Lercier
Candidate aux élections législatives 2022 pour le Parti Animaliste dans la 10ème circonscription de Seine-Maritime.
Chercheuse pré-doctorale et doctorante en droit des animaux à l’Université Autonome de Barcelone.
Fellow pour le programme sur les Animaux et la Biodiversité du Think Tank du Global Research Network.