ActualitésSantéDermatose Nodulaire Contagieuse bovine : un appel à la raison, pour une politique sanitaire humaine et préventive

Audrey Groensteen24 juillet 202515 min

La France est actuellement confrontée à une crise majeure dans ses élevages bovins des deux Savoie, due à la Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC). Face à cette situation, l’OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs) s’insurge contre la décision ministérielle d’abattages massifs et appelle à une révision de cette politique sanitaire, privilégiant la vaccination généralisée.


Depuis fin juin, une trentaine de fermes ont été touchées par la DNC. La décision du ministère de l’Agriculture, approuvée par le Comité national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV), consiste en l’abattage préventif de tous les bovins d’un élevage infecté, y compris les animaux ne présentant aucun symptôme.
Cette stratégie de “dépeuplement” est qualifiée de “massacre” par l’OABA et jugée insensée. Elle plonge les éleveurs dans des drames humains, sociaux et économiques : perte d’activité, stress émotionnel face à des animaux asymptomatiques euthanasiés, disparition d’un patrimoine génétique issu d’un travail de sélection sur plusieurs générations. L’ambiance dans les fermes est tendue, marquée par la présence des forces de l’ordre et de militants.
De plus, ces opérations d’euthanasies massives peuvent infliger des souffrances considérables aux animaux : stress intense, douleurs dues à des moyens de contention défaillants ou inadaptés. En effet, ces euthanasies doivent se faire sur le site d’élevage, sans déplacement des animaux pour réduire les risques de propagation de la maladie. Les vétérinaires étant occupés avec ces euthanasies, ils ne peuvent encadrer la bonne conduite des opérations d’amenée et de mise en contention des bovins.
L’OABA rappelle que cette radicalité des méthodes, déjà observée lors de l’abattage massif de millions de volailles, a montré ses limites. Ce plan est motivé par une doctrine hygiéniste du siècle dernier et la volonté de préserver coûte que coûte le statut de “pays indemne” pour les exportations. Cependant, refuser la vaccination généralisée pour maintenir ce statut est, selon l’OABA, une stupidité qui risque de laisser la maladie se répandre sur tout le territoire français, comme ce fut le cas avec la Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) et la peste aviaire. Si tous les élevages sont touchés, il n’y aura plus d’exportation du tout, ni même de cheptel. Et quid de la souveraineté alimentaire ?


Il faut rappeler que la DNC est une maladie virale strictement animale, affectant uniquement les bovins, les zébus et les buffles. Elle n’est pas transmissible à l’Homme, ni par contact avec des bovins infectés, ni par l’alimentation, ni par piqûres d’insectes. Les produits (lait et viande) restent consommables, et les pouvoirs publics ont d’ailleurs levé l’obligation de pasteurisation du lait quelques jours après l’avoir imposée.
La multiplication des échanges internationaux (véhiculant les mouches et/ou les bovins porteurs) et le réchauffement climatique ont contribué à l’expansion de la DNC. Originairement présente en Afrique, au Proche et Moyen-Orient et dans le sud-est de l’Europe, la DNC a touché la France pour la première fois cette année. La Grèce avait réussi à l’éradiquer grâce à une politique de vaccination massive.
Le taux de mortalité dans les cheptels touchés est en moyenne de 10%. Bien que les bovins français ne soient pas naturellement immunisés, des animaux bien nourris et élevés de façon plus raisonnée pourraient mieux résister à la maladie (1). Comme le disait Pasteur : “le microbe n’est rien, le terrain est tout”.


L’OABA propose une politique sanitaire basée sur l’anticipation et la protection des animaux, loin de la réaction panique et disproportionnée des abattages massifs :

  1. Vaccination généralisée et immédiate : la vaccination est la seule solution efficace pour endiguer la propagation de la DNC et venir à bout de l’épizootie en France. L’OABA demande une extension impérative de la vaccination à la France entière, en commençant par les régions frontalières aux deux Savoie, plutôt qu’une vaccination limitée à la zone réglementée. L’ANSES (2017) et l’EFSA (2015) ont reconnu l’insuffisance de l’abattage massif et l’efficacité de la vaccination.
  2. Confinement et interdiction des mouvements des animaux : ces mesures sont nécessaires pour limiter la propagation du virus.
  3. Surveillance quotidienne des animaux : pour un suivi rapproché des troupeaux.
  4. Abattage ciblé des animaux malades : « l’abattage des animaux sains ayant été en contact avec des animaux atteints n’est pas indispensable » (EFSA 2015).
  5. Développement des filières de production de vaccins en Europe et constitution de stocks conséquents.
  6. Prévention des piqûres d’insectes par des modes qui n’affectent de préférence pas les autres espèces (insecticides).
  7. Renforcement de l’immunité naturelle des animaux en revoyant leurs modes d’alimentation, leurs conditions de vie et en réduisant, a minima le temps de l’épidémie, les objectifs de performance de production laitière.
  8. Soutien social, psychologique et financier aux paysans touchés.


Le 16 juillet 2025, le CNOPSAV a validé, de manière inquiétante, une procédure d’abattage systématique des cheptels bovins, y compris des animaux sains, dès lors qu’un seul cas de DNC est détecté dans un troupeau. Cette décision radicale, prise dans un climat d’urgence sanitaire, fait abstraction des principes fondamentaux du concept One Health, qui appelle à une gestion intégrée et raisonnée des risques sanitaires à l’interface entre santé animale, humaine et environnementale. En optant pour une approche brutale, non différenciée et déconnectée des rapports de l’EFSA et de l’ANSES, le comité expose les éleveurs à des pertes économiques considérables, compromet le bien-être animal, et nuit à la crédibilité-même des politiques sanitaires. Il est alarmant de constater qu’une telle orientation ait pu être validée sans débat approfondi ni évaluation sérieuse de ses impacts à long terme.


L’OABA, créée en 1961 pour défendre les animaux de ferme et promouvoir l’amélioration et le respect des normes de protection animale, est à ce jour la seule ONG de protection animale française impliquée dans ce combat et invite chacun à le soutenir :
 Agissez et signez la pétition “Arrêtons le massacre des bovins !” pour exiger une politique plus humaine, fondée sur la prévention.
Ne laissons pas la peur détruire des vies ! Construisons une politique sanitaire basée sur l’anticipation et non la réaction, pour protéger le bien-être animal, nos paysans et notre patrimoine agricole.

(1) “Les températures élevées, associées à des pratiques d’élevage visant à obtenir de hauts rendements de production lactée, sont considérées comme génératrices de stress pour les animaux et contribuent à la sévérité clinique observée chez les bovins de race Holstein-Friesian (Tageldin et al. 2014).


Audrey Groensteen
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Responsable communication de l’OABA

Il y a un commentaire

  • Véronique

    24 juillet 2025 à 10h18

    Tous mon soutien aux éleveurs, non aux massacres ordonnés par le gouvernement. Abattre des animaux ne présentant aucun symptôme est une folie humaine.
    Les animaux comme les humains ont la capacité de renforcer leurs défences immunitaires. Laissez les éleveurs prendre les décisions nécessaires pour leurs troupeaux.

    Répondre

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