Les mauvais traitements représentent 35% des infractions commises à l’encontre des animaux (voir en ce sens les analyses statistiques du ministère de l’Intérieur publiées au mois d’octobre 2022[1]). Il s’agit de faits graves et répandus au sein de notre société puisqu’ils se placent devant les sévices graves (34%), les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de l’animal (14%) ainsi que les abandons (5%).
Si les mauvais traitements ne sont pas définis par les textes, une analyse de la jurisprudence permet de constater que ces actes peuvent prendre plusieurs formes, allant du défaut de soin ou d’aliment à l’acte positif de violence.[2]
Ils peuvent causer d’importants traumatismes et mutilations, et dans les cas les plus graves, la mort de l’animal.
Droit applicable
La répression des mauvais traitements est aujourd’hui fondée sur :
- L’article R.654-1 du code pénal qui sanctionne les mauvais traitements de l’amende prévue pour les contraventions de 4e classe, soit la somme maximale de 750€.
- L’article 521-1-2 alinéa 1 du code pénal, qui fulmine le fait de diffuser sur internet l’enregistrement d’images relatives à des actes de mauvais traitements d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
- L’article L.215-11 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), qui sanctionne les mauvais traitements exercés par l’exploitant d’un établissement, d’une peine d’emprisonnement d’un an et de 15.000€ d’amende.
- Le CRPM prévoyant notamment des infractions spécifiques à chaque secteur[3].
Les enjeux soulevés par la proposition de loi
Il existe actuellement un défaut de proportionnalité entre la gravité des actes commis, les souffrances endurées par les animaux victimes et les sanctions prévues par le code pénal (contravention de 4e classe prévoyant une amende maximale de 750€).
Cette situation laisse subsister un paradoxe injuste au détriment des animaux victimes. En effet, l’animal est reconnu depuis 2015 comme un « être vivant doué de sensibilité » (article 515-14 du Code civil) mais il se trouve moins protégé qu’une simple marchandise puisque les articles 322-1 et R.635-1 du code pénal prévoient des peines supérieures pour les atteintes causées aux biens.
Par ailleurs, le manque d’harmonisation entre les dispositions du code pénal et celles prévues par le CRPM conduit à qualifier les mauvais traitements, tantôt de contravention, tantôt de délit et la diffusion d’images relatives aux mauvais traitements (délit) est curieusement plus sévèrement sanctionnée que les mauvais traitements eux-mêmes.
Enfin, si les textes sanctionnent l’auteur qui a sciemment agi dans le but d’entraîner la mort de l’animal (article 521-1 alinéa 4 et 522-1 du code pénal), il existe un vide juridique concernant la situation où l’auteur avait conscience des maltraitances exercées mais ne souhaitait pas que celles-ci entraînent la mort de l’animal. L’auteur des mauvais traitements encourt ainsi la même sanction, que son comportement ait entraîné ou non la mort de l’animal.
Les solutions soumises au sein de la proposition de loi
Partant de ces constats, j’ai décidé d’agir à l’occasion du diplôme universitaire de droit animalier de Limoges qui fait concourir les propositions de lois des étudiants au concours Jules-Michelet, organisé en partenariat avec la fondation 30 millions d’amis.
Forte de mon parcours d’avocat et animée par la protection du vivant, il m’a paru important de commencer par cette proposition, symbolique pour tous et impactante pour chacun.
La proposition de loi vise à convertir l’actuelle contravention de mauvais traitements en délit ainsi qu’à créer un délit de mauvais traitements ayant entraîné la mort de l’animal sans intention de la donner.
Il est ainsi proposé de :
- Supprimer l’actuelle contravention prévue par l’article R.654-1 du code pénal ;
- Créer un délit de mauvais traitements, puni de 2 mois d’emprisonnement et 4.500 euros d’amende ;
- Créer un délit de mauvais traitements ayant entraîné la mort de l’animal sans intention de la donner, puni de 4 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.
Il est à souhaiter que la création de ces deux nouveaux délits permette de réaliser un rééquilibrage de la hiérarchie des atteintes ainsi qu’une reconsidération de la valeur accordée aux animaux victimes.
[1] Interstats, « Les atteintes envers les animaux domestiques enregistrées par la police et la gendarmerie depuis 2016 » Analyse n°51 – octobre 2022,
[2] L’article L 214-1 du CRPM prévoit que : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » Ces impératifs se fondent sur les cinq libertés fondamentales du bien-être animal définies par l’OMSA (Organisation mondiale de la santé animale), à savoir l’absence de faim, de soif, de peur et de stress physique et thermique, l’absence de douleur et de maladie, la liberté d’expression d’un comportement normal de son espèce grâce à un environnement adapté. Tout comportement contraire à l’une de ces cinq libertés est susceptible d’être qualifié de mauvais traitements.
[3] Les articles R.214-17 et suivants du CRPM fixent les conditions d’élevage des animaux. L’article R.215-4 I,II, III et IV sanctionne la violation de cette réglementation d’une contravention de 4e classe, soit une amende de 750€ et le I° opère un renvoi, pour les peines complémentaires, à l’article R.654-1 du code pénal. Les I et II de cet article sanctionnent notamment les mauvais traitements résultant d’une faute d’imprudence du gardien. Cet article ne se limite pas aux élevages mais sanctionne plus largement les mauvaises conditions d’entretien et de détention des animaux dont toute personne est responsable.

Géraldine Becker
Anciennement avocat à la Cour