ActualitésAnimaux sauvagesLe rapport commandé par le ministère de l’Écologie est paru : l’avenir des orques et des dauphins de Marineland en jeu

One Voice30 septembre 202413 min

Ce mois-ci, le rapport sur l’avenir des dauphins et des orques détenus par le Marineland d’Antibes commandé par le ministère de la Transition écologique (MTE) est – enfin – sorti. Et ce alors même que One Voice s’apprête à porter une fois de plus la voix de Wikie et Keijo devant les tribunaux.

« Trois scénarios ont donc été explorés par la mission :
– le maintien des cétacés présents dans la structure existante réaménagée (bassins rénovés et enrichis), et sa transformation en refuge en vertu des dispositions prévues dans la loi n° 2021-1539 ;
– l’envoi des cétacés vers un ou plusieurs autres parcs aquatiques à l’étranger (option à ce stade choisie par le Marineland avec le Kobe Suma Sea World [KSSW]) ;
– l’accueil des cétacés dans un ou plusieurs « sanctuaires » conçus à cet effet dans des conditions de captivité semi-naturelles, en France ou à l’étranger. » (Page 13)

Les auteurs du rapport de l’IGEDD (Inspection générale de l’environnement et du développement durable) ouvrent la porte à l’idée de sanctuaires marins, comme l’esprit de la loi de 2021 le requiert, et soulignent que parmi les propositions faites, seul le projet que soutient One Voice est une solution envisageable. Mais il avance également que si le calendrier le nécessitait – et c’est ce qui semble être une exigence de Marineland, dont les patrons cherchent à transformer le parc -, Loro Parque serait un lieu prêt à accueillir les orques immédiatement.

Évidemment, One Voice s’insurge contre le fait qu’une telle option soit envisagée. Car elle destinerait Wikie et Keijo à un avenir toujours plus sombre, celui de la captivité et du dressage sans fin, dans des bassins encore plus petits que ceux dont nous dénonçons la taille minuscule au regard de leurs besoins, sur la Côte d’Azur.

Pour les dauphins, le rapport préconise qu’une répartition des individus soit faite entre un sanctuaire et plusieurs delphinariums… Cela illustre bien le manque de considération de Marineland vis-à-vis des animaux qui ont fait ses beaux jours, et permet de percevoir, pour ceux qui n’y parvenaient pas encore, leurs « valeurs » essentielles, bien éloignées des nôtres.

« Recommandation 4 : proposer au Marineland de répartir les dauphins entre le Jonian dolphin conservation sanctuary de Tarente, le Loro Parque et d’autres delphinariums, et assurer la facilitation des échanges entre les équipes pour la réalisation des transferts. »

Le rapport de la « mission d’exploration des différentes options relatives au devenir des cétacés du Marineland d’Antibes » confirme tout ce que One Voice dit depuis des années : les orques détenues par Marineland sont bien destinées à un delphinarium japonais.

« Parmi les deux établissements détenant des cétacés en France, le Marineland d’Antibes, qui possède à la date de rédaction du rapport deux orques et 12 grands dauphins, ne souhaite pas entrer dans ce cadre dérogatoire et prévoit donc de se séparer de ses animaux. Il a contractualisé […] avec un parc aquatique japonais prêt à les accueillir ce qui suscite de fortes oppositions de la part des associations de protection animale qui considèrent ce transfert comme contraire à l’esprit de la loi en entraînant une dégradation du bien-être des animaux ». (Page 5)

« Le Marineland a établi des contacts et conclu un contrat en 2023 avec le parc Kobe Suma Sea World à Kobe au Japon, qui a construit des installations permettant d’accueillir des orques. » (Page 8)

Et à Kobé comme au Loro Parque de Ténérife, où les problèmes rencontrés par les animaux sont légion, comme nous le dénoncions, Wikie serait soumise à la reproduction par l’industrie de la captivité. Pire, la cellule familiale formée avec Keijo pourrait être réduite à néant :

« Le KSSW [Kobe Suma Sea World, NDLR] assume une politique de reproduction en captivité et est dès lors très intéressé pour acquérir Wikie, une femelle ayant montré ses qualités reproductrices. Le maintien de la cellule familiale composée de Wikie et de son fils Keijo, qui constitue un élément essentiel de leur bien-être, n’est dès lors pas garantie. En effet, la participation à un programme de reproduction avec le parc de Kamogawa impliquera des échanges d’animaux et probablement la séparation de la cellule familiale ». Et : « Il reste que le transport par avion-cargo sur une longue distance (plus de 12h de vol) constitue indéniablement un stress et comporte un risque pour les animaux ». (Page 24)

« Depuis 2012, [Loro Parque] a toutefois connu plusieurs décès d’animaux en raison de problèmes intestinaux, cardiaques ou de causes inexpliquées », et plus loin : « Il est envisagé de faire reproduire Wikie. ». (Page 26)

