Numéro 17Politique & AnimauxChats libres marignanais : intégrer le félin à la Ville

Véronique Tardy15 octobre 20246 min

L’article L 211-27 du code rural et de la pêche dispose que « Le maire peut, par arrêté, à son initiative ou à la demande d’une association de protection des animaux, faire procéder à la capture de chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe dans des lieux publics de la commune, afin de faire procéder à leur stérilisation et à leur identification conformément à l’article L. 212-10, préalablement à leur relâcher dans ces mêmes lieux. Cette identification doit être réalisée au nom de la commune ou de ladite association…

Pour l’application du présent article, le nourrissage de ces populations est autorisé sur les lieux de leur capture… »  La Commune de Marignane va au-delà de cette obligation en assurant gite, couvert et bien être des chats.

En effet, la ville est consciente de l’espérance de vie moindre des chats errants. En moyenne entre trois et cinq années contre une moyenne de 20 années pour un chat d’appartement. Un chat domestique qui vit chez un détenteur sera confronté à moins de risques d’être écrasé par un chauffard, de tomber malade des suites d’intempéries ou faute de soins. Un chat des rues est confronté à de multiples dangers, cruauté humaine comprise. Dès lors, la Ville a souhaité qu’un statut plus protecteur soit accordé aux chats des rues.

Le chat libre est un chat domestique redevenu sauvage car vivant à la rue et que les collectivités territoriales stérilisent et identifient à leur nom. Reconnu par l’article L 211-26 du code rural et de la pêche maritime, ce chat libre est sous la responsabilité de la Commune. Il échappe au statut juridique des chats errants, choses sans maître, et peut être nourri alors que le règlement départemental sanitaire interdit le nourrissage de chats errants.

Sur le terrain, Marignane a installé des lieux de vie : chat let ( deux dont l’un dans le cadre de l’opération CHATIPI de ONE VOICE, une belle opération de sensibilisation au respect des besoins de l’animal pour tout public avec également la possibilité pour les félins de trouver refuge dans ce lieu) et niches. Ces infrastructures permettent aux chats de gérer un territoire, de se stabiliser et surtout leur offrent une pause dans un monde extérieur hostile. Ces niches sont disséminées dans la ville, dans les parcs publics, la maison du bel âge etc Les lieux ne sont connus que des nourriciers aux fins d’éviter tout acte potentiel de vandalisme ou de vols. C’est aussi une manière de protéger la quiétude des chats venus souffler un peu.

Le couvert est également assuré puisque la ville a mis en place en partenariat avec une association locale une distribution de nourriture aux 25 nourriciers répertoriés à ce jour et qui quadrillent ainsi le territoire marignanais. Face à l’inflation, les distributions de nourriture pour chats tous les trimestres se sont accélérées au point d’être désormais mensuelles. Qui n’a pas remarqué que le paquet de croquettes pour chats était d’au moins 30% plus cher qu’auparavant et que le packaging avait réduit la quantité ? Ces distributions orchestrées par une association locale apportent une aide non négligeable aux nourriciers mais connaissent des limites ; Marignane étant devenue en quelque sorte une banque alimentaire pour animaux. D’autres fournisseurs apportent également leur aide au monde associatif pour que les distributions puissent se poursuivre. Dans l’éventualité d’une possible pénurie de dons, Marignane va budgétiser sur 2025 l’achat de ces produits pour qu’aucun chat ne demeure le ventre creux. La Commune est consciente que ce ne sera jamais assez en terme de volume mais doit être comptable de ses deniers.

