ActualitésAnimaux domestiquesJeux olympiques de Paris de 1900, la souffrance animale au programme

Guillaume Prevel13 mai 20246 min

“Citius, altius, fortius” (Plus vite, plus haut, plus fort), Abbé Henri Didon (1840-1900) inspirateur de la devise olympique.

Du 14 mai au 28 octobre 1900, Paris accueillit pendant plus de 5 mois, les seconds Jeux olympiques de l’ère moderne.

Les jeux parisiens se firent dans un contexte très particulier et se trouvèrent en concurrence directe avec l’exposition universelle de Paris, dans laquelle ils furent finalement intégrés (Pierre de Coubertin ayant accepté au printemps 1899 le compromis proposé par l’Union des Sociétés françaises de sports athlétiques).

De fait, les concours sportifs de l’exposition universelle tiendront lieu de Jeux olympiques pour 1900.

Aucune publicité, aucune promotion, ni documents officiels ne feront références à ces jeux, si bien que beaucoup d’athlètes ne sauront jamais qu’ils ont participé aux Jeux olympiques jusqu’à leur mort.

La désorganisation était tellement importante que certains participants se sont retrouvés champions olympiques sans le vouloir. Ce fut le cas de Margaret Abbot, qui pensant participer à une compétition classique de golf en compagnie de sa mère à Compiègne, devint championne olympique.

Concours d’artillerie au bois de Vincennes, course à dos d’âne, saut en longueur à cheval sans élan, lancer de pierres, courses en ballons (dont le vainqueur atterrira à Kiev et se fera tirer dessus par des soldats russes!), concours de manœuvres de pompes à incendie, concours de colombophilie, lancer d’œufs périmés par-dessus un mur de fortune avec rattrapage de l’autre côté à l’aide d’une épuisette, port de bidons à bout de bras sur la plus longue distance possible, voilà quelques-unes des 477 épreuves farfelues qui se déroulèrent à Paris pendant de longues semaines en ce début de 20 -ème siècle. Si ces épreuves ne restèrent pas dans les annales du sport, ni même au programme des prochaines éditions des jeux, certaines marquèrent néanmoins les témoins présents.

L’une des épreuves les plus cruelles se déroula le 5 aout 1900, au Cercle du bois de Boulogne, dit “Tir aux pigeons”.

Dans une clairière de l’ancienne forêt de Rouvray, plus de 300 pigeons furent massacrés lors d’une épreuve remportée par le belge, Léon de Lunden qui tua 21 pigeons en 21 tirs.

54 tireurs participèrent à ce carnage qui choqua de nombreuses personnes du public.

L’historien Andrew Strunk relate dans un article, que l’état du champ de tir était une vision d’horreur : “les oiseaux estropiés se tordaient sur le sol dans leur sang, et les plumes ensanglantées tourbillonnaient dans les airs, sous le regard de femmes en pleurs sous leurs ombrelles.”

Pour prix de sa cruelle “victoire” Léon de Lunden reçut comme tous les participants ayant tués au moins 3 pigeons, une plaquette commémorative en argent portant au revers l’inscription “Concours de tir aux pigeons” ainsi que la somme de 20.000 francs de l’époque promise au vainqueur.

Cette épreuve indigne ne figurera dès lors plus jamais aux Jeux avec des pigeons vivants qui seront remplacés par des cibles d’argile.

Néanmoins, jusqu’en 1976, sur ce site méconnu de la ville de Paris, en plein milieu du bois de Boulogne, on tirait encore les pigeons, avant que des assiettes d’argile (encore appelées pigeons d’argile) ne les remplacent et mettent un terme à des décennies de cruauté.

La ville de Paris a récupéré depuis une partie des terrains pour en faire un jardin accessible au public. De gros travaux de dépollution des sols ont été nécessaires pour retirer les tonnes de billes de plomb accumulées pendant plus de 140 ans par les activités cynégétiques et de tir sportif.

Le jardin de 3,6 hectares porte toujours le nom de “Tir aux pigeons” comme une trace indélébile des souffrances endurées par ces pauvres animaux.

Durant la même période, à un autre point de la capitale, d’autres animaux subirent un triste sort, lors d’un concours de pêche à la ligne organisé dans le cadre de l’exposition universelle de Paris (et donc des Jeux olympiques).

Cette épreuve rassembla, 600 concurrents près de l’Ile aux Cygnes sur le bras gauche de la Seine.

Les organisateurs ne furent pas satisfaits du lieu de l’épreuve, du fait que la Seine était depuis quelques jours “ruinée” et “dépleuplée”, et que les poissons restants en vie étaient “très petits” à cause d’un incident sur une bouche d’égout, survenu quelques jours avant les épreuves près du pont de la Concorde (27 et 28 juillet). La pollution accidentelle tua des milliers de poissons et perturba les épreuves (on releva 30 tonnes de poissons morts à la suite de cette pollution).

Loin de décourager les organisateurs et au mépris de la vie des poissons survivants, le concours se déroula du 5 au 8 août.

2051 poissons supplémentaires furent tués lors des épreuves de pêche à la ligne, dont 881 lors de l’ultime journée du concours par les 57 finalistes.

D’autres épreuves moins renseignées impliquèrent des chevaux et des ânes au mépris de leur bien-être fondamental.

Les derniers Jeux olympiques d’été de Tokyo, en 2021, nous ont rappelé que la souffrance animale était encore présente lors d’épreuves d’équitation.

Le plus grand nombre d’entre nous se souvient encore de l’épreuve de pentathlon moderne, durant laquelle le cheval Saint Boy fut victime de violences de la part de la cavalière allemande, Anika Schleu qui le frappa violemment avec sa cravache à plusieurs reprises et avec ses éperons, puis qui fut frappé du poing par l’entraineuse, Kim Raisner, lorsque ce dernier refusa de sauter les obstacles pendant les épreuves d’équitation féminine de pentathlon moderne.

Cette triste affaire et la polémique qui suivit, eut néanmoins le mérite de mettre en lumière les abus dont sont victimes les chevaux de compétition.

Aux Jeux de Paris, le pentathlon se déroulera une dernière fois sous son format actuel et l’épreuve d’équitation sera remplacée par une course d’obstacles naturels ou artificiels que les concurrents devront franchir sur une distance de 60 à 80 mètres.

Dans la perspective des JO de Paris 2024, une quarantaine de personnalités du monde vétérinaire et de l’hippisme français et international appellent dans une tribune à protéger les chevaux des mauvais traitements subis lors des entrainements et durant les compétitions.

Certaines pratiques aujourd’hui encore, sont irrespectueuses des animaux et se retrouvent durant tout le parcours de dressage du cheval-athlète pour le préparer à la compétition.

Les équipements utilisés lors des entrainements pour amener l’animal à la soumission sont indignes, tels que les guêtres postérieures, les éperons, les muserolles serrées à l’extrême, les enrênements astreignants, les mors coercitifs.

Les pratiques elles-mêmes sont problématiques et condamnables, comme l’utilisation de la cravache, des éperons, ou encore l’hyperflexion prolongée de l’encolure potentiellement dangereuse sur le plan physique et dégradant pour l’animal maintenu dans cette position de façon contrainte.

Les premiers Jeux Olympiques de Paris de 1900 furent ceux de nombreuses souffrances animales, il serait heureux que 124 ans plus tard, ceux de 2024, voient l’avènement d’un rapport respectueux envers les chevaux (unique espèce animale à être encore utilisée aux Jeux olympiques) en réparation de tous les torts que nous avons causé, durant notre longue histoire commune, à cet animal majestueux.


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