À la veille de la présentation du « plan Eau » par le gouvernement, L214 se réjouit que cette ressource, si précieuse pour les humains, les animaux et les écosystèmes, soit enfin au cœur des préoccupations. La question centrale de l’élevage, et donc de la végétalisation de notre alimentation, sera-t-elle pour autant au menu ?
« Sobriété, chasse au gaspillage et lutte contre la pollution ». Ce lundi 27 mars, Christophe Béchu laissait fuiter sur France Inter les 3 grands objectifs de son « plan Eau ». Pour chacun d’entre eux, diminuer notre production et notre consommation de viande et produits laitiers est un levier majeur.
Sobriété ?
Les produits d’origine animale ont un impact sur les ressources en eau bien supérieur à celui des produits végétaux1. Si l’ensemble des Français optait pour une alimentation aux deux tiers végétale (soit 2 repas sur 3), l’empreinte eau de notre alimentation chuterait de 28 %2. Cela correspond par ailleurs aux recommandations de la commission du EAT-Lancet3 pour une alimentation plus saine et plus durable. En optant pour une alimentation 100 % végétale, notre empreinte eau diminuerait même de 41 %. Même si l’on ne comptabilisait pas l’eau de pluie (dite « eau verte »), mais seulement l’eau prélevée dans les cours d’eau et les nappes phréatiques (dite « eau bleue »), l’empreinte diminuerait tout de même de 21 % (pour une alimentation végétalisée aux 2/3) et de 31 % (pour une alimentation 100 % végétale).
Gaspillage ?
Il faut en moyenne 3 kg de denrées comestibles pour produire 1 kg de viande4. L’alimentation animale accapare 40 % des terres arables françaises5 : les animaux sont les premiers consommateurs de céréales en grains6, en particulier de maïs. Très gourmand en eau, il occupe à lui seul 60 % des terres irriguées7 et gaspille chaque année 4,77 milliards de m3 d’eau douce pour traiter les engrais et pesticides dont il est copieusement arrosé8.
Pollution ?
Le ministre de l’Écologie déplore que seulement 44 % des masses d’eau de surface soient en bon état écologique en France. Or, l’élevage est la première source de polluants de l’eau9. Responsable de plus de 74 % de l’eutrophisation des espaces aquatiques10 (algues vertes), il génère à lui seul 75 % des émissions totales d’ammoniac en France11 à l’origine de pluies acides qui affectent, entre autres, les écosystèmes aquatiques.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Le ministre de l’Écologie acte que le changement climatique nous oblige à la sobriété s’agissant de l’eau. Or, pour préserver nos ressources limitées en eau, des mesurettes ne suffiront pas, il faut changer de cap.
D’abord en réservant la consommation d’eau aux besoins essentiels : irriguer des dizaines de milliers d’hectares de cultures en plein été pour approvisionner des élevages intensifs n’en est pas un, on peut se nourrir autrement. Nous devons aussi revoir en profondeur notre modèle agricole et alimentaire pour tenir compte des limites et des impacts. Et le faire au niveau politique afin d’accompagner la transition des éleveurs et des consommateurs vers une alimentation bien plus végétale, moins gourmande en eau. En réduisant notre consommation de viande, nous avancerions aussi sur d’autres sujets : moins de gaz à effet de serre, moins d’animaux abattus, moins de tensions sur les prix des matières premières, etc. Privilégier les protéines végétales est une nécessité environnementale, climatique, sanitaire, sociale et éthique. »
1. Duru, M et Therond, O., 2022. Élevage, protéines animales et protéines végétales : ce qu’il faut savoir pour y voir plus clair
2. Kim, B. F., Santo, R. E., Scatterday, A. et al. (2020). Country-specific dietary shifts to mitigate climate and water crises. Global environmental change, 62, 101926.
3. Alimentation planète santé, EAT-lancet.
4. Mottet, A., de Haan, C., Falcucci, A., et al. (2017). Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate. Global Food Security, 14, 1-8.
5. Des chiffres et des céréales, 2020. Passion Céréales
6. Des chiffres et des céréales, 2020. Passion Céréales
7. Rapport d’information du Sénat sur l’avenir de l’eau, novembre 2022, p20.
8. L’empreinte eau de la France, WWF, 2012.
9. FAO, 2006. Livestock long shadow.
10. Poore & Nemecek, 2018. « Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers », Science.
11. Les émissions agricoles de particules dans l’air état des lieux et leviers d’action, Ademe, 2012