ActualitésSantéChenilles processionnaires du pin et du chêne, attention danger !

Guillaume Prevel6 mars 20249 min

“L’ennemi le plus nuisible est celui qu’on ne soupçonne pas.” Fernando de Rojas, écrivain et dramaturge espagnol (1465-1541)

Vous les avez peut-être déjà croisées, qui se déplaçaient en file indienne au sol, lors de l’une de vos balades en forêt sans y prêter une attention particulière, sans que cette menace discrète ne vous interpelle. Cependant, les chenilles processionnaires du pin qui descendent paisiblement le long du tronc des arbres pour aller s’enfouir dans le sol meuble, avant de se transformer quelques semaines plus tard en chrysalides, peuvent causer de nombreux dégâts malgré leur petite taille, notamment la mort de nos animaux domestiques, ou une intervention médicale pour vos enfants ou pour vous même…Tour d’horizon de la menace…

La chenille processionnaire du pin est la larve d’un papillon de nuit, le Thaumetopoéa pityocampa. Elle fait partie de l’ordre des Lépidoptères (les papillons) de la famille des Notodontidae.

La processionnaire du pin est la plus urticante des chenilles de nos régions. La protéine en cause est localisée dans des poils microscopiques qui apparaissent au 3e stade larvaire (fin avril, début mai). Ces poils qui restent urticants plusieurs années après leur apparition (2 à 3 ans) peuvent se trouver dans le nid (déposés lors des mues) ou être lâchés par la chenille lorsqu’elle se sent menacée.

La processionnaire du chêne, quant à elle, ne se déplace au sol qu’accidentellement, puisqu’elle s’alimente et se transforme de larve en chenille (nymphose) sur son arbre hôte. La chenille processionnaire du pin, elle au contraire, descend en file indienne en mars pour se nymphoser dans le sol.

Les papillons qui éclosent durant l’été entre juin et septembre, pondent de 150 à 300 œufs, sur les rameaux ou les aiguilles des pins, mais aussi sur les sapins et les cèdres. L’éclosion a lieu environ 6 semaines après la ponte et donne naissance à des chenilles qui muent plusieurs fois avant d’atteindre une taille de 4 centimètres.

Dès leur éclosion, les chenilles commencent à dévorer les aiguilles de pin et se mettent à tisser des nids de soie dans lesquels elles restent cachées pour s’alimenter.

Lorsqu’elles quittent leur nid au printemps entre le mois de mars et avril, elles se déplacent en « procession » avant d’aller s’enfouir dans le sol et d’y tisser un cocon pour se transformer en chrysalide  (dans le cas de la chenille du pin), une dizaine ou vingtaine de mètres de leur nid. Un cordon de plusieurs centaines d’individus peut se former (jusqu’à 300) et s’étire sur une file ininterrompue, que peuvent croiser promeneurs, riverains des forêts, des bois ou des jardins, ainsi que les animaux domestiques ou sauvages.

Au bout de plusieurs mois, les chenilles se métamorphosent en papillons adultes qui sortent de terre et s’envolent. Le cycle recommence alors immuable, par l’accouplement de la femelle et du mâle.

Ce dernier meurt un ou deux jours plus tard, alors que la femelle s’envole  après l’accouplement, à la recherche d’un pin (pin noir d’Autriche, laricio de Corse, Salzman, pin de Monterey, maritime, sylvestre ou d’Alep) et dans les cas plus rares, elle pond ses oeufs sur un cèdre.  Elle y dépose ensuite sur la branche de l’arbre résineux choisi, des paquets de 150 à 320 oeufs alignés en parallèles, formant des manchons gris argentés long de 2 à 5 centimètres recouvert d’écailles, sur les rameaux ou les aiguilles de pin, avant de mourir à son tour.

Les chenilles processionnaires possèdent sur leur dos un appareil urticant composé de “micropoils” qui sont projetés en l’air par la chenille lorsqu’elle se sent en danger, les éviter est donc la meilleure chose à faire. Cependant, un nid de processionnaires même vide représente un risque pendant plusieurs années s’il est manipulé sans précaution.  La vigilance auprès des enfants, et des animaux domestiques doit être de mise pour éviter tout contact avec les chenilles, les nids et les zones potentiellement infestées. En effet, comme elles sont particulièrement visibles sur le tronc des arbres à hauteur d’homme, puis à terre, elles peuvent être attrapées par les jeunes enfants et portées à la bouche, ce qui représente un risque majeur d’intoxication.

Chez l’homme la réaction peut être violemment allergique. Le contact avec le poil urticant génère des troubles parfois graves pouvant mener à des chocs anaphylactiques, des œdèmes, des irritations, ou des démangeaisons (dans les cas les plus fréquents), voire des réactions plus importantes chez les personnes sensibles, nécessitant un recours médical. Lorsqu’il se brise dans l’organisme, le poil libère une toxine, la thaumétopéine, une protéine urticante qui peut provoquer d’importantes réactions allergiques sur les mains, le cou, le visage, mais aussi des troubles respiratoires et/ou oculaires plus ou moins graves.

En cas d’inhalation, une gêne respiratoire peut apparaître avec une toux, le nez qui coule, des éternuements et parfois des crises d’asthme.

Dans le cas d’exposition plus importantes, des symptômes généraux peuvent survenir et le système immunitaire peut s’emballer alors, menant à une baisse brutale de la tension artérielle, des malaises ou des pertes de connaissance.

Les atteintes à l’œil peuvent avoir d’importantes conséquences si elles ne sont pas retirées rapidement. Une exposition oculaire peut entraîner des douleurs, des larmoiements, une rougeur, un gonflement des paupières. Dans les cas les plus graves, les poils peuvent également provoquer des lésions de la cornée (kératite) et des troubles persistants de la vue.