Pour nous, aucun de ces lieux ne peut convenir !
Le seul projet viable pour les orques est bien celui soutenu et promu par l’association depuis 2019, et que le rapport présente comme étant l’unique sanctuaire marin répondant aux critères de l’AMI :

« Sur la base des réponses reçues à cet AMI en les comparant avec les conditions d’accueil des deux centres aquatiques ayant donné leur accord pour accueillir les orques et les dauphins, et après avoir consulté un groupe d’experts sur les cétacés captifs et sauvages, la mission a pu formuler les recommandations suivantes : concernant les orques, elle considère que seul le projet de sanctuaire de Nouvelle-Écosse, porté par le Whale Sanctuary Project, répond aux critères de l’AMI en termes de qualité technique, de faisabilité dans les délais et de soutenabilité financière, même si le projet présente un caractère expérimental qui comporte une part inhérente de risque ». (Page 5)

Les experts de cette mission recommandent un dialogue entre les associations et le parc. Nous ne demandons que cela, et ça ne date pas d’hier !

« Recommandation 3 : proposer au Marineland d’initier une collaboration des équipes avec le WSP [le Whale Sanctuary Project, sanctuaire soutenu par One Voice NDLR] afin d’examiner la faisabilité d’un transfert effectif vers le sanctuaire dans les mois qui viennent, et démarrer en parallèle une discussion avec le Loro Parque sur l’avenir des animaux. » (Pages 6 et 34)

Depuis des années, nous adjurons les delphinariums français et les autorités à prévoir la création de sanctuaires marins. Nous avons également à de multiples reprises appelé le parc à coopérer avec nous dans ce but, sans succès. Il est mensonger de faire croire que nos actions en justice contre le parc auraient eu comme conséquence une impossibilité de discuter. C’est bien plutôt ce rejet répété de notre main tendue et cette détermination à vendre les orques à un autre delphinarium qui ne nous ont laissé d’autre choix que de le combattre.

« La pression des militants sur le terrain, associée à la présence des médias et à la multiplication des actions en justice, semble avoir contribué à accélérer la décision de principe du parc de se défaire des animaux, mais aussi à reporter leur transfert vers le Japon et à mobiliser les autorités françaises pour trouver en urgence une solution alternative. Elle a également sans doute abouti à l’abandon d’un scénario de maintien sur place moyennant travaux et programme scientifique, compte tenu de la tension qu’elle fait peser sur la direction et les salariés du Marineland, et à la rupture du dialogue sur un éventuel transfert vers un sanctuaire, qui pour être mené à bien à l’heure actuelle nécessiterait des efforts de médiation ». (Page 12)

La probabilité que les orques survivantes soient envoyées dans un sanctuaire, même si elle est la meilleure des solutions, est mince car nécessite de prendre des précautions. La voie est en réalité toute tracée pour une arrivée rapide dans le delphinarium espagnol si la décision était prise…

« La seule alternative acceptable au sanctuaire des orques serait leur placement au Loro Parque de Ténérife qui présente l’avantage de posséder des installations prêtes à accueillir les deux spécimens en plus de ceux déjà présents, dans des conditions similaires à celles du Marineland. » (Page 5)

Ce sont pourtant ces conditions délétères qui sont au cœur du problème ! Nous sommes étonnés que la mission n’évoque pas l’état de santé des orques ni leur transportabilité à cet égard… Ne s’agit-il pas aujourd’hui de se « débarrasser » des animaux qui ont fait la fortune de Marineland ?

Cerise sur le gâteau, l’intention de Marineland n’a jamais été de se plier à la loi ni aux diverses décisions de justice rendues depuis le vote de celle-ci, et qui l’opposait invariablement à nous.

« Marineland SA a signé un contrat le 23 octobre 2023 avec la compagnie japonaise GRANVISTA Hotels & Resorts qui porte le projet de KSSW pour le don de deux orques et le prêt des deux autres dans un but de reproduction (historiquement pratiquée par le Kamogawa Seaworld appartenant au même groupe), d’éducation du public et de recherche scientifique sur le comportement animal). » (Page 22)

« Lors des entrevues successives, la direction du parc n’a pas exclu un départ des animaux en dépit de l’injonction au maintien sur place ordonnée en janvier 2024 par le tribunal sous peine d’astreintes, considérant qu’il est prêt à en subir les conséquences financières. » (Page 11)

Même si in fine les conclusions du rapport sont plus équilibrées concernant les deux orques survivantes, la décision (et la responsabilité qui en découle) revient effectivement au politique… Il serait catastrophique et inacceptable que celle-ci soit déterminée par des considérations purement économiques.

