Créée en mars 2021 à mon initiative, la section d’études « Animal et Société » est rattachée au groupe d’études « Agriculture, élevage et alimentation » de la commission des affaires économiques. J’ai la chance de présider cette structure depuis sa création.
Forte de dix-huit membres, elle est, comme les autres groupes ou sections d’études, une structure souple et pluraliste, dont l’activité est conçue comme complémentaire des travaux législatifs ou de contrôle menés dans le cadre des commissions permanentes.
Cette instance ne résume pas l’ensemble des travaux que je peux mener sur la condition animale par ailleurs. Elle conduit ses travaux en parallèle d’initiatives législatives (proposition de loi sur la corrida), de travaux de contrôle (rapport sur les alternatives aux protéines animales dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst)) ou d’activités annexes (colloque sur le principe “une seule santé”, rencontres individuelles avec les parties prenantes).
Pourquoi une section spécifiquement dédiée à la relation entre l’animal et notre société ?
Parce que la question du bien-être animal, les enjeux juridiques, éthiques et économiques liés à sa protection, ou encore le rôle que joue l’animal dans la vie quotidienne de nos concitoyens, sont au cœur de débats de plus en plus vifs. Cette thématique avait déjà été abordée dès 2008 dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Les attentes de la société à ce sujet ont considérablement évolué : il suffit de rappeler l’adoption, en 2021, de la loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes, qui ne traitait qu’une partie de la question (l’ensemble de l’élevage mais aussi, de façon plus surprenante, la corrida ou la chasse, étaient exclus du champ de ce texte). De nombreuses initiatives législatives se sont succédé et continueront à émerger dans les prochaines années.
La vocation de la section « Animal et Société » est donc claire : ne pas abandonner ce sujet essentiel à d’autres acteurs ou à d’autres institutions, et s’assurer que le Sénat puisse apporter son regard et ses propositions. Ce travail s’inscrit dans une approche transpartisane et ouverte, dépassant les clivages politiques : l’objectif est de dégager des positions équilibrées, en prenant en compte l’ensemble des animaux – de compagnie, d’élevage ou issus de la faune sauvage – et en articulant des dimensions juridiques, philosophiques, économiques et sociétales.
Concrètement, la section se réunit au rythme d’une audition mensuelle : ses membres entendent divers représentants des mondes associatif, politico-administratif, professionnel, mais aussi des scientifiques, des économistes, des philosophes.
Les thèmes abordés vont du bien-être animal et de la santé animale (y compris la problématique des déserts vétérinaires, par exemple) à la lutte contre l’abandon ou la maltraitance, en passant par les questions de trafic d’espèces sauvages et des réflexions sur le statut juridique de l’animal. L’éventail de nos travaux est très ouvert afin de couvrir l’ensemble du champ « Animal et Société ».
Les récentes auditions en bref
Après plusieurs mois d’existence, la section a déjà tenu plusieurs réunions, lorsque le rythme des travaux parlementaires l’a permis, sur des sujets d’une grande variété :
- le dopage dans le monde des courses hippiques en amont des jeux olympiques de Paris 2024 avec l’agence française de lutte contre le dopage ;
- un point d’étape sur les zoonoses, « ces maladies qui nous lient aux animaux » autour du professeur François Moutou dans la suite du Covid-19 ;
- des spécialistes des organoïdes de synthèse, qui sont des alternatives prometteuses à l’expérimentation animale dans le domaine scientifique ;
- plus récemment, un tour d’horizon de la réglementation relative au bien-être des animaux de rente, autour de trois associations de protection animale dites « welfaristes » et ne sont pas que dans les discours mais agissent sur le terrain – CIWF (Compassion in World Farming), Welfarm et l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir (OABA). Elles nous ont dressé un état des lieux des normes existantes et proposé des pistes d’amélioration de la réglementation européenne, notamment en matière de transport et d’abattage ;
- une autre rencontre a rassemblé plusieurs grandes fondations incontournables dans le paysage français : la Fondation 30 Millions d’amis, la Fondation Brigitte Bardot et la SPA, pour faire un bilan de la loi contre la maltraitance animale de 2021 mais aussi, plus largement, pour s’intéresser aux difficultés rencontrées par les refuges ou aux besoins encore importants de sensibilisation ;
- lors de sa dernière audition, la section s’est ouverte à une approche philosophique en conviant deux spécialistes reconnus : Luc Ferry et Florence Burgat. Les réflexions ont porté sur la place de l’animal dans la pensée contemporaine, sur la distinction entre l’homme et l’animal, ainsi que sur la portée concrète de ces théories dans le débat public (création d’un ministère de la condition animale, statut juridique de l’animal, consommation de viande). Leurs réflexions, bien qu’assez différentes dans leurs conclusions, se caractérisent par une approche commune ancrée dans la tradition philosophique continentale, alors que les sciences cognitives tendent à devenir prédominantes dans l’approche de la question animale ;
- la prochaine audition portera sur l’évolution de la réglementation européenne, en particulier pour le transport et l’abattage des animaux d’élevage, autour de la direction compétente de la Commission européenne et de l’EFSA, l’autorité européenne qui est l’homologue de l’Anses au niveau européen.
Un programme de travail évolutif
Au-delà de ces auditions, d’autres thématiques pourront être abordées dans les prochains mois, comme, par exemple l’avenir des métiers vétérinaires, alors que le projet de loi agricole a étendu le champ de la délégation d’actes vétérinaires, consolidé les stages tuteurés vétérinaires et souhaité mieux encadrer certaines formations en ostéopathie animale.
Et j’invite bien entendu ceux qui nous lisent à suggérer des sujets ou des angles d’attaques particuliers. La chambre haute doit demeurer pleinement informée de l’évolution très rapide des connaissances sur les animaux, et cette instance y contribue, sous l’angle de l’éthique, de l’éthologie, de l’épidémiologie, ou encore de l’économie.
Ces auditions permettent un pas de côté et contribuent à éclairer, je l’espère, les réflexions des sénateurs membres de la section d’études, permettant de les outiller au mieux pour concilier ambition des propositions et réalisme dans leur traduction opérationnelle.
