Numéro 21Droit animalierLancement du Cercle des juristes sur les droits de la Nature

Alors même que l’idée des droits de la Nature connaît un essor croissant en France, les réflexions sur le sujet demeurent encore trop fragmentées. Les professionnels du droit, qu’ils soient chercheurs, universitaires, avocats ou magistrats, travaillent bien souvent de manière isolée, sans bénéficier de véritables espaces de dialogue favorisant la mutualisation des savoirs et l’élaboration d’une pensée collective.

En France, les lieux permettant une réflexion approfondie, interdisciplinaire et continue sur les droits de la Nature restent largement insuffisants, ce qui freine considérablement l’évolution des idées et des pratiques sur le sujet.

Par ailleurs, les prises de parole sur cette question dans l’espace public et médiatique demeurent peu diversifiées et insuffisamment étayées par une réflexion juridique rigoureuse. Le débat est souvent porté par un nombre restreint d’acteurs, ce qui limite la pluralité des approches et des voix, en particulier celles issues du monde juridique.

D’où la nécessité de créer un espace de réflexion collectif, ouvert et interprofessionnel, permettant aux juristes de confronter leurs approches et de faire avancer la pensée juridique autour de cette thématique émergente. Ne dit-on pas qu’un brin de soie ne fait pas un fil, et qu’un arbre isolé ne fait pas une forêt ? C’est dans cet esprit qu’un groupe de juristes — réunissant universitaires, praticiens, chercheurs et membres d’ONG — a décidé de fonder le Cercle des juristes sur les droits de la Nature.

Le 30 avril 2025, un colloque inédit sur les droits de la Nature s’est tenu pour la première fois à l’Assemblée nationale, à l’initiative du député Charles Fournier, en collaboration avec l’écrivain Camille de Toledo (Vers une internationale des rivières) et l’association Notre Affaire à Tous. Cet événement a réuni de nombreuses voix françaises et européennes engagées dans la reconnaissance de droits à des entités naturelles. Parmi les intervenants figuraient notamment les juristes Marie-Angèle Hermitte (chercheure honoraire), Alexandre Zabalza (professeur de droit) et Marine Yzquierdo (avocate).

À l’occasion de cet événement, ces deux derniers ont officiellement annoncé la création d’un think tank dédié à cette thématique. Quelques semaines auparavant, ils avaient sollicité diverses personnalités issues du monde académique, de la recherche et du secteur associatif afin de constituer un collectif d’experts aux profils complémentaires. Ainsi est né, le 30 avril 2025 en salle Colbert, le Cercle des juristes sur les droits de la Nature.

Premier think tank français spécifiquement consacré aux droits de la Nature, le Cercle se positionne comme un espace de dialogue, d’analyse et de réflexion collective sur les enjeux juridiques, philosophiques et politiques liés à la reconnaissance des entités naturelles comme sujets de droit. Ces enjeux recouvrent également les droits des animaux avec l’implication de Jean-Pierre Marguénaud (“père fondateur” du droit animalier en France) et Séverine Nadaud (qui codirige le diplôme universitaire de droit animalier à Limoges).

À ce jour, le Cercle rassemble une trentaine d’experts français issus de différents horizons. Il a vocation à s’élargir prochainement à des spécialistes européens et internationaux engagés dans des affaires ayant conduit – ou visant à conduire – à la reconnaissance d’écosystèmes comme sujets de droit.

Le think tank a entamé ses premières activités. Après une période estivale de maturation, le Cercle a organisé, au début du mois de septembre, un premier atelier de réflexion consacré à la question de la personnalité juridique des entités naturelles. Les discussions ont porté sur la nécessité d’associer à la reconnaissance de droits des obligations corrélatives.

Le Cercle était également représenté lors d’un atelier consacré aux “lois à venir” qui avaient été remises au député Charles Fournier lors du colloque du 30 avril 2025. Cet atelier, organisé le 10 septembre à Montsoreau par le Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, était l’occasion de contribuer à l’élaboration d’une proposition de loi qui ambitionne de doter le fleuve Loire d’une personnalité juridique.

De nouveaux échanges sont également prévus avec le glaciologue Jean-Baptiste Bosson afin d’approfondir la réflexion sur la reconnaissance des glaciers comme sujets de droit. Lors de la première édition du festival Agir pour les glaciers en mars 2025, la piste des droits de la Nature avait en effet été évoquée par Marine Yzquierdo et Philippe Billet, membres du Cercle, en complément des outils offerts par le droit de l’environnement.

D’autres actions sont attendues afin de faire avancer la réflexion sur les droits de la Nature en France. Afin de suivre nos actualités et être informés de nos prochaines activités, vous pouvez consulter régulièrement nos publications sur notre site internet ou sur notre Linkedin.


Marine Yzquierdo
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Avocate et membre du conseil d’administration de Notre Affaire à Tous

Ibrahim Khalil Sanogo

Chercheur en droit minier
Docteur en droit de l'environnement

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