“Nous devons tirer nos règles de comportement du monde naturel. Nous devons respecter, avec l’humilité des sages, les limites de la nature et le mystère qu’elles cachent, en reconnaissant qu’il y a quelque chose dans l’ordre du vivant qui dépasse très évidemment toute notre compétence.” Vaclav Havel (1936-2011) dramaturge, essayiste et ancien président Tchèque.
La catastrophe du “remembrement” intensif
A la fin de la seconde guerre mondiale, l’heure est à la reconstruction du pays, il faut produire vite et plus. Pour augmenter la productivité des fermes françaises, 70% des haies sont alors arrachées et les arbres champêtres sont abattus afin de produire davantage sur de plus grandes surfaces cultivables.
Les arbres et les haies étaient vus comme des freins au développement de l’agriculture en France. On leur reprochait d’entraver la bonne circulation des engins agricoles sans se soucier de la plus-value de leur présence.
Dans les années 60, le remembrement s’est poursuivi et l’arrachage de milliers de kilomètres de haies, de talus boisés supplémentaires a entrainé de facto la disparition de nombreuses espèces.
Cette technique de réorganisation foncière si elle a permis la redistribution des parcelles afin de constituer des exploitations d’un seul tenant, a également entrainé une catastrophe environnementale dont nous subissons depuis, les conséquences.
Environ 15 millions d’hectares ont été remembrés en France entre les années 60 et 80, modifiant les paysages de nos campagnes, et affectant lourdement les écosystèmes.
Des conséquences désastreuses
Les conséquences de ces abattages aveugles d’arbres et des ces arrachages méthodiques de haies frappent durement l’environnement.
Les haies étant des réservoirs de biodiversité, leur disparition a conduit à la chute ou à la disparition de nombreuses espèces animales. Il est par exemple constaté localement, que la disparition des reptiles et/ou des oiseaux est proportionnelle à la longueur des haies arasées.
Leur destruction a créé de grands espaces qui ont favorisé le ruissèlement des eaux particulièrement en hiver. Lors des phénomènes météorologiques violents ou importants, les terres arables des champs sont régulièrement balayées et peuvent être entrainées vers les rivières, conduisant à une baisse de la qualité des eaux et à une baisse de la productivité des champs.
Les oiseaux pour ne citer qu’eux paient un lourd tribut à la disparition de leur habitat (haies, boisements), qui s’ajoute à la régression des prairies permanentes, et à l’utilisation des pesticides de l’agriculture intensive. Tout cela conjugué a des conséquences désastreuses sur l’ensemble de leur chaine alimentaire (chute de la population d’insectes).
Des études menées par le Muséum national d’histoire naturelle et le CNRS ont confirmé la disparition des oiseaux dans nos campagnes, la chute vertigineuse concerne plus de 30% des espèces rares ou communes.
L’arrachage des arbres champêtres quant à lui a entraîné la perte patrimoniale de paysages typique à certaines régions comme le bocage normand, les frênes têtards du marais poitevin, ou encore les vergers hautes tiges des Vosges.
Le constat fait, nous devons replanter des haies…
A l’heure du dérèglement climatique et de la sixième extinction de masse, il est grand temps de revoir nos pratiques d’aménagement du territoire et de reconsidérer nos méthodes agricoles.
Des arbres et des haies doivent être replanter à la hauteur des destructions passées pour développer des microclimats sur les parcelles, afin de permettre de protéger les cultures du vent, du soleil, et de la chaleur de plus en plus accablante qui frappe la France depuis quelques années.
Les talus boisés, les arbres et les haies ont un effet sur le carbone atmosphérique qu’ils stockent dans leurs troncs et branches, mais aussi et surtout dans le sol.
Le carbone du sol étant important pour les cultivateurs, il augmentera in fine la fertilité et la réserve en eaux dans les terres cultivables, permettant de meilleurs rendements.
Les haies sont des écosystèmes incroyables favorisant l’explosion de la vie et nous donnent de nombreuses solutions pour créer des micros-climats au niveau des parcelles, pour freiner l’érosion due au ruissellement. Elles favorisent l’infiltration et la purification de l’eau dans les sols, ont un effet brise-vent, brise-vue, pare-soleil, contribuent à réduire la pollution en piégeant le CO2, embellissent nos paysages. Ne pas voir le bénéfice de replanter serait une faute à l’heure des défis qui se présentent à nous.
Les scientifiques ont amené toutes les preuves nécessaires appelant à agir, les associations par leur connaissance du terrain et des problématiques jouent leur rôle de lanceurs d’alerte, il ne manque plus que la volonté politique pour mettre en place leurs recommandations, qui relèvent du bon sens, afin d’ouvrir les perspectives d’une atténuation du chaos qui se dessine sous nos yeux.
Guillaume Prevel
Conseiller régional Ile-de-France du Parti animaliste
Correspondant des Hauts de Seine du Parti animaliste