Chez les animaux sauvages ou domestiques, en cas d’ingestion, la langue peut finir par se nécroser, les empêchant de s’alimenter. Le chien est particulièrement exposé lors des promenades, lorsqu’il laisse trainer sa truffe au ras du sol, car il se trouve exposé directement au contact avec les poils urticants de la chenille processionnaire.

Les chiens peuvent transporter sur leur pelage des poils urticants qui pourront se transmettre par l’intermédiaire d’une caresse sur le propriétaire de l’animal.

Lorsque par malheur, l’animal avale une chenille, des réactions inflammatoires immédiates très graves peuvent conduire à une nécrose de la langue si rien n’est fait. Le contact avec la chenille processionnaire provoque une réaction violente, presque immédiate, et comparable à une réaction allergique.

De façon systématique et immédiate, votre chien ou votre chat va tenter de se débarrasser de ces poils en se léchant avec sa langue. Cette action aura alors comme effet délétère, d’infecter la langue de l’animal qui manifestera alors sa gêne en se frottant la gueule.

Si vous ne souhaitez pas renoncer aux balades en forêts de pins au printemps, période la plus critique concernant les chenilles processionnaires il vous faudra être particulièrement vigilant pour éviter ce genre de désagrément à votre compagnon à quatre pattes et réagir au plus vite en cas d’envenimation.

Sur les arbres où des nids sont présents, la processionnaire va se nourrir la nuit des feuilles des chênes ou des aiguilles du pin, comme nous l’avons décrit plus haut. Un arbre particulièrement infecté présentera des signes manifestes d’affaiblissement, comme des parties desséchées, des pertes de feuillage (défoliation) qui sont plus ou moins importantes selon le nombre de chenilles présentes, qui entrainera une diminution de sa capacité de photosynthèse, et un ralentissement de sa croissance. Si l’arbre survit, il est considérablement affaibli, et devient irrémédiablement plus sensible aux maladies et aux ravageurs.

Les nids se délitent au fil du temps et le vent disperse leur contenu irritant, il se peut donc que des personnes soient impactés sans avoir touché les poils urticants. Des analyses du centre antipoison ont démontré que dans la moitié des cas, le public exposé n’avait pas vu de chenilles, et c’est par l’intermédiaire du vent que des poils urticants se sont déposés sur leur habits, ou encore en caressant le pelage de leur chien.

Sédentaire sur notre territoire, les mésanges sont les “mangeuses de chenilles processionnaires” par excellence. Un couple de mésanges peut, à lui seul ingurgiter plus de 500 chenilles par jour, soit l’équivalent de 1 à 2 nids de chenilles processionnaires.

Poser des nichoirs à mésanges près des zones infestées, et favoriser leur maintien tout au long de l’année en les protégeant de leurs prédateurs et en les nourrissant durant les périodes plus difficiles que représentent les mois froids de l’hiver permettrait de maintenir une pression permanente sur les chenilles. En été, les papillons mâles peuvent également être piégés à l’aide de boîtes à phéromones (hormones sexuelles) accrochées dans les arbres, afin d’empêcher la reproduction et ainsi limiter le pullulement.

Les chauves-souris, les araignées, certains coléoptères comme les calosomes sycophantes, le coucou gris sont aussi des consommateurs des papillons ou des chenilles des processionnaires.

Une seule chauve-souris a la capacité de manger l’équivalent de son poids en insectes, soit environ 600 insectes par heure. Elles peuvent donc agir en complément des mésanges et avoir un impact non négligeable sur les populations de papillons de la chenille processionnaire sans avoir à utiliser des tonnes de pesticides ou d’insecticides.

La chute des effectifs d’oiseaux et de chauves-souris constatée depuis des années associée au réchauffement climatique augmente le problème de prolifération des chenilles processionnaires, protéger la faune diurne et nocturne revêt donc une importance primordiale.

Il n’existe pas de solution unique et définitive pour juguler la prolifération de la processionnaire du pin, et il n’est d’ailleurs pas souhaitable d’éradiquer les chenilles processionnaires, qui ont elles aussi leur place dans notre environnement.  Il faut cependant apprendre à mieux les gérer et limiter leur présence.

Cela passe par l’association de plusieurs moyens de lutte, mais également en gérant différemment le paysage et la biodiversité.

Permettre le rétablissement d’effectifs d’oiseaux conséquents et diversifier les essences d’arbres plantés et l’un des moyens les plus efficaces afin de rééquilibrer le désordre causé une fois encore par les activités humaines. Notre environnement est bien fait, toutes les solutions sont dans la nature, à nous de restaurer ce qui peut l’être encore.

En cas de contact avec une chenille processionnaire ou de doute, il est conseillé de prendre une douche et de bien laver ses vêtements.

En cas de lésions, l’idéal est de ne pas frotter la plaie, afin d’éviter de casser les harpons des poils urticants invisibles. 

En cas de détresse respiratoire, de perte de connaissance, il faut immédiatement appeler le 15 ou le 112 (114 pour les personnes sourdes et malentendantes) 

Lorsque l’œil est touché, il faut consulter rapidement un ophtalmologue. 

Pour les animaux domestiques, la consultation d’urgence d’un vétérinaire ou l’appel à un centre antipoison vétérinaire est impératif. 


Guillaume Prevel
Guillaume Prevel
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Conseiller régional Ile-de-France du Parti animaliste
Correspondant des Hauts de Seine du Parti animaliste

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