Une législation ambitieuse…
L’Union européenne (UE) est réputée à travers le monde non seulement parce qu’elle est un acteur commercial majeur, mais également et surtout parce qu’elle adopte de nombreuses politiques et une législation importante liées à des raisons morales. La notion de bien-être animal est inscrite dans l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’UE, qui reconnaît les animaux comme des êtres sensibles depuis maintenant plusieurs décennies. La législation européenne en la matière est l’une des plus avancées et des plus strictes au monde. Ces avancées sont le résultat de l’évolution des préoccupations citoyennes, où la question du bien-être animal, tant dans ses dimensions physiques que psychiques, a une importance grandissante. À titre d’exemple, il a été mesuré en 2016 que pour 57 % des Européens, il était « très important » de protéger le bien-être des animaux d’élevage (eurobaromètre). En France, ce sont même 89 % des personnes interrogées qui affirment que la cause animale est importante (sondage IFOP).
…qui peine à s’imposer
Cependant, l’UE peine à imposer sa législation. Il existe non seulement un manque de coopération entre les États membres mais aussi trop souvent une absence de contrôle des normes sur le bien-être animal. La France est d’ailleurs régulièrement rappelée à l’ordre par la Commission européenne pour non-respect de la directive Oiseaux de 2009, visant à promouvoir la protection et la gestion des populations d’espèces d’oiseaux sauvages du territoire européen. De plus, toute les espèces animales ne sont pas protégées par le droit européen : quatre espèces bénéficient de normes particulières (veaux, porcs, poules pondeuses et poulets) tandis que d’autres n’ont aucune protection juridique (lapins, équidés, vaches laitières, dindes, canards, poissons). Il est important de souligner que la question du bien-être animal touche de nombreux domaines : élevage et abattage, transport d’animaux vivants, expérimentations scientifiques, protection des animaux sauvages et trafic des animaux domestiques, pour en citer quelques-uns. Parmi ces différents domaines, plusieurs constats généraux peuvent être dégagés : le niveau de protection du bien-être animal offert par la législation européenne est très inégal selon les secteurs d’activité ; lorsqu’elle existe, cette législation peut n’être que très partiellement utilisée ou appliquée ; la définition de normes assurant le bien-être animal reste débattue entre les acteurs, étant donné l’enjeu économique majeur que cela représente.
Création d’une commission d’enquête au Parlement européen
Si l’UE est dotée depuis 2004 d’un règlement encadrant le transport des animaux vivants, celui-ci n’est pas harmonisé entre les États membres. En conséquence, les abus se multiplient. Depuis de nombreuses années maintenant, différentes ONG dénoncent par le biais de vidéos les conditions atroces dans lesquelles se déroulent le transport de ces animaux destinés à l’élevage, et leurs efforts pour obtenir justice ont enfin payés. Quelque 153 eurodéputés, appuyés par des organisations de protection animale, ont demandé la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur le transport des animaux vivants au sein de l’UE. Le 19 juin dernier, la création de cette commission a enfin été adoptée par le Parlement européen, à 605 voix contre 53. Ce vote apporte de l’espoir et représente une étape importante pour le bien-être animal au sein de l’UE. Composée de trente eurodéputés répartis proportionnellement selon la taille des groupes politiques au sein du Parlement, cette commission d’enquête dispose d’un délai douze mois pour déposer son rapport final. La luxembourgeoise Tilly Metz, du groupe des Verts, en assure la présidence. Le but de cette commission d’enquête, dont le travail a commencé en septembre dernier, est d’examiner la responsabilité de la Commission européenne et celle des États membres, dans la mise en œuvre de la réglementation relative à la protection des animaux vivants pendant le transport. Elle en exposera ainsi les lacunes, afin de permettre une révision efficace du règlement de 2004. Les violations systématiques de cette réglementation, critiquées depuis des années, vont enfin pouvoir être mises en lumière.
Le fait que la législation européenne en matière de bien-être animal soit totalement appliquée dans les États membres constituerait déjà une importante avancée. La France est cependant loin d’être en avance sur la question. Juridiquement, de nombreux Etats ont adopté des dispositions bien plus ambitieuses à l’instar de la Suisse et de l’Equateur. Des modèles à suivre ?
Pour aller plus loin :
- Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur la protection du bien-être animal au sein de l’Union européenne – Typhanie Degois – 16/09/2020
- Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport – ANIT – Parlement européen – 2020
Marine Marques
Étudiante en deuxième année de master en Affaires européennes à Sorbonne Université.
Auteur d’un mémoire de recherche portant sur les enjeux éthiques des actions de l'UE dans sa lutte contre le réchauffement climatique.