ActualitésAnimaux domestiquesL’abandon, une violence devenue ordinaire !

Chantal Girot14 août 202318 min

L’abandon d’un animal domestique est un délit, un acte cruel sanctionné par trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, conformément à l’article 521-1 du Code pénal.

Qu’en est-il dans les faits ?

La France détient le record du nombre d’abandons des animaux de compagnie. Conséquence parfois de la crise sanitaire, des achats ou adoptions impulsifs, de l’irresponsabilité et de l’égoïsme, le pourcentage augmente chaque année de façon inquiétante.

Le vendredi 11 juillet 2023, France 3 Bourgogne Franche-Comté réalisait pour le JT de 19 h, un reportage bien construit, mais trop court, ne traitant qu’un volet de ce dramatique sujet : l’abandon dans les refuges.

Les animaux identifiés, cédés par leur propriétaire à un refuge ou une association agréée, passent d’un propriétaire à un autre,  avec transfert de propriété mentionné à l’ICAD. Si pénalement ces gens ne peuvent être sanctionnés, en raison de l’acte de cession réalisé légalement, l’abandon demeure bien là pour l’animal qui subit une maltraitance psychologique, privé d’un foyer qu’il aimait, même si cette affection s’avère unilatérale, au regard du comportement égoïste de l’humain qui commet un tel acte, surtout lorsqu’il s’agit de se débarrasser de la petite peluche, de l’objet mignon devenu encombrant au moment du départ en vacances.

Et ce ne sont pas les familles aux revenus les plus modestes qui sont concernées par ces agissements indignes, comme le souligne Reha Hutin.

Les refuges sont saturés par ces abandons

L’animal pris en charge par une structure  et mis en sécurité, retrouvera une autre famille, aimante cette fois, avec un peu de chance.

Une question d’éthique se pose alors

Accepter la cession, n’est-ce pas cautionner un acte répréhensible, puisque la loi ne peut dans ce cas être appliquée, à moins que l’animal recueilli n’ait été victime de sévices manifestes qui amèneront  à un dépôt de plainte ?

Pour les catégories d’humains qui cèdent leurs animaux sans vergogne à des structures se substituant à leur irresponsabilité, il devient nécessaire que le législateur réfléchisse à l’application d’une sanction spécifique lorsqu’aucune raison valable ne peut justifier cet acte.

Et puis, il y a tous les autres : les chiens, les chats, les NAC, non identifiés, largués par leur propriétaire dans la nature, sur des aires d’autoroutes, dans des poubelles, attachés aux portes d’entrée des refuges, ou enfermés dans un appartement sans eau ni nourriture jusqu’à ce que mort s’ensuive…

Les chats  abandonnés en masse, livrés à eux-mêmes, généralement non stérilisés vont se reproduire, avec pour conséquence l’augmentation de leur prolifération et  de leur souffrance.  

Les plus chanceux seront recueillis par des associations, d’autres conduits en fourrière avec un risque possible d’être euthanasiés.

Il faut, hélas, souligner aussi, et déplorer certains débordements de fourrières et d’associations complices qui laissent naître des chatons parce qu’ « il y a une forte demande ! ». Cette honteuse absence d’éthique est condamnable, compte-tenu du contexte et de la misère animale.

Quelles solutions ?  

Les mesures préconisées par le gouvernement : sensibiliser, organiser, accompagner, sanctionner.

Rappelons tout d’abord que l’animal est un être vivant doué de sensibilité, tel que défini dans l’article 515-14 du Code civil.

Adopter un animal est un acte responsable. L’animal fait partie intégrante de la famille qui va l’accueillir. Il faut prendre en considération ses besoins, son bien-être, et avoir à l’esprit qu’il  vivra à nos côtés pendant de longues années.

Il faut donc bien réfléchir avant de faire entrer un animal dans son foyer.  

La sensibilisation : une démarche essentielle

L’identification est définitivement obligatoire, pour les chats, chiens et furets, sans conditions de date de naissance de l’animal. Il doit être identifié avant toute cessionCf. article L.212-10 du code rural et de la pêche maritime.