Marignane s’est engagée depuis longtemps avec le mode associatif dans des campagnes de stérilisations de chats qui ont porté leurs fruits. Ces campagnes de sensibilisation sont matérialisées par le Guide de l’animal citadin à Marignane diffusé sur papier ou sur internet en 2021, par des informations que l’on peut retrouver sur le site internet de la ville à la rubrique « condition animale », par des campagnes d’affichages dont encore récemment, des partenariats de sensibilisation avec des associations de protection animale qui se rendent auprès des plus jeunes.  Les colonies de chats se sont stabilisées malgré les abandons suite à la fin du confinement. Un couple de chats non stérilisés peut engendrer plus de 20 000 descendants en 4 années ! Une chatte peut donner naissance dès sa première année à trois portées dans l’année de 4 chatons soit en une année une moyenne de 12 chatons. Que deviendront ces chatons s’ils survivent ? N’iront-ils pas grossir le rang des animaux en errance ? Les refuges sont surchargés et ne peuvent accueillir plus de pensionnaires…Quel impact aurait une prolifération sur la biodiversité et notamment sur les oiseaux dont la cause principale de disparition demeurent les activités humaines et notamment l’usage de pesticides ? Il y va également du bien être des félins. Stériliser revient à limiter les colonies de chats qui peuvent vivre mieux. Cette opération réduit les signes d’agressivité, certaines nuisances comme des miaulements intempestifs ou l’éventrage de poubelles. Pour la chatte, les risques d’affections hormonales, de tumeurs mammaires ou de cancer de l’utérus sont réduits. Ainsi, chacun est gagnant : le félin a toute sa place en Ville. Face à la multiplication des abandons et au réchauffement climatique qui impacte le rythme des naissances qui se font désormais toute l’année, Marignane a encore du pain sur la planche : chaque jour, une portée est découverte, une chatte gestante est aperçue…Certains diront que la Commune n’en fait pas assez : mais avons-nous une baguette magique pour résoudre tous les problèmes ?

Aujourd’hui devant faire face à un manque de bénévole et en raison du vieillissement des trappeurs, Marignane s’est tourné vers la mise en place d’un marché public de stérilisation de chats errants. Le premier prestataire a stérilisé environ 250 chats en deux années. Ce marché a été relancé courant janvier 2024 pour être attribué en aout 2024 à la Fondation Clara . Faire le choix d’un marché public, permet pour la Commune de Marignane d’assurer un suivi pérenne des colonies de chats et de la stérilisation. Un plan de stérilisation sur plusieurs années sera ainsi établi avec un maillage territorial. Le prestataire est choisi en fonction d’un critère qualitatif indéniable. Auparavant, une association locale recevait une subvention importante (7000 euros) pour stériliser et identifier les chats : quoiqu’effectuant un travail de qualité sur le terrain, il n’a pas été possible de déterminer réellement le nombre de stérilisations et l’impact sur la population féline : les chats étaient seulement encochés et non identifiés. Ils demeuraient alors chats errants et non chats libres. Aujourd’hui, les chats errants du domaine public sont identifiés et donc devenus libres. S’ils se perdent et son ramenés en fourrière, cette dernière vérifie l’identification et les ramène aussitôt sur le site où ils ont été capturés. Le choix du marché est lourd administrativement et demande plusieurs mois de procédure. Sans doute est ce la raison pour laquelle peu de Communes adopte ce choix. La voie suivie par la collectivité territoriale marignanaise évitera qu’un jour, la stérilisation s’arrête faute de trappeurs bénévoles issus du monde associatif. Cependant, et malgré les bonnes relations de la Commune avec les associations locales de protection animale, il n’est plus juridiquement possible de subventionner lesdites associations dont l’objet est la stérilisation. Le cumul marché public et subvention pour stériliser est interdit par la jurisprudence du Conseil d’Etat motifs pris qu’une association subventionnée ferait concurrence au prestataire.

Aujourd’hui, l’aide apportée aux chats libres de Marignane par la Commune s’inscrit pleinement dans le cadre d’un mieux vivre ensemble administré/ félin. Marignane, Ville labellisée amie des animaux, en catégorie excellente, dès 2023, par la Région PACA, poursuit ses actions et a déposé un dossier dans le cadre de l’appel à projet pour stériliser les chats errants ouvert par le ministère de l’Agriculture le 02 septembre dernier.

Véronique TARDY, Adjointe à l’environnement, cadre de vie et condition animale à Marignane


Véronique Tardy
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Avocate près la Cour d’appel d’Aix en Provence
Titulaire du D.U. en droit animalier
Présidente de l’association de protection animale reconnue d’intérêt général, La paix entre les bêtes

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