Numéro 2Droit animalierLes chats libres en France

Lalia Andasmas15 janvier 202115 min

Si les nombreuses questions parlementaires démontrent l’intérêt de ce sujet, il faut constater que le droit ne prête pas beaucoup d’attention aux chats errants en tant que tels. Ils ne sont ainsi pas pris en compte par le droit positif. Seule la divagation [1] du chat est soulevée par le Code rural et de la pêche maritime qui, en son article L211-19-1 dispose qu’« il est interdit de laisser divaguer les animaux domestiques et les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité ». Il appartient donc au maire de prendre « toutes dispositions propres à empêcher la divagation des chiens et des chats » et de résoudre le problème des chats errants sur le territoire de sa commune.

Devant l’ampleur du phénomène, le législateur est intervenu, dans un premier temps, pour permettre de les euthanasier. Ainsi, selon l’article L211-20 alinéa 3 du Code rural et de la pêche maritime, « Si les animaux ne sont pas réclamés, ils sont considérés comme abandonnés et le maire fait procéder soit à leur euthanasie, soit à leur vente (…), soit à leur cession, à titre gratuit, à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée. (…) ». L’euthanasie des chats errants est alors devenue la règle, notamment en raison du manque de place dans les différentes structures d’accueil.

Dans un second temps, le législateur a décidé de les protéger en créant une nouvelle catégorie juridique, celle des chats libres. La loi du 6 janvier 1999 a ainsi permis d’accorder un « statut » à certains chats errants, qui, de facto, deviennent ce qu’il est convenu d’appeler des « chats libres ». La nuance n’est pas uniquement linguistique, elle est également juridique, puisque seuls les chats libres échappent à l’euthanasie. Les différentes interventions du législateur ont conduit à une évolution du droit positif qui permet au maire  « par arrêté, à son initiative ou à la demande d’une association de protection des animaux, (de) faire procéder à la capture de chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe dans des lieux publics de la commune, afin de faire procéder à leur stérilisation et à leur identification (…). Cette identification doit être réalisée au nom de la commune ou de ladite association » (article L211-27). Il existe donc des éléments objectifs à prendre en compte, mais ils sont tributaires de la subjectivité du Maire.

L’objectivité de la situation

Pour modifier radicalement la vie des chats errants et qu’ils soient pris en compte positivement par le droit, des conditions objectives existent. Ainsi, un chat seul, considéré isolément, ne suffit pas. Au titre de l’article L211-27, il faut considérer le « groupe ». Or, c’est justement cette exigence qui explique la multiplication du nombre de chats errants. Mais c’est surtout l’absence d’obligation de stérilisation qui conduit à leur prolifération. Or, la stérilisation des chats n’est pas obligatoire en France ; seule leur identification l’est [2]. Pourtant, selon les responsables d’association et de refuge, la stérilisation des chats errants est indispensable dans la mesure où notamment  les chats non stérilisés se mettent plus facilement en danger, écourtant ainsi leur durée de vie.

Ensuite, seuls les chats vivant dans des lieux publics peuvent être considérés comme de potentiels « chats libres ». Par conséquent les chats errants vivants dans des lieux privés sont exclus de cette catégorie [3], ou du moins un vide juridique existe à l’égard, malgré les difficultés qu’ils sont susceptibles de poser eux aussi.  

L’alinéa 2 de l’article L211-27 suscite l’intérêt puisqu’il peut, en partie, expliquer les réticences qu’ont les maires à intervenir dans ce domaine. Il dispose : « La gestion, le suivi sanitaire et les conditions de la garde (…) de ces populations sont placés sous la responsabilité du représentant de la commune et de l’association de protection des animaux (…) ». En pratique en l’absence d’intervention du maire, les associations assument seules cette responsabilité.

Il convient également de noter que les chats libres, du moins les plus sociables, peuvent devenir des chats de compagnie, ce qui est également le cas des chats errants lorsqu’ils sont adoptés.  

Enfin, la collaboration entre le maire, le ou les vétérinaires et la ou les associations de protection des animaux doit se conclure par la signature d’un arrêté donnant  l’autorisation aux associations de prendre en charge les chats errants. Cependant, en pratique, elle dépend du bon vouloir du maire et, évidemment, de son budget.

La subjectivité du Maire

Parmi les élus locaux, le maire est le seul à pouvoir transformer un chat errant en un chat libre. Néanmoins, lorsqu’il décide de ne pas agir, les associations le font souvent de manière autonome, sans l’aide financière de leur commune. Il faut savoir que lorsque le maire décide d’agir, il peut recevoir l’aide financière de la Fondation 30 Millions d’amis.

Ce système pousse donc le maire à laisser les associations gérer un problème d’ordre public qui fait partie de ses compétences propres.

En principe, depuis la loi de 2015, le maire ne peut plus recourir à la fourrière sans justifier d’une campagne de stérilisation préalable. Pour ce faire, le maire peut s’associer à une ou plusieurs associations et un ou des vétérinaires. Les Directions Départementales en Charge des Populations ont mis à la disposition des maires des guides qui mettent l’accent sur la nécessité des campagnes de stérilisation et qui incitent les maires à les mettre en place. Toutefois aucune obligation ne pèse sur le maire, lequel prendra donc une décision subjective (article L211-27 du Code rural et de la pêche maritime).

L’absence d’obligation rend la situation délicate, en raison notamment du manque de moyen des communes. Il est par conséquent regrettable, comme le formule Mme Gorete Neves, que cette faculté ne se transforme pas en obligation pour le maire. De plus, une coopération entre les différentes collectivités territoriales et l’Etat serait la bienvenue. En attendant, l’existence juridique des chats libres doit beaucoup aux associations. Gageons que le législateur continue à les écouter !


[1] Selon l’article L211-23 Code rural et de la pêche maritime « Est considéré comme en état de divagation tout chat non identifié à plus de deux cents mètres des habitations ou tout chat trouvé à plus de mille mètres du domicile de son maitre et qui n’est pas sous la surveillance immédiate de celui-ci, ainsi que tout chat dont le propriétaire n’est pas connu et qui est saisi sur la voie publique ou sur la propriété d’autrui. »

[2] Sous peine d’encourir 750 euros d’amende pour les chats nés après le 1er janvier 2012.

[3] Ainsi, si les chats vivent exclusivement sur un terrain privé, le maire ne peut pas intervenir. Ce qui n’interdit explicitement l’intervention des particuliers…

Lalia Andasmas
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Juriste spécialisée en droit animalier

Il y a un commentaire

  • David Roussin

    18 janvier 2021 à 12h24

    Merci Lalia, le fond et la forme. Une des priorités actuelles est d’expliquer tant aux autorités locales (élus, forces de l’ordre, associations de protection animale) l’existence et la lecture des textes officielles qui sont actuellement en valeur. Si on commençait par APPLIQUER localement ce qui existe déjà on pourrait faire un point réel de ce qu’il faut changer dans la législation. 😉

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