Dans les établissements de soins vétérinaires, une signalisation apparente rappelle les obligations d’identification des animaux domestiques. Cf article L.212-12-1 du Code rural et de la pêche maritime.

Toute personne cédant un animal de compagnie à titre onéreux ou gratuit s’assure que le cessionnaire a signé le certificat d’engagement et de connaissance.

Le certificat d’engagement et de connaissance

Afin d’amener un futur adoptant à la réflexion pendant une durée de 7 jours avant de s’engager, « toute personne physique qui acquiert à titre onéreux ou gratuit un animal de compagnie, signe un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce, dont le contenu et les modalités de délivrance sont fixés par décret. » cf. article L.214-8 du Code rural et de la pêche maritime.

Le décret d’application est paru le 18 juillet 2022 et rend obligatoire ce document, par arrêté du 1er octobre 2022 concernant les chiens, chats, furets, lapins. Le certificat devra être délivré par un vétérinaire, ou un professionnel de la protection animale : refuge, association agréée, éleveur…

Le certificat d’engagement s’applique également aux équidés domestiques depuis le  31 décembre 2022.

Sensibiliser en milieu scolaire au respect de l’animal

L’article L.312-15 du code de l’éducation, dispose que « L’enseignement moral et civique sensibilise également à l’école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale. »

La stérilisation : une mesure préventive à la souffrance animale

Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, la stérilisation devient la mesure nécessaire pour lutter contre la prolifération, surtout concernant les chats mais également les chiens hors métropole.

La loi du 30 novembre 2021 (cf. détail article 12 section III)  prévoit à titre expérimental pour une durée de cinq ans à compter de sa promulgation, que « l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre volontaires peuvent articuler leurs actions dans le cadre de conventions de gestion des populations de chats errants.

Cette convention fixe des objectifs en matière de gestion et de suivi des populations de chats errants, au regard des missions prévues à l’article L.211-27 du code rural et de la pêche maritime relatif aux obligations des maires.

L’article L.211-17 est complété par cet alinéa : « Dans les mairies et les établissements de soins vétérinaires, une signalisation apparente présente l’intérêt de la stérilisation des animaux domestiques en termes de santé, de  bien-être animal et de préservation de la biodiversité. »

 Chaton abandonné sur une aire de repos en pleine campagne et recueilli par Justine, secrétaire générale de DAB

Sanctionner

La loi n° 3021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale  et conforter le lien entre les animaux et les hommes, a renforcé les mesures et sanctions :

les policiers municipaux et gardes champêtres ont qualité pour rechercher et constater les infractions à l’article L.212-10 et aux décrets et arrêtés pris pour son application, dans les limites des circonscriptions où ils sont affectés. Cf. article L.212-13  du Code rural et de la pêche maritime.

En cas d’infraction à l’identification de son animal, le propriétaire est sanctionné par une contravention de 750 euros. Il convient cependant de souligner que cette amende est rarement infligée, notamment dans les fourrières où l’animal est identifié avant d’être rendu et où les frais demandés ne contiennent jamais  l’amende.

L’article 521-1 du code pénal est modifié, les sanctions passent à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende et renforcées lorsque les faits entraînent la mort de l’animal, à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

En conclusion

Pour lutter contre l’irresponsabilité humaine,  les achats et adoptions impulsifs, il est indispensable d’éduquer mais aussi de renforcer les mesures dissuasives.

Notons qu’à compter du 1er juillet 2024 la vente des chiens et des chats sera interdite en animalerie.

L’adoption d’un animal domestique est une question de responsabilité individuelle de chaque propriétaire, il s’agit d’un acte réfléchi, d’un engagement en pleine connaissance des obligations qu’il engendre.

L’abandon d’un animal domestique est un acte de cruauté condamnable, auquel il faut accorder la  vigilance qu’il convient, et contre lequel la justice de notre pays devrait œuvrer avec détermination.


Chantal Girot
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Co-fondatrice et Présidente de D.A.B.
Titulaire du D.U de droit animalier de l’Université de Limoges

Il y a un commentaire

  • Borner

    16 août 2023 à 20h37

    J’ajoute que, comme en Suisse, il faudrait passer un certificat de capacités avant de pouvoir adopter ou acheter un animal.

    Répondre

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