Numéro 17ActualitésAnimaux domestiquesTransport d’animaux vivants : une réglementation insuffisamment protectrice

Gwendoline Farias Ranito15 octobre 20245 min

Environ 1,6 milliard d’animaux sont transportés chaque année à travers et hors de l’Union européenne. Dans le sillage de ces transports, une réglementation lacunaire vieille de vingt ans, des avis et des rapports qui se multiplient et des associations de protection animale qui continuent de dénoncer les dérives des longs transports d’animaux vivants.

Toute l’année, les animaux sont rassemblés pour être déplacés. Les voyages peuvent être longs ‒ plusieurs heures à plusieurs jours, voire parfois semaines : élevages, marchés aux bestiaux, centres de rassemblement, centres d’engraissement, abattoirs ou exportation par bateau à travers la Méditerranée.

Avec le début du voyage commencent les premiers signes de stress et les risques de blessures. Ainsi, lors des manipulations de chargement, il est fait mention de l’utilisation d’outils inadaptés pour faire avancer les animaux, de manipulations inadéquates de ramassage des volailles. À cette étape, les animaux déjà fragiles, blessés, malades et inaptes aux transports ne devraient pas être chargés. Ces problématiques de manipulation se retrouvent également lors du déchargement.

Lors des longs transports, les animaux peuvent être soumis à du stress notamment lié à de l’hyperstimulation sensorielle, à la restriction de mouvement et au stress thermique causé par la chaleur. À cela peuvent également s’ajouter blessures, mal des transports, soif ou faim prolongée et manque de repos.

Le stress thermique est particulièrement préjudiciable pour les animaux. La réglementation autorise le transport d’animaux entre 5 °C et 30 °C avec une tolérance de plus ou moins 5 °C dans l’habitacle sans distinction de l’espèce et de l’état physiologique de l’animal. Or, les températures de confort et les températures critiques des animaux varient entre une poule et un cochon, ainsi qu’au sein d’une même espèce. Les avis scientifiques de l’Autorité européenne de la Sécurité des Aliments (EFSA) de 2022 mettent en avant qu’il est nécessaire de ne pas dépasser le seuil supérieur de la plage thermique de confort et la température critique supérieure (TCS). L’organisme a publié des recommandations en fonction de l’état physiologique des animaux. Ces recommandations sont plus contraignantes que la limite des 30 °C de la réglementation et laissent supposer que, lors des fortes chaleurs, certains animaux souffrent bien avant que l’on atteigne le seuil réglementaire, à l’instar des truies par exemple :

Le facteur temps amplifie le stress. Malgré cela, la réglementation actuelle définit les cycles de temps de transports depuis la mise en application du texte en 2007 comme ceci :

Or, les études et avis scientifiques de l’EFSA soulignaient déjà en 2011 un lien entre l’augmentation des risques précédemment listés et les temps de trajets longs. De nombreuses associations de protection animale, à l’instar de Welfarm, souhaitent limiter à 8 heures le transport des bovins, moutons, chèvres, cochons et des équidés, à 4 heures celui des volailles et des lapins, et interdire le transport des animaux les plus fragiles et vulnérables, comme les jeunes animaux non sevrés, les poussins d’un jour et les animaux femelles gravides ayant dépassé 40 % de leur période de gestation. Avec une mention particulière pour la fin des exportations vers les pays tiers, qui fait l’unanimité au sein des organisations de protection animale. En effet, une partie des animaux transportés sont exportés hors de l’UE, via à Sète, Carthagène, Tarragone, Foynes… dans des bétaillères maritimes hors d’âge (41 ans en moyenne) soumis aux aléas de la mer. La liste des accidents est longue : « Queen Hind », « Gulf Livestock 1 », « Elbeik », « Karim Allah », « Alba dri 1 », « Nader A » et « Orion V » font partie des navires qui ont défrayé la chronique. Le transport maritime est opaque et il n’est pas rare de voir des animaux morts jetés par-dessus bord et finir échoués sur les plages. « Actuellement, ni les États membres ni la Commission ne disposent d’informations ou de statistiques sur l’état de santé et de bien-être des animaux pendant les voyages en mer » selon le rapport Welfare of Animals Transported by Sea de la Commission européenne. Seuls l’Irlande et le Portugal auraient des moyens de suivi des animaux sortant de la zone UE ; pour les autres tout est flou.

Jusqu’à présent, le seul texte encadrant ces transports est le règlement CE n°1/2005. En vigueur depuis presque vingt ans, il est considéré par les organisations non gouvernementales comme obsolète et lacunaire.

En 2022, l’EFSA a fourni des avis à la Commission européenne dans le cadre de la révision de la réglementation portant sur le bien-être animal, élément important de la stratégie « De la ferme à la table » de l’UE. Ainsi, ces avis devaient apporter de nouveaux éléments pour permettre la révision de la législation.

À partir de 2019, la commission ANIT (Animal Transport Inquiry Committee), forte de trente membres, s’est également penchée sur le transport, et plus particulièrement sur la manière dont les règles établies sont mises en œuvre par les États membres. Cette commission a dressé un état des lieux du transport d’animaux vivants aux niveaux intra et extracommunautaire.

Ainsi, le 7 décembre 2023, la Commission européenne publiait sa proposition de nouveau règlement relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes. Le texte améliore certains aspects certes, mais la Commission européenne a entériné la demande de mettre fin à l’exportation d’animaux vivants, pourtant vivement plébiscitée, pour ne pas impacter ce secteur économique. Les temps de transports ont été revus à la baisse mais en deçà des demandes des ONGs. De plus, le temps de transport par voie maritime est exclu du temps total du trajet. La réglementation considère en effet que celui-ci est un temps de repos, fermant les yeux sur la souffrance induite par ce type de transport, du manque d’équipements des navires, de l’absence de vétérinaires à bord et de l’exposition aux conditions météorologiques. Les aptitudes au transport ont été, elles aussi, revues, mais lorsqu’une femelle gravide à 80 % de sa gestation peut encore être transportée contre 90 % actuellement, on perçoit que les axes d’amélioration sont à peine effleurés et que les associations de protection animale ont encore un long combat à mener pour que la Commission européenne propose un texte plus ambitieux et plus protecteur pour les animaux.

Photo : © Welfarm Animal Welfare-Foundation Caroline Roose


Gwendoline Farias Ranito
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Coordinatrice Réseau de bénévoles chez WELFARM

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