ConsommationActualitésL’Observatoire des Subventions et Aides Agricoles (ObSAF) publie son premier rapport sur la filière foie gras

L’ObSAF a pour objectif d’informer les citoyens et les décideurs publics sur l’allocation de l’argent public au secteur agricole. Son premier rapport cartographie les aides publiques consacrées à la filière foie gras en Nouvelle-Aquitaine et analyse la dépendance structurelle de ce secteur aux financements publics, ainsi que la cohérence de ces dispositifs au regard des enjeux climatiques, environnementaux et éthiques.

La filière foie gras repose sur une chaîne productive longue (accouvage, élevage, gavage, abattage, transformation) dominée par des coopératives et des groupes industriels. Entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitations a diminué de 47 % en Nouvelle-Aquitaine, tandis que la taille moyenne des élevages a presque doublé, témoignant d’un processus d’intensification. Cette concentration rend le secteur extrêmement sensible aux crises sanitaires, comme en témoignent les campagnes de vaccination financées par des fonds publics (90 M€ en 2021, 100 M€ entre 2023 et 2024, 64 M€ en 2025).

La recherche de l’ObSAF repose sur l’étude des documents administratifs relatifs aux aides octroyées entre 2022 et 2025 par les départements et la Région Nouvelle-Aquitaine. L’accès à ces documents est un droit en France. Pourtant, face à l’opacité de certaines administrations, l’ObSAF a été contraint de saisir la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) à plusieurs reprises.

L’analyse des documents administratifs obtenus met en évidence une filière foie gras structurellement maintenue sous perfusion financière, et dont la continuité repose sur un recours récurrent et massif aux aides publiques. Entre 2022 et 2025, 13,8 millions d’euros de subventions ont été mobilisés, dont près de 60% d’origine européenne et plus de 35% apportés par la Région. L’année 2022 concentre à elle seule 63% de ces montants, reflet des dispositifs exceptionnels déployés après la crise d’influenza aviaire.

L’étude du détail de ces aides révèle une architecture déséquilibrée : les plans de modernisation des élevages absorbent à eux seuls plus de 7 millions d’euros, essentiellement consacrés à la biosécurité dans un contexte de crises sanitaires récurrentes. Loin de réduire les vulnérabilités, ces investissements contribuent à maintenir un modèle très intensif dont les paramètres fondamentaux (densités élevées, flux intégrés, concentration territoriale) demeurent inchangés.

À l’aval, les industries de filière longue bénéficient de la majorité des aides à la transformation qui s’élèvent à 3,7 millions d’euros sur la période. À rebours du récit patrimonial mis en avant par la communication publique, les ateliers fermiers et les modèles artisanaux ne représentent que 3% des aides à la transformation.

Enfin, les aides à la communication, à l’innovation et à la coopération (plus de 315 000 € en 2024 pour la seule promotion de l’IGP Sud-Ouest) jouent un rôle clé dans la stabilisation narrative de la filière, en entretenant une image patrimoniale déconnectée des réalités zootechniques (claustration, confinement, standardisation industrielle).

Dans l’ensemble, les données convergent vers un diagnostic clair : l’argent public n’atténue pas les fragilités du modèle dominant, il en assure la continuité.

Face à ces constats, l’ObSAF recommande une refonte profonde des modes d’attribution des aides publiques autour de quatre axes : la transparence, la conditionnalité, la transition et le renforcement du contrôle démocratique.

L’accès aux documents administratifs doit être effectif afin de permettre un suivi rigoureux de l’action publique. Les demandes d’aide devraient intégrer une ventilation précise par atelier, condition indispensable pour isoler la part des montants effectivement consacrés au foie gras dans les systèmes mixtes. Par ailleurs, les coopératives bénéficiant de subventions publiques devraient être tenues de déclarer annuellement les exploitations bénéficiaires, afin de lever l’opacité qui entoure aujourd’hui la redistribution interne des aides.

L’ObSAF appelle à conditionner les aides à des objectifs clairs de transition écologique et de réduction de la souffrance animale. Au regard des engagements européens (Green Deal, Ferme à la table), nationaux (SNBC, EGAlim) et régionaux (Néo Terra), les financements publics ne peuvent continuer à soutenir un modèle d’élevage intensif fondé sur le gavage. L’ObSAF appelle également à un encadrement immédiat des communications financées par l’argent public et recommande de mettre fin aux subventions publiques destinées à promouvoir un produit reposant sur une pratique contestée.

L’accompagnement de la transition constitue un levier essentiel pour soutenir les territoires et les exploitations engagés dans l’évolution de leurs systèmes productifs. Le développement de cultures végétales dans les bassins historiquement spécialisés, la sécurisation socio-économique des agriculteurs et l’adaptation des dispositifs de formation sont indispensables pour permettre des reconversions viables. La mobilisation coordonnée de la PAC et des Régions apparaît déterminante pour financer l’innovation, soutenir les alternatives et garantir une transition agroécologique qui préserve les revenus et les trajectoires professionnelles.

La cohérence et la crédibilité de l’action publique exigent un renforcement du contrôle démocratique. Les activités de lobbying de l’interprofession et de ses relais doivent faire l’objet de déclarations exhaustives auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, comme le prévoit la réglementation. Face à l’écart structurel constaté entre les promesses des labels et la réalité des modes de production, l’ObSAF estime nécessaire de réaligner les labels officiels sur les pratiques effectivement garanties. Enfin, l’ObSAF recommande d’introduire une obligation claire d’information du consommateur en cas de claustration prolongée liée à un épisode d’IAHP.


L'Observatoire des Subventions et Aides Agricoles (ObSAF)
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