En France, alors que le code civil dispose que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité », les sanctions en cas de maltraitance animale demeurent relativement faibles et peu dissuasives. Tel n’est plus le cas en Grèce où le Parlement a récemment voté une loi qui permet de sanctionner la maltraitance animale d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. L’occasion de faire le point sur le cadre juridique actuellement en vigueur (I) et sur les propositions de réforme s’agissant de la maltraitance animale (II).
I- Cadre juridique actuel relatif à la maltraitance animale
De nombreuses dispositions sanctionnent les actes de maltraitance animale qui peuvent être de nature variée : il peut s’agir de violences, sévices et blessures mais aussi d’abandons ou de mauvais traitements. Au préalable, il importe de rappeler que les maltraitances peuvent être signalées auprès des services de police ou de gendarmerie, des services vétérinaires de la direction départementale de protection des populations ou d’une association de protection animale.
Mauvais traitements
Selon le code rural et de la pêche maritime, « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » [1]. L’article L. 214-3 interdit alors d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques, sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. L’article R. 214-17, quant à lui, interdit de les priver de nourriture ou d’abreuvement, de les laisser sans soins en cas de maladie ou de blessure, et de les placer ou de les maintenir dans un habitat ou un environnement inapproprié aux conditions climatiques. Le code pénal réprime à son tour l’exercice de mauvais traitements d’une amende de 750 euros (contravention de la 4ème classe) [2].
Abandon
L’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité (à l’exception des animaux destinés au repeuplement) est sanctionné de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, le cas échéant assorti de la remise de l’animal à une association de protection animale voire d’une interdiction définitive ou provisoire de détenir un animal [3].
Sévices graves et actes de cruauté
L’auteur de « sévices graves, ou de nature sexuelle, ou d’actes de cruauté envers un animal » peut être condamné à une peine de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, le cas échéant assorti de la confiscation de l’animal voire de l’interdiction définitive ou provisoire de détenir un animal[4]. Est également sanctionné des mêmes peines, « le fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux » sans se conformer à la réglementation en vigueur [5].
Atteintes à l’intégrité et à la vie d’un animal
Le code pénal sanctionne aussi le fait d’occasionner la mort ou la blessure d’un animal volontairement (contravention de 5ème classe – 1 500 euros, 3 000 euros si récidive)[6] ou involontairement, c’est-à-dire « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence » (contravention de 3ème classe – 450 euros)[7]. Une exception demeure : les courses de taureaux et combats de coqs « lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».
Exemples de condamnations pénales récentes
Alors que la question du bien-être animal devient de plus en plus prégnante en France comme l’illustre le succès de l’initiative citoyenne « Référendum pour les animaux », les condamnations à des peines d’emprisonnement pour maltraitance animale restent rares et ce, malgré la médiatisation de certaines affaires. A titre d’illustration, l’individu qui a tué le coq prénommé « Marcel » de son voisin le jugeant « trop bruyant » a été condamné, le 7 décembre dernier, à une peine de 5 mois de prison avec sursis, 300 euros d’amende ainsi qu’à 3 ans d’interdiction de port d’arme. Le signalement d’actes de maltraitance aux associations et aux services de l’Etat peut néanmoins également conduire au prononcé de sanctions administratives fortes, comme l’illustrent les démarches entreprises en vue de la fermeture définitive d’un zoo, à la suite d’un contrôle administratif ayant révélé de graves manquements en matière de bien-être animal.
II- Propositions de réforme pour lutter contre la maltraitance animale
En la matière, le rapport de juin 2020 intitulé « Le bien-être des animaux de compagnie et des équidés » du député Loïc Dombreval est incontournable. Parmi les nombreuses mesures préconisées afin de lutter contre la maltraitance animale, il est proposé de :
- Renforcer et alourdir l’ensemble des sanctions pénales, dont celle réprimant le fait d’occasionner la mort ou la blessure d’un animal involontairement par une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (actuellement, simple contravention de 3ème classe).
- Rendre automatique l’interdiction, temporaire ou définitive, de détenir un animal à l’encontre des auteurs d’actes de cruauté ou de sévices graves.
- Créer un fichier recensant les individus ayant l’interdiction de détenir un animal.
- Davantage former les magistrats et les forces de l’ordre aux problématiques de maltraitance animale.
Ce rapport qui comporte 121 recommandations a notamment inspiré plusieurs propositions de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale dont la dernière en date a été enregistrée à l’Assemblée nationale le 14 décembre dernier. Cette proposition de loi a vocation à renforcer les sanctions dans la lutte contre la maltraitance des animaux domestiques à travers diverses mesures :
- Condamner l’auteur d’actes de cruauté et de sévices graves à une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque ces faits ont entrainé la mort de l’animal, considérée comme une circonstance aggravante.
- Permettre à la juridiction, à la place ou en même temps que l’emprisonnement, de prescrire la réalisation d’un « stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale » [8].
- Elargir la peine complémentaire d’interdiction de détenir un animal à l’ensemble des infractions de maltraitance animale.
- Renforcer les sanctions pénales pour les infractions à caractère « zoopornographique ».
Enfin, le gouvernement s’est également emparé de cette thématique récemment en annonçant un plan pour lutter contre l’abandon des animaux de compagnie, véritable fléau en France. Le gouvernement envisage notamment d’alourdir la sanction pénale en cas d’abandon d’un animal à une peine allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement (contre deux ans actuellement).
Pour conclure
Face à l’indignation provoquée par les affaires de cruautés et de mauvais traitements envers les animaux et la faiblesse des sanctions prononcées à l’encontre des auteurs de maltraitance animale, de nombreuses voix s’élèvent pour un durcissement des sanctions. Néanmoins, pour être pleinement efficace, l’alourdissement des sanctions devra s’accompagner de pédagogie et de mesures de prévention (notamment lors de l’acquisition d’un animal). Une chose est certaine : l’animal est un être à part qui présente des besoins vitaux qu’il convient de préserver et de respecter.
Comme l’a dit Gandhi, « on peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités ».
[1] Article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime
[2] Article R. 654-1 du code pénal
[3] Article 521-1 du code pénal
[4] Article 521-1 du code pénal
[5] Article 521-2 du code pénal
[6] Article R. 655-1 du code pénal
[7] Article R. 653-1 du code pénal
[8] Article 131-5-1 du code pénal
Laura Picavez
Avocate – droit de l’environnement