ActualitésDroit animalierPréjudice animalier : à Lille, le tribunal correctionnel poursuit sa jurisprudence

Graziella Dode19 septembre 20256 min

Durant l’été, le Tribunal correctionnel de Lille a rendu plusieurs décisions dans des affaires de sévices graves ou actes de cruauté commis sur des animaux domestiques.

A chaque fois, outre la condamnation pénale du prévenu, le tribunal l’a également condamné à une indemnité visant à réparer les souffrances subies par les animaux victimes.

Ces deux décisions sont désormais définitives, aucun appel n’ayant été interjeté.

Sabi est un chiot de type American Staff qui vivait en appartement après avoir été adopté via un réseau social.

Le 10 janvier 2025, le propriétaire de Sabi a été interpellé par la police, en état d’ébriété, suite à un signalement de son voisinage qui entendait des bruits de coups et un chien pleurer. Les voisins avaient frappé à la porte pour tenter de faire cesser ces agissements, sans succès.

Les policiers ont trouvé trois animaux apeurés au domicile du prévenu qui avait les avant-bras ensanglantés. Le chiot blessé était prostré derrière un meuble. Du sang jonchait le sol, ainsi que de l’urine et d’autres déchets.

L’examen vétérinaire de Sabi a révélé des hématomes sur son corps, des dents manquantes, du sang dans sa gueule et des yeux injectés de sang.

Heureusement, Sabi n’est pas décédé et pourra être réadopté.

L’auteur a reconnu avoir frappé son chien, notamment à la tête, « pour le corriger » car il aurait fait ses besoins dans l’appartement.

Le Tribunal correctionnel de Lille, dans son jugement du 7 août 2025, a déclaré le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné :

> à titre de peine principale, à l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale, dans un délai de 6 mois, la peine encourue en cas d’inexécution étant fixée à 3 mois d’emprisonnement ;

> à titre de peines complémentaires, chacune pour une durée de 5 ans, avec exécution provisoire :

  • à l’interdiction de détenir un animal, et
  • à l’interdiction d’exercer une activité sociale en lien avec les animaux.

Le tribunal a reconnu pour la 4e foisle préjudice animalier et a condamné à ce titre le prévenu à régler à l’association de protection animale partie civile la somme de 200 euros compte tenu des souffrances subies par l’animal lui-même.

Le 4 juin 2025, une femme, prétendant être agacée par le comportement de son chat Eliott, qui aurait fait ses besoins en dehors de sa litière, lui a ôté la vie après l’avoir violemment frappé contre un meuble, puis piétiné avec ses pieds. Elle a ensuite placé son corps dans la poubelle de son immeuble.

La policière intervenue à son domicile pour l’interpeler a été frappée au visage.

Le Tribunal correctionnel de Lille, le 14 août 2025, a déclaré la prévenue coupable de sévices graves commis sur un animal domestique ayant entraîné la mort et de violences volontaires sur une personne dépositaire de l’autorité publique.

Il l’a condamnée aux peines suivantes :

  • 8 mois d’emprisonnement avec sursis simple.
  • Interdiction définitive de détenir un animal (avec exécution provisoire).
  • Interdiction définitive d’exercer une activité sociale en lien avec les animaux (avec exécution provisoire).

Le tribunal a également reconnu le préjudice animalier du chat Eliott et a condamné à ce titre la prévenue à régler à l’association de protection animale partie civile la somme de 500 euros compte tenu des souffrances subies par l’animal lui-même avant son décès.

Il faut comprendre qu’ordonner le règlement d’une indemnité visant à réparer les souffrances subies par un animal est inédit et démontre une volonté du juge de considérer le caractère d’être vivant et sensible de l’animal qui n’est pas un objet, même si juridiquement le régime des biens lui est toujours applicable en droit français (article 515-14 du Code civil).

En principe, les associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans ayant pour objet social la défense des animaux, peuvent obtenir une indemnité au titre de leur préjudice moral lorsqu’elles se constituent partie civile devant un tribunal (article 2-13 du Code de procédure pénale) : l’atteinte portée à l’animal résultant des agissements frauduleux du prévenu porte atteinte aux intérêts statutaires qu’une telle association a pour mission de défendre.

Outre cette indemnité au titre du préjudice moral, le Tribunal correctionnel de Lille a ajouté une indemnité qui n’était pas octroyée jusqu’alors, obligeant la personne condamnée à régler une indemnité supplémentaire à titre de réparation du préjudice subi par l’animal lui-même.

Bien sûr, l’animal n’ayant pas de personnalité juridique en droit français, cette indemnité doit être réglée à l’association de protection animale qui a porté la voix de l’animal en justice.

Il s’agit désormais d’une jurisprudence constante au sein de différentes chambres du Tribunal correctionnel de Lille depuis le premier jugement en ce sens le 11 janvier 2024 dans l’affaire Lanna. Un tel préjudice avait en effet été reconnu ensuite dans les affaires Lino et Buck.

Il est important de relever qu’une telle indemnité peut être cumulée avec les indemnités octroyées à titre de réparation du préjudice moral de l’association, de son préjudice matériel éventuel (si elle a engagé des frais pour soigner l’animal par exemple) et avec les peines pénales prononcées par le tribunal telle qu’une amende. L’impact financier est alors important et vise à dissuader la personne condamnée de réitérer ses actes, ainsi que toute personne susceptible de maltraiter un animal.

Cette avancée vers une protection renforcée des droits de l’animal se démontre également compte tenu de la nature de certaines peines pénales prononcées par le tribunal telles que l’obligation de suivre un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale, l’interdiction définitive de détenir un animal et l’interdiction définitive d’exercer une activité sociale en lien avec les animaux.

L’ensemble de ces éléments contribue certainement à éviter le renouvellement de telles infractions et à provoquer une prise de conscience individuelle et collective, dans l’intérêt des animaux.


Graziella Dode
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Avocate en droit animalier - Barreau de Lille

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