La crise profonde et durable du covid devenue pandémie pose beaucoup de questions. Nous nous intéresserons à ce qu’elle nous a appris de la condition animale dans nos sociétés, ici et partout dans le monde. Il ne s’agit plus seulement de bien-être, mais de survie pour certaines espèces. Quand on connait les interactions de l’anthropocène, on doit mesurer l’importance apportée à la continuité de la chaine alimentaire par les animaux.
L’épidémie apparue en Chine dès la fin de l’année 2019 est devenue très vite une pandémie. On a été vite très loin d’une « grippette ». La dimension planétaire n’a d’abord été vue que sur le plan sanitaire. Les hésitations et les erreurs des gouvernements, les déclarations contradictoires des scientifiques ont établi un véritable sentiment de peur qui a longtemps occulté toute recherche des causes. La sidération est écrasante, l’ambiance funèbre.
Très vite, cependant, la meilleure connaissance de la manière dont le virus s’est répandu a mis en avant la possibilité d’une transmission par les animaux. Et voilà notre pangolin qui, suspecté de voisinage avec les chauves-souris, est très vite considéré comme responsable. Il est vrai que cet animal a des allures préhistoriques, caparaçonné qu’il est comme un destrier du Moyen Age. Le marché aux animaux vivants de Wuhan est très particulièrement visé.
Une autre hypothèse émerge assez vite, celle d’une erreur de laboratoire, en particulier le célèbre P4 franco-chinois inauguré en 2017 par Bernard Cazeneuve et par le mari de la ministre de la santé d’alors… Laissons de côté les hypothèses plus ou moins sérieuses des complotistes qui incriminent les laboratoires, Bill Gates et bien évidemment Macron en France.
Finalement le pangolin n’est pas coupable. Dommage, son aspect allait assez bien avec l’étrangeté de ce virus.
Le premier confinement, celui du printemps 2020, a été le plus rigoureux. La nature, nettement moins agressée a rapidement repris une partie de ses droits et de ses espaces de vie. Elle est résiliente.
Début de l’année 2021, avec humour et réalisme, François Gemenne, chercheur à Sciences Po au Laboratoire Médialab se remémore: « Je me souviendrai que des pays européens se volaient des masques médicaux sur des tarmacs d’aéroports. Je me souviendrai que les émissions de gaz à effet de serre étaient en chute libre. Je me souviendrai que les canards étaient revenus dans les rues de Paris, et les cygnes dans les canaux de Venise. Tout cela était tellement improbable, il y a un mois encore, que je n’aurais pas cru le voir un jour dans ma vie.»
Les plantes se sont réinstallées sur les trottoirs. Les animaux jusque-là privés de leur espace naturel vital se sont rapprochés des hommes et sont venus jusque dans les villes, les sangliers en particulier.
Mais cela n’a pas duré. Dès que la désobéissance civile est devenue plus forte, les activités ont repris avec le lot des pollutions qu’elles apportent. Et malgré quelques efforts de l’Etat et des collectivités, malgré les propositions de la commission climat, on revient très vite au système libéral ancien. Certains animaux redeviennent ce qu’ils ont été, essentiellement un produit de consommation. On ne se préoccupe plus que des espèces considérées comme utiles ou très rares, ou en voie de disparition. Toutes les autres retournent à l’oubli, sauf pour les spécialistes, en particulier, tous ceux qui se préoccupent des zoonoses, scientifiques et bénévoles. Si la faune est en danger, la flore l’est aussi. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) demande la mise en place de services vétérinaires efficaces dans tous les pays du monde. Mais qui entend ?
Si l’on connait assez bien les animaux qui ont le réservoir de virus le plus important, force est de constater que la chaine alimentaire s’est fortement rétrécie entre les humains et les animaux. Pour les virus, ces plus petits êtres vivants du monde, le chemin est de moins en moins long pour arriver chez l’homme. Ce d’autant qu’ils font preuve d’une certaine forme d’intelligence pour bondir dans les trous de la raquette de protection des sociétés humaines partout sur la planète.
Cette proximité devient plus immédiate avec d’autres virus, par exemple ceux qui se trouvent dans le permafrost Sibérie qui fond et libère des virus inconnus.
Ajoutons pour conclure à ce triste et inquiétant bilan très incomplet, des maltraitances multiples des animaux (abattoirs par exemple), les pratiques de certains éleveurs ; l’abandon des NAC, les vols de chiens pour les laboratoires. La crise sanitaire a fait revenir la bestialité chez les hommes, y compris entre personnes humaines, les femmes en particulier. Les actes odieux de certains individus pour qui la barbarie est normale (chevaux mutilés et tués par ex) sont insupportables. Les remugles de la boue fétide du cul de basse fosse de la société est là. Il faut la combattre sans concessions.
Bien au-delà du bien-être animal, la crise du Covid fait apparaitre la place centrale des animaux dans la survie de l’espèce humaine. Le système économique planétaire très prédateur réduit de plus en plus la chaine alimentaire pour des raisons de productivité, sans se soucier des équilibres planétaires fragilisés.
Il y a beaucoup à faire, bien qu’il ne soit pas nécessaire, comme le disait paraît-il Guillaume d’Orange, « d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Mais la route sera longue, tant les intérêts des uns et des autres sont contradictoires. En aucun cas, les animaux ne doivent être pris comme boucs émissaires. Le pangolin, lui, est innocenté, mais la véritable source virale reste incertaine. Et la pandémie court de plus en plus vite en cet été, à cause des avatars du virus.
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Georges Roques
Maitre de conférences, chroniqueur en géopolitique, spécialiste des territoires européens et plus récemment de la pandémie du covid