Ce livre puise son origine dans le compagnonnage de l’un des auteurs avec ses chats. Rien d’extraordinaire si ce n’est qu’il allait très vite se révéler une source d’expériences et de réflexions d’une richesse inattendue au service de la cause animale.
Les auteurs croisent ici le fruit d’un vécu avec le contenu d’entretiens et de rencontres qui les ont conduits à explorer le monde spirituel félin en particulier. Cette approche s’est articulée autour des capacités de Jean-Claude Genel à entrer en contact avec la vie psychique des êtres pour mieux comprendre le rôle que la conscience animale joue silencieusement auprès de l’humain ainsi que l’immense responsabilité de ce dernier vis-à-vis de la Nature.
Des questions à foison
Mais l’ouvrage ne se contente pas de raconter une belle histoire qui illustre les liens profonds qui nous unissent à nos animaux domestiques, il interroge aussi notre rapport au monde du Vivant en général pour mieux appuyer sur l’aberration qui consiste, depuis la révolution industrielle, à penser la terre et les différents règnes comme des ressources à exploiter et la nature comme un décor dont on peut jouir mais dont on détruit aussi trop souvent le fragile équilibre. Grâce à des ateliers que les auteurs ont animés sur le thème de la conscience animale, ce livre rapporte les pistes de réflexion sur le végétarisme, la maltraitance, l’opposition entre nature et culture, la symbolique des animaux dans les rêves, etc., ainsi qu’une multitude de questions traduisant la grande majorité des préoccupations du grand public à propos de la nature. Il donne la parole aux félins grâce à ce que l’on nomme aujourd’hui la communication animale, même si les auteurs parlent davantage d’extension de conscience.
Un génie de la nature
On découvre au fil des pages, la relation psychique singulière que Jean-Claude Genel entretient depuis les années 90 avec un « génie de la nature » que ne renieraient pas chamans et autres hommes-médecine. En questionnant cette « intelligence » hors du commun, l’auteur nous immerge dans une vision dépourvue du point de vue égotique de l’humain. On entre ainsi dans une relation saine, poétique, voire sacrée avec les animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques. Ce génie, le bien nommé Tip de Forêt, apporte de précieuses informations sur l’organisation de la vie dans les différents règnes et notre responsabilité envers la nature en général et les animaux en particulier. Il nous dit aussi que « l’animal danse la vie, il la hume, l’apprécie, s’endort pour rêver encore d’elle et se réveille juste pour la nourrir. »
Une cohabitation plus juste
Les auteurs lèvent ainsi le voile sur divers aspects de notre mystérieuse connexion au règne animal, si proche de nous. Ils montrent les bienfaits de cultiver une cohabitation plus juste avec ceux qui nous accompagnent en toute abnégation dans cette odyssée collective de la conscience. En filigrane, se profile également la manière dont nous devons repenser la place de l’humain sur la planète. Comprendre que nous faisons partie d’écosystèmes dont nous sommes dépendants et non les maîtres.
Ce livre paraît au moment où le Giec [1] présente son sixième rapport accablant sur les bouleversements climatiques provoqués par l’activité humaine, où le film de Cyril Dion, « Animal », sort au cinéma (décembre 2021), tout comme le documentaire « Empathie » de Ed Antoja sur le bien-être animal et le végétarisme. Quel lien me direz-vous ? Celui que les auteurs mettent en avant tout au long de cette exploration : l’urgence pour l’être humain de retrouver sa véritable humanité à partir d’une meilleure compréhension de sa dimension spirituelle propre, celle qui lui permet de ressentir l’intelligence des règnes en lui et de reconnaître celle de l’animal comme une part de lui-même à accepter et à dépasser.
L’homme bourreau
De nombreuses références d’experts ou non de la cause animale parsèment ce livre ; psychanalystes, autrices, célébrités, éthologues, philosophes, écologistes et tant d’autres… Un apport parfaitement dosé qui permet une alliance plutôt réussie entre l’approche résolument spirituelle du livre et les fondamentaux éthiques, scientifiques et environnementaux que recouvre la cause animale. Une phrase de Margueritte Yourcenar pourtant m’a claqué au visage quand les auteurs abordent à plusieurs reprises les raisons de la maltraitance animale : « L’homme a peu de chances de cesser d’être un tortionnaire pour l’homme, tant qu’il continuera à apprendre sur la bête son métier de bourreau. » Elle résume à elle seule comment s’exerce depuis la nuit des temps la toute-puissance de l’être humain sur la nature et les règnes qui la constituent. Yannick Le Cam, l’un des auteurs, psychanalyste, ouvre des pistes sur la manière de trouver un juste équilibre entre un amour fou pour les animaux, « amour refuge », expression d’une fragilité psychique qui isole de la société, et un amour complice qui respecte l’altérité, véritable éthique de la considération pour reprendre l’expression de Corine Pelluchon, autrice de « Réparons le monde, humains, animaux, nature ».
Accepter notre vulnérabilité
Il peut être utile ici de rappeler qu’en France, depuis le 28 janvier 2015, l’animal est désormais reconnu comme « un être vivant doué de sensibilité » dans le Code civil (article 515-14) et n’est plus considéré comme « un bien meuble » (article 528). Ce livre contribuera certainement à entrevoir ce qu’est la dimension spirituelle du monde félin et en quoi elle contribue à la prise de conscience de notre propre fragilité. L’acceptation de notre vulnérabilité et du caractère relationnel de notre existence est la condition pour vivre mieux avec et pour les autres en s’engageant à transmettre un monde habitable [2]. Une clé indispensable pour renouveler notre vision du monde, ouvrir une voie de réconciliation avec l’ensemble du vivant et nous guérir de notre arrogante domination.
La Conscience animale
Jean-Claude Genel et Yannick Le Cam
Editions Entre Deux Mondes
En librairie et sur le site gproductions.fr/produit/la-conscience-animale/
Jean-Claude GENEL est un chercheur en sagesse, auteur d’une trentaine d’ouvrages de spiritualité vivante. Familier des états modifiés de conscience et de la quête de sens, il anime depuis 40 ans des formations sur l’éthique relationnelle et les valeurs de l’âme.
Site perso : gproductions.fr
Yannick LE CAM est coach par la voie des rêves (méthode T.C.A.P.) et psychanalyste jungien. Auteur de Puissance de la pensée créatrice, il collabore depuis de nombreuses années avec.Jean-Claude Genel.
Site perso : tcap-formation.com
facebook.com/yannick.le.cam89/
[1] Le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) est une organisation mise en place en 1988, à la demande du G7, afin d’expertiser l’information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique provoqué par l’homme.
[2] Corine Pelluchon, Réparons le monde, Humains, animaux, nature, Rivages poche, 2020.
Jean-David Maisse
Chroniqueur