« Consultée par la mission, la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère considère que le risque juridique est globalement écarté du point de vue de la délivrance du permis d’exportation CITES : rien ne s’oppose a priori au départ des animaux, dans la mesure où ils sont aptes au transport et que le dossier fourni par le Marineland est solide.
Compte tenu du projet de reconversion des activités de Marineland en un parc d’attraction sans détention d’animaux, des importants frais d’entretien des animaux (de l’ordre de 500 000€ par an et par orque) et des frais judiciaires encourus, les conséquences pécuniaires pour l’État si la décision est prise de s’opposer au départ des deux orques risquent d’être plus lourdes que si la décision est d’accorder le permis. En effet, sa démarche de cession des orques découlant directement des dispositions de la loi du 30 novembre 2021, le Marineland pourrait être fondé à demander que l’État prenne en charge les frais liés à l’annulation du départ et à l’entretien des animaux maintenus au Marineland contre son gré, voire les pertes financières liées au retard du plan de reconversion, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. » (Page 12)

Parques Reunidos a déjà perdu beaucoup d’argent avec l’impossibilité pour le groupe d’envoyer les quatre orques dès 2020 en Chine puis en 2024 au Japon, grâce à nos actions en justice et notre alerte du public et des médias, ininterrompues depuis près de quatre ans.

« Les personnels du Marineland affectés aux cétacés anticipent la fermeture de celui-ci à brève échéance et sont d’ores et déjà en recherche active d’emplois dans d’autres centres ce qui, ajouté aux retards pris dans les travaux de rénovation des installations depuis le vote de la loi, fait courir un risque pour la santé physique et mentale des animaux. Il apparaît à la mission que, quelle que soit la destination choisie in fine, il n’est pas possible de retarder le départ au-delà de 12 à 18 mois des orques et des dauphins sans leur faire courir un risque excessif. » (Page 30)

Si Marineland et ses dirigeants exigent du gouvernement que la situation se débloque au plus vite, il est probable que le calendrier et l’argent soient l’aspect le plus déterminant au mépris des animaux. Le pouvoir exécutif a désormais les cartes en main pour sortir par le haut de cette situation, en respect de l’esprit de la loi votée en 2021.

« Contact pris avec la direction du Marineland, celle-ci s’est dite prête à collaborer pour la recherche d’une solution pour le devenir des cétacés et s’en remettre in fine à la décision du ministère, dans la mesure où celle-ci ne remet pas en cause le projet de reconversion du Marineland en parc d’attraction et les délais envisagés (début des travaux en 2025). » (Page 15)

D’aucuns apprécieront la mauvaise foi avec laquelle la santé physique et mentale des animaux est ici utilisée par le parc pour justifier un possible envoi dans un autre delphinarium…

Deux scénarios peuvent être proposés au Marineland dans l’objectif d’obtenir sa collaboration, avec des conséquences politiques, judiciaires et financières différentes, à anticiper :

  • En priorité, explorer le transfert vers le sanctuaire du WSP, qui nécessite des préparatifs plus complexes et plus longs (finalisation du projet, trajet, difficulté plus grande pour les soigneurs d’accompagner la phase d’acclimatation compte tenu de l’éloignement, mobilisation scientifique à assurer pour l’encadrement et le suivi…) et comprend une part de risque d’échec tant en termes de bien-être animal que de financement. En revanche, cette option permet une communication plus positive, tournée vers une ambition noble à double titre, le bien-être animal et la recherche, et pourrait rendre la décision symbolique au plan international de l’action de la France, premier État à essayer de proposer une fin de vie plus respectueuse de ses besoins à cette espèce emblématique par rapport à la captivité et en faveur de la protection des cétacés dans leur milieu naturel.
  • Dans le cas où cette première option ne serait pas réalisable, le transfert vers le Loro Parque, solution pragmatique qui suppose toutefois la rupture du contrat avec le parc japonais et une négociation préalable, portant notamment sur la répartition des frais entre le Marineland et le Loro Parque, et la préparation, selon une procédure bien rodée dans le milieu de la captivité, des animaux et des équipes. Ce choix déclenchera probablement réactions médiatiques et actions judiciaires de la part des associations. La réaction du personnel n’est pas connue mais on peut espérer qu’ils s’associeront aux préparatifs et aux suites du transfert dans l’intérêt des animaux. ». (Page 33)

Seul un soutien sans réserve du ministère (qui est précisément censé les protéger) pourra à présent sauver le destin de Wikie et Keijo. Notre espoir est immense, et nous nous tenons prêts à avancer en concertation, forts des années de préparation à cette éventualité. Notre détermination à empêcher tout transfert vers un autre delphinarium au Japon ou en Europe, est, elle, sans borne.

Nous appelons le public à demander avec nous la fin des delphinarium.

Photo : ©One-Voice


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