La reconnaissance juridique des animaux comme des êtres sensible (Traité de Lisbonne, 2007) a transformé la pensée cartésienne selon laquelle les animaux sont des objets. La séparation entre le monde humain et le monde animal, qui provoque la violence du premier sur le second, est donc finalement perturbée par la conviction que la violence contre les animaux et la nature tend à se répandre et implique inévitablement l’homme lui-même.
L’histoire démontre que la construction d’un mur anthropocentrisme occidental, entre l’homme et l’animal, entre la vie dotée de valeur et la vie sans valeur, est une opération extrêmement risquée, puisque l’idéologie peut porter certains de l’autre côté du mur. Si nous créons la catégorie d’une vie sans valeur, il est possible (mais peut-être serait-il plus exacte de dire, inévitable) que les mêmes êtres humains finissent par y tomber, subissant le même sort que les animaux. Ce n’est pas un hasard si des auteurs comme Theodor Adorno ont établi un parallélisme entre les camps de concentration et les abattoirs, affirmant que “Auschwitz commence chaque fois que quelqu’un en regardant un abattoir pense : ce ne sont que des animaux”.
En empruntant « la vision du monde idéal de Pullia (2010) », qui le décrit comme « celui dans lequel les gens traitent les animaux avec respect, compassion et compréhension », je peux introduire le concept d’empathie, terme qui dérive du grec ἐν, “en”, et -πάθεια, “souffrance, sentiment”, sur l’idée de l’Einfühlung allemande, où nous entendons la capacité de comprendre l’état d’âme et la situation émotionnelle d’un autre être vivant, ayant la capacité de se mettre “virtuellement” à la place de l’autre, comme si on était “dans l’autre” et on absorbait et prenait son point de vue.
L’empathie est reconnue comme une des cinq caractéristiques fondamentales de l’intelligence émotionnelle, une intelligence qui, selon la définition de Daniel Goleman (1997), est la capacité de reconnaître nos sentiments et ceux des autres, de se motiver et de gérer positivement nos émotions, et de ressentir les autres en entrant dans un courant de contact.
L’intelligence émotionnelle trouve, donc, sa propre intermédiation dans l’empathie, ainsi que dans l’autoconscience, dans le contrôle et dans la maîtrise des émotions, jusqu’à la gestion des relations, avec une rechute concrète sur nos comportements caractérisés par le respect, la compréhension et la compassion pour ce qui est autre que nous.
Et encore, comme souligné par Goleman, l’intelligence émotionnelle est le moteur pour la construction de relations équilibrées, étant un excellent remède pour développer la capacité à gérer nos émotions en général et, surtout, celles qui sont négatives.
L’intelligence émotionnelle est, donc, une capacité (dans le sens de l’application des connaissances, comme définie par Ryle, 1949) et, en tant que telle, elle peut s’apprendre, se développer et donc être enseignée.
Plusieurs études démontrent que les sociétés qui sont prêtes au développement de l’intelligence émotionnelle sont, non seulement, plus heureuses, mais aussi plus respectueuses, inclusives et ouvertes à reconnaitre et comprendre l’autre en soi, dans ses différences culturelles, sexuelles, religieuses et d’espèces.
Au moment où la société civile mondiale et, en particulier, celle occidentale, débat de la crise profonde de santé publique, économique et sociale, les indicateurs de notre malaise émotionnel sont nombreux et compréhensibles et méritent une grande attention, surtout pour les plus jeunes.
La tendance générale de la société occidentale, qui est centré sur l’autonomie de l’individu, génère une moindre disponibilité à la solidarité et à la compréhension, à cause aussi de l’actuelle pandémie, qui nous isole nécessairement, ne fait qu’affaiblir au maximum l’individu et progressivement détériore la cohabitation avec les autres. La crainte, surtout pour les nouvelles générations, est que leur parcours vers l’âge adulte aura du mal avec l’autocontrôle la gestion de la colère et l’empathie.
Tout cela suggère la nécessité d’enseigner aux enfants ce que l’on appelle l’alphabet émotionnel. Au Danemark, désormais depuis quelques années, les écoles introduisent à l’intérieur du calendrier scolaire de la population entre 6 et 16 ans, des leçons d’intelligence émotionnelle dont le but est d’aider à créer des relations saines et équilibrées entre les êtres humains et de combattre des phénomènes tels que le harcèlement.
Le point sur lequel je veux porter l’attention est que, si les êtres vivants, comme déjà dit, font tous partie du même monde, la vision anthropocentrique et “anthropo-émotionnelle” disparaît et exige une vision du problème plus holistique et systémique.
Le terme relation, dont la signification latine est transmettre, rapporter, établir un lien, nous impose de prendre en considération n’importe quel être avec lequel nous pouvons créer ou établir un lien, que ce soit avec les animaux ou l’environnement dont ils font partie.
Revenant donc à l’heureuse expérience danoise, il m’est facile de croire que l’éducation à l’empathie, je dirais plutôt à l’intelligence émotionnelle, soit un formidable outil pour rééquilibrer la rationalité avec la compassion, en cultivant certaines compétences émotionnelles qui permettront un changement culturel et de relation entre les hommes et entre l’homme, les animaux et l’environnement.
Éduquer signifie guider, conduire à un convenable niveau de maturité et donc de connaissance et de capacité. Éduquer à développer l’intelligence émotionnelle veut dire stimuler à devenir capables de se rapporter, non seulement entre nous, mais aussi avec les autres êtres vivants.
L’éducation facilite un changement au sein de la société civile, en représentant une grande forme de plaidoyer, et non pas par une imposition purement politique ou de convenance, cela signifie former/éduquer les jeunes générations au concept du respect, de la compréhension, de la compassion pour les autres; cela signifie avoir le respect, la compréhension et la compassion pour tous les êtres vivants sans distinction de genre, couleur, espèce.
Goleman, D. Emotional Intelligence. Random House Publishing Group Edition, 1995.
Pullia, F. Dimenticare Cartesio. Edizioni Eterotopie. 2010.
Ryle, G. The Concept of Mind. University of Chicago Press Edition, 2007.
Anna Cantafora
MSc Ph.D.
Senior Consultant