A l’instar de la poule, le taureau est un animal domestique [1] qu’il faut protéger. Les courses de taureaux et en particulier la corrida (qui n’est pas une course de taureau [2]) doivent être remises en cause.
En principe, la corrida est interdite en France. Mais, comme tout principe connaît des exceptions, elle peut être autorisée dans certaines villes à condition de respecter certaines règles.
Il faut savoir que ni le fait ” d’exercer des sévices graves (…) ou de commettre un acte de cruauté [3] “, ni celui ” d’exercer volontairement des mauvais traitements [4] “ et ou encore ” de donner volontairement la mort [5], sans nécessité, publiquement ou non ” à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ne sont sanctionnés ” lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée (…) [6] “. Le législateur a ainsi confié au juge pénal la délicate mission de délimiter le territoire sur lequel les corridas sont autorisées par la loi. Force est de constater que la jurisprudence a une interprétation extensive [7] de ce texte, ce qui conduit à penser que l’exception est devenue la règle dans le Sud-Ouest et le Midi de la France.
Pourtant comme le chien ou le chat, le taureau est un être vivant doué de sensibilité et devrait, à ce titre, recevoir une protection pleine et entière.
Dans ce domaine, les mentalités évoluent. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les noms des personnes qui ont signé le Manifeste de la FLAC.
Il n’est plus question de cantonner les personnes-militantes (ou pas) uniquement à la protection des animaux de compagnie. Les animaux forment un ensemble ; ainsi, le vivant est pris en compte dans sa globalité. Par conséquent, la compassion existe tant pour les chats que les taureaux. Néanmoins la nuance est dans la prise en compte de l’animal par la complexité des règles inscrites au Code pénal. En effet, comment expliquer qu’une poule soit protégée sur tout le territoire alors que ce n’est pas le cas des taureaux ? On tire de la tradition la légitimité et la légalité de cette protection à géographie variable. En effet, cette dernière a pour origine la volonté de Napoléon III de faire plaisir à son épouse, l’impératrice Eugénie de Montijo, d’origine espagnole. Pour autant les mentalités changent et même les élus cessent de se cacher derrière la tradition. Pour preuve, le député à la condition animale est depuis peu membre d’honneur de la FLAC.
Déjà, en 1987, le professeur Jean-Pierre Marguénaud [8], directeur de la Revue Semestrielle de Droit Animal, proposait de remplacer les piques et les banderilles par « des moyens plus subtils, susceptibles de produire le même résultat sans provoquer la même douleur physique ». Rien n’a pourtant été fait en ce sens.Reste à interdire les corridas, ce d’autant que les associations ont fait un travail important.
Les associations anti-taurine (Crac Europe, alliance anti-corrida, no corrida, la FLAC etc.) ont fait un travail de lobbying très intéressant auprès des députés. Comme le précisent tant Arno Klarsfeld [9] que Corine Pelluchon [10], la fin de la corrida est pour bientôt. Il serait donc temps de commencer à réfléchir sérieusement à l’après corrida afin de diminuer la violence faite aux animaux, de faire en sorte que le droit s’applique de façon cohérente sur tout le territoire national et de faire une réelle application de l’article 515-14 du Code civil, en vertu duquel un animal est un être vivant doué de sensibilité.
Selon un récent sondage commandé à l’IFOP par l’Alliance Anticorrida, 81 % des Français sont contre la corrida et 76% sont favorables à un remplacement des corridas avec mise à mort par des courses camarguaises ou landaises. Néanmoins, la question se pose de savoir s’il ne faut pas tout interdire, corrida comme courses de taureaux, les deux engendrant de la souffrance au moins psychologique, ce qui n’est plus à démontrer !
[1] Cr. 4 nov. 1899, D.P. 1901. 1. 88. Cité par Xavier Perrot, “Du spectacle à la tradition. Pénétration et fixation de la corrida en France (1852-1972)”. Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2009 p. 165 et s. https://idedh.edu.umontpellier.fr/files/2021/04/RSDA-2-2009.pdf
[2] Claire Vial a mis l’accent sur le fait que “la corrida est la seule forme de tauromachie véritablement mise en cause du fait de sa cruauté intrinsèque” et “qu’il faut cesser de viser les courses de taureaux dans l’ensemble mais, au contraire, isoler davantage la corrida (…)”. Cf. Claire Vial, La corrida aux abois, Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2016 p. 99 et s. https://idedh.edu.umontpellier.fr/files/2015/03/RSDA_2_2016.pdf
[3] Article 521-1 du Code pénal.
[4] Article R. 654-1 du Code pénal.
[5] Article R. 655-1 du Code pénal.
[6] Article 521-1 alinéa 7; article R. 654-1 alinéa 3; article R. 655-1 alinéa 3 du Code pénal.
[7] Article 521-1 alinéa 7; article R. 654-1 alinéa 3; article R. 655-1 alinéa 3 du Code pénal.
[8] Jean-Pierre Marguénaud, L’animal en droit privé, p. 333. Publication de la Faculté de droit et des sciences économiques de l’Université de Limoges. Septembre 1992. (Thèse soutenue en 1987).
[9] Arno Klarsfeld, Ames et animaux, Fayard 2020
[10] Corine Pelluchon, Manifeste animaliste. Politiser la cause animale. Editions Rivages 2021
Lalia Andasmas
Juriste spécialisée en droit animalier