Lorsque j’ai su que j’allais devenir maître-chien, le premier challenge a été de trouver un chien. Devant la précipitation de l’opportunité exceptionnelle du poste qui se présentait à moi (au vu de mon jeune âge dans la fonction d’agent de police municipale), je n’avais d’autres choix que de prendre un chien adulte déjà formé, car il faut savoir qu’avant leurs 18 mois, les auxiliaires canins ne sont pas opérationnels sur la voie publique.
J’en ai rencontré une dizaine, des malinois, des bergers hollandais, des bergers allemands, mais sans flasher ni sans m’imaginer vivre avec ces chiens. Rien ne se passait lors des rencontres. Car il ne faut pas perdre de vue que le deuxième défi était de trouver un chien compatible avec moi au travail mais aussi dans la vie de tous les jours, car en Police Municipale, l’auxiliaire canin vit (pour la plupart des communes) avec son maître et lui appartient. En outre, c’est le Maître-chien qui met à disposition de la mairie son auxiliaire canin.
Je commençais donc à me demander si j’allais vraiment aimer la spécialité… Jusqu’à que je rencontre Jeriko, ce malinois de quatre ans, athlétique, belle allure, fier, magnifique pelage jaune mais surtout, et c’est ce qui m’a fait me décider, un guerrier dans l’âme et très caractériel !
Je ne vais pas vendre du rêve, non, il n’y a pas eu d’étincelles lorsque nos regards se sont croisés comme dans le film L’appel de la forêt avec le chien Buck qui a fait fondre le public des salles de cinéma.
Jeriko est un mâle alpha très indépendant de l’homme. Ce jour-là, il s’est entraîné au mordant et à la frappe muselée avec Niko son précédent maître, policier également. Il est venu me renifler 2 secondes et s’en est allé. Mais de mon côté, j’ai immédiatement compris que ce serait ce chien et pas un autre. C’est un sentiment qui est difficile à décrire mais en une fraction de seconde, la décision a été prise, m’engageant pour les 10 prochaines années de ma vie, de notre vie à tous les deux, deux guerriers.
Après avoir parcouru 2 220 kilomètres pour Jeriko, enfin il visitait sa maison pour la première fois. Il y a une phase très importante d’acceptation et de transition pendant laquelle le chien doit prendre ses marques au sein de sa nouvelle vie, de son nouveau foyer et de son maître. Jeriko n’a pas été facile et son caractère est redoutable, il y a eu des incidents de parcours, dû à ses 4 précédentes années qui se sont résumées au chenil et au travail, allant de maître en maître, d’unité spécialisée jusqu’en police secours. Mais également dû à mes débuts dans la spécialité.
Je suis la première femme à m’occuper de lui. Nous avons été sauvés par la tendresse et l’amour…
Vivre avec un animal est quelque chose d’exceptionnel, et c’est ce que j’avais désiré depuis mon enfance : un chien. Mais travailler avec lui est une autre expérience.
Le chien appelé “auxiliaire canin” dans le monde cynophile sent les choses, c’est un appui non négligeable pour une brigade. Tout le monde redoute les chiens de police, même ceux qui en ont l’habitude, il est un équipier en or, toujours à l’affût, toujours prêt à intervenir au péril de sa vie.
Nos missions sont en partie de l’appui aux différents équipages en difficulté ou non, on gère l’environnement des interventions et on s’assure que les collègues puissent travailler en sécurité. On participe à des missions de proximité en faisant des patrouilles pédestres ou des démonstrations de l’équipe cynophile auprès d’associations, de groupes scolaires, d’adolescents en réinsertion etc.
Conformément à l’Article 122-5 du Code pénal, l’auxiliaire canin est employé dans le cadre de la légitime défense, il est considéré comme une arme par les textes de loi. 90% du temps, il est un outil de dissuasion mais il peut être aussi utilisé de deux manières : en repoussant des individus, en venant les impacter avec sa muselière renforcée (ce qu’on appelle la frappe muselée) ou en venant mordre un individu menaçant (par exemple d’un individu avec une arme à feu). Le maître-chien doit savoir intervenir avec son chien, il doit être compétent pour décider si sortir son auxiliaire canin est bénéfique à l’intervention. C’est quelque chose qui se sent sur le terrain, car, parfois, cela peut tout faire dégénérer.
Jeriko m’a surprise un grand nombre de fois et, en toute honnêteté, j’étais loin de m’imaginer que notre relation serait aussi fusionnelle. Pour la petite anecdote, nous intervenions pour une rixe en cours entre environ 30 individus. Après avoir dispersé la foule, nous nous sommes mis à couvert derrière un préfabriqué avec trois victimes afin de requérir les éléments. A ce moment-là, Jeriko tire sur la laisse, je pense que c’est l’excitation de l’intervention, mais il insiste une deuxième fois et continue de tirer. Je m’avance en restant à couvert, Jériko est entre mes jambes, et je vois une seconde rixe qui prend forme entre trois individus, à 10 mètres. Nous sommes alors intervenus directement.
Le chien sent les choses. Jeriko ne voyait pas la situation car il était à couvert avec moi mais il a senti le danger et n’a pas hésité une seconde.
C’est une relation de confiance entre nous. On vit, on joue, on s’entraîne, on travaille, on rit et on pleure ensemble. Nous ne formons qu’un, sa laisse est le prolongement de mon bras. Et aujourd’hui, Jeriko ne quitte pas une pièce si j’y suis encore. Vous pouvez suivre nos aventures sur Instagram.