Les affaires de morsures par des chiens errants font périodiquement la une des faits divers des journaux télévisés et réseaux sociaux comme ce fut le cas encore à Saint Gaudens en début d’année ou plus récemment du décès brutal de NOUGAT. L’errance débute lorsque l’animal n’est plus sous la surveillance effective de son maître, se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout instrument sonore permettant son rappel, ou s’en éloigne de plus de 100 mètres. Le maire est responsable s’il n’intervient pas au titre de son pouvoir de police générale visé à l’article L 2212-2 du code général des collectivités territoriales mais également en vertu de son pouvoir de police spéciale prévu à l’article L 211-22 du code rural. Le propriétaire, détenteur et/ou gardien d’un chien est également responsable sur le plan pénal et civil.
Responsabilité pénale
L’usage d’un chien pour commettre une infraction, assimilable à l’usage d’une arme, constitue une circonstance aggravante (article 132-75 du code pénal). La divagation d’un chien catégorisé est une contravention de seconde classe (150 euros). En l’absence de blessures avérées, le gardien de l’animal encourt une contravention de troisième classe (450 euros). Plus les blessures de la personne humaine attaquée par un chien sont graves, plus la peine encourue l’est également. Si la victime humaine décède, les peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (article 221-6-3 du code pénal). Le peine encourue sera de 5 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende si l’ITT est de plus de trois mois, peine aggravée en cas de circonstances aggravantes comme la détention d’un chien catégorisé sans respect des obligations par son détenteur (article 222-19-2 du code pénal). Si l’ITT est inférieure à trois mois, la peine est de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 222-20-2 du code pénal). Le chien peut être confisqué à titre de peine complémentaire. L’auteur de l’infraction peut également se voir interdire à titre définitif ou temporaire toute détention d’un animal.
Le législateur ne prévoit aucune sanction pénale lorsque la victime des morsures est un autre chien. Si l’article 515-14 alinéa 1 du code civil affirme que tout animal est un être sensible, force est de constater que le préjudice corporel qu’il peut subir s’il est victime d’une morsure d’un autre chien n’est pas pénalement répréhensible. Tout au plus pourrait on viser l’alinéa 2 de ce même texte pour appliquer une sanction pénale pour dégradation de biens ou destruction volontaire de biens…
Responsabilité civile
Que la victime soit un autre animal ou un humain, le détenteur du chien mordeur est responsable devant une juridiction civile pour défaut de garde par application des articles 1242 et 1243 du code civil sauf preuve d’une faute de la victime elle-même .
Si au cours d’une chasse ou battue, un chien de chasse mord un autre chien de chasse, le propriétaire du chien victime ne pourra pas agir en responsabilité civile contre l’autre propriétaire car les chasseurs acceptent les risques inhérents à la chasse (Amiens, 1ère chambre civile, 03/06/2021). Cette jurisprudence est transposable aux courses de lévrier…
Le lien entre le chien mordeur et le chien victime doit être direct et immédiat. Dans un dossier où un chien aux aboiements effrayants et dépourvu de muselière avait fait courir un autre chien, qui avait rompu sa laisse et s’était jeté sous les roues d’une voiture, ce lien n’a pu être établi. Parfois, la preuve de l’origine de la morsure est difficile d’où l’intérêt d’avoir recours à des témoins et souvent à des constatations vétérinaires précises ou à une expertise de la dentition du mordeur et des traces sur la victime.
La victime humaine mordue pourra solliciter réparation des préjudices subis : remboursement des frais médicaux mais également réparation des préjudices moral et corporel. Si la victime est un autre chien, le propriétaire pourra agir contre le gardien du chien mordeur pour obtenir également réparation devant une juridiction civile et obtenir le remboursement des frais vétérinaires, frais d’incinération comme si le chien mordu n’était qu’un bien endommagé. Comme pour tout bien, les juges fixent l’indemnisation en tenant compte de la valeur économique du chien ainsi que de sa valeur vénale. Depuis, le fameux arrêt Lunus (1962), les juges accordent cependant réparation pour le préjudice d’affection indépendamment des préjudices matériels.
Législation après législation, décision de justice après décision de justice, le droit de l’animal progresse mais ni le législateur ni les juges n’accordent encore une indemnisation du préjudice subi par l’animal victime alors qu’il est un être doté de sensibilités. Un jour sans doute…
Véronique Tardy
Avocate près la Cour d’appel d’Aix en Provence
Titulaire du D.U. en droit animalier
Présidente de l’association de protection animale reconnue d’intérêt général, La paix entre les bêtes