Numéro 2Politique & AnimauxOn ne nait pas femme politique on le devient

Nathalie Dehan15 janvier 202145 min

Voici une des racines de mon engagement politique

Depuis juin 2020, je suis élue de la majorité écologiste de la 2ème intercommunalité de France, qui est aussi un département, nous sommes la seconde collectivité territoriale la plus puissante de France. Je suis conseillère départementale et conseillère intercommunale en étant conseillère métropolitaine, ce qui est unique en France. Je suis aussi conseillère municipale de Vénissieux, 3ème ville de la Métropole et 7e ville de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Je n’ai jamais parlé publiquement ni sur les réseaux sociaux de cette affaire car j’ai d’abord tenté de résoudre le problème que cela posait à ma famille, à mes animaux dans notre coin de campagne. Mais rien que le fait de l’écrire me fait battre douloureusement le cœur, je ressens à nouveau la colère noire qui a été la mienne, l’injustice que nous avons subi.

Cette violence est quotidienne et n’est pas résolue par les pouvoirs politiques, censés pourtant protéger les citoyen.ne.s : c’est donc une question politique. Cet incident fait partie des racines de mon engagement politique.

Il est évident que ces problèmes doivent avoir une résolution politique, tellement le sentiment d’impunité des chasseurs est effroyable.

Les victimes de la chasse sont souvent en état de choc et peuvent s’enfermer dans le silence tellement la violence est structurelle, institutionnelle et validée par la société, comme si c’était normal.

Ma mère a fait une reconversion professionnelle il y a 22 ans, après une formation de Chef d’exploitation agricole. Travaillant dans une banque à Lyon auparavant, elle a créé une ferme et a fait son petit fromage local bio de chèvre à la campagne pendant deux décennies. Je l’ai accompagnée, aidée et cette découverte m’a beaucoup intéressée. J’ai beaucoup appris de la vie à la campagne.

En s’installant, ma mère a complètement changé de vie : la chèvrerie, le troupeau, la grange, le foin, la paille, les cultures, les naissances, la fromagerie, les marchés, les voisins et… les chasseurs.

Si elle a été très bien accueillie par les voisins agriculteurs et particulièrement par notre voisin immédiat, nous nous sommes vite rendu compte qu’il était chasseur.

Je serais toujours reconnaissante de la manière qu’il a eu de nous accueillir, de nous faciliter l’installation : il nous a appris à mettre bas une chèvre, à les soigner de petits bobos et mille autres choses de la nature.

Mais… de temps à autre il allait chasser.

À ce jour, il a été mon seul ami chasseur. Par amitié pour lui, parce que j’étais moins militante avant et parce qu’il laissait passer les petits, les femelles et ne tuait pas systématiquement, nous avons convenus d’un accord oral avec lui : aucun chasseur ne tuait sur les 13 hectares de ma mère et ils pouvaient, en cassant leur fusil, passer rapidement et discrètement à certains endroits reculés.

Cet accord oral n’a tenu que quelques mois.

Un jour, un chasseur inconnu a passé notre clôture devant la maison, il a tiré en direction de la maison, en direction du troupeau de chèvres. Les chèvres ont eu tellement peur qu’elles ont dévalé à une vitesse inimaginable une pente raide. J’étais présente dans le pré, je me suis figée en pensant qu’il allait y avoir un accident du fait de la cavalcade, des pattes cassées, un carambolage mortel du troupeau entier. Je ne sais pas comment elles ont pu survivre à cet affolement : elles se sont précipitées dans la chèvrerie : elles haletaient, les yeux dilatés.

Les chèvres, comme les chats avec qui elles ont beaucoup de points communs, sont des animaux extrêmement sensibles.

J’ai vu cet homme avec un fusil, suivi d’un très jeune garçon passer nos clôtures, j’ai entendu les coups de fusil : je lui ai couru après pour lui ordonner de faire demi-tour : il était sur une propriété privée. “Je fais ce que je veux.” Je lui ai dit qu’il était hors-la-loi et demandé s’il n’avait pas honte devant son fils de transmettre des “valeurs” comme la violation de propriété privé et le mépris de la volonté des propriétaires ? Il a continué sur nos terrains comme si tout lui appartenait. C’est là que j’ai compris que les chasseurs étaient des créatures ultra dangereuses pour notre société et ses lois.

Il a suivi un sanglier qui avait appris à se réfugier au milieu du troupeau de chèvres car il avait compris que les chasseurs du coin ne lui tiraient pas dessus quand il était avec nos chèvres. Ce chasseur venait d’une ville et ne respectait pas l’accord oral avec les chasseurs de notre hameau.

Quand j’ai couru vers lui pour protéger les chèvres, je ne savais pas s’il allait tourner son arme vers moi et me tuer sur place, cela m’a effleuré l’esprit.

Je suis revenu en courant à la maison, et après un temps de sidération j’ai prévenu les gendarmes mais il était déjà parti. Je ne sais pas ce qu’est devenu ce pauvre sanglier qui ne nous a jamais gêné, n’a jamais fait aucun dégât et qui était chez lui chez nous. J’ai appelé toutes les associations de chasse des environs pour dénoncer ce membre indigne et leur dire que désormais cela allait changer. Ma mère a reçu un message d’excuse d’une des sociétés de chasse.

Je suis allé voir Louis notre voisin et nos autres voisins chasseurs : désormais zéro confiance, plus d’accord oral : les 13 hectares de ma mère passaient immédiatement en refuge ASPAS : je parcourais désormais avec un appareil photo et de quoi prendre des vidéos nos terrain pour prendre la main dans le sac tout chasseur et casser son permis de chasse et celui du président de la société de chasse. Plus de dialogue, aucun passe droit, si un chien met une patte sur notre terrain, même punition sur leur permis de chasse.

Louis a compris et nous a soutenues. Aucun chasseur ne m’a rien dit, même si je sais qu’ils ne sont pas contents et que des panneaux “Interdiction de chasser” sont régulièrement détruits… et remplacés par nous.

Ils n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes.

Pour qui se prennent-ils ?

Particuliers ou institutions : protégez-vous !
https://www.aspas-nature.org/campagnes/contre-les-derives-de-la-chasse/interdire-la-chasse-chez-soi-refuge/
https://www.aspas-nature.org/wp-content/uploads/modalites-refuge.pdf

Nathalie Dehan
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Conseillère métropolitaine, membre de la Commission permanente.
Conseillère municipale à Vénissieux, présidente du quartier Max Barrel-Charréard.

4 commentaires

  • Angélique CV

    17 janvier 2021 à 12h12

    Vous avez tout mon soutien. Il est grand temps , que ces personnes intègrent qu’ils sont , eux aussi, assujettis à des Lois. Et que le port d’un fusil ne leur donnera jamais tous les droits.

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    • Nathalie Dehan

      17 janvier 2021 à 16h06

      Merci beaucoup Angélique. Vous avez raison. Pour compléter les prises de consciences personnelles, des lois beaucoup plus strictes avec la réelle volonté de les appliquer, et une réelle volonté politique seront nécessaires. En France ce sera une révolution, mais nous pouvons le faire, nous en sommes capables.

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  • David Roussin

    15 janvier 2021 à 11h55

    Bravo pour ton engagement sans faille Nathalie.
    Tu fais partie des personnes les plus intègres qui soit en étant dédiée à la noble cause et à la pédagogie pour faire changer les choses sans devenir ni opportuniste, ni impulsive.

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    • Nathalie Dehan

      15 janvier 2021 à 12h06

      Merci David. Venant de toi, ça a de la valeur !

      Répondre

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