Les chasseurs s’attaquent aux nouvelles propositions de l’Union Européenne pour la protection de nos amis les chiens. Ils ne veulent pas de l’utilisation de la puce électronique pour l’identification des chiens et ils sont contre l’interdiction générale des colliers électriques.
En décembre 2023, un rapport et de nouvelles propositions sur la protection des animaux ont été publiés par la Commission Européenne.[1]
Nous saluons ces initiatives. C’est bien sûr une très bonne chose. Et il est important de suivre et d’influencer ces évolutions. Nous espérons vivement que les grandes Fondations et associations en France, mais aussi à Bruxelles, suivent de près les propositions de l’Union Européenne. Sinon on les invite à le faire.
C’est d’ailleurs ce que font les associations des chasseurs par l’intermédiaire de leur antenne européenne de lobby à Bruxelles. Les chasseurs français sont informés des préoccupations de ce bureau de lobby par le biais de leurs propres médias. Ces articles ont été portés à notre attention. Nous souhaitons réagir à leurs propos.
Tout d’abord, les associations de chasseurs ne veulent pas remplacer le tatouage par la puce électronique. La réglementation proposée s’applique uniquement aux éleveurs de chiens à partir d’une certaine taille. La puce, pas plus grosse qu’un grain de riz, est plus facile à mettre et elle ne nécessite pas d’anesthésie donc elle est moins risquée pour le chien. Généralement elle n’est pas plus chère que le tatouage au dermographe sous anesthésie. On espère que les éleveurs ne pratiquent plus le tatouage à la pince qui consiste à écraser l’oreille du chien/chiot entre les deux mors de la pince, dont l’un est composé de picots sur lesquels est disposée l’encre destinée à imprimer les numéros d’identification sur la peau de l’animal. Ce procédé se pratique à vif, normalement sans la moindre anesthésie. Dans cet Avis de l’Ordre National des Vétérinaires [2] :
« Le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires considère que le tatouage à la pince des carnivores domestiques est une pratique douloureuse et qu’il convient donc de rechercher des solutions ou des alternatives visant a minima à soulager la douleur induite, et si possible de le substituer par une autre technique moins douloureuse, voire à en supprimer la pratique. »
On ne voit pas pourquoi les chasseurs protestent : «Le bien-être des chiens de chasse faisant partie de l’éthique que la Fédération National des Chasseurs promeut. » n’est-ce pas ?
L’une des raisons pour l’Union Européenne d’agir pour la protection de nos animaux de compagnie est le fait que les règles varient énormément d’un État à l’autre.
L’identification doit être harmonisée/standardisée et, pour cela, la puce électronique semble être le meilleur dispositif. La puce est déjà un moyen d’identification internationale, ce qui vous permet de voyager avec votre chien. (Pour rappel, la puce est obligatoire depuis le 3 juillet 2011 pour voyager, sauf pour les chiens identifiés avant cette date par tatouage.) Et la puce ne peut pas être effacée et elle est infalsifiable. Le tatouage est moins fiable car il a tendance à s’effacer avec le temps et devient illisible.
Il nous semble très peu probable que les régulateurs de la Commission européenne et du Parlement européen puissent tenir compte des arguments et des souhaits des chasseurs.
Quant aux colliers électriques, déjà en janvier 2023 nous nous sommes penchés sur les arguments des chasseurs lorsque des propositions de protection des animaux de compagnie ont été faites à l’Assemblée Nationale. Les associations de chasseurs sont convaincus qu’il n’existe pas de consensus scientifique sur les nuisances induites par ces colliers et que les vétérinaires sont partagés sur le sujet. Nous souhaitons citer un article de l’Université de l’Utrecht[3], université aux Pays-Bas, très en avance en ce qui concerne la protection des animaux.
«L’effet des colliers électriques repose principalement sur le fait qu’ils provoquent un stimulus aversif (choc électrique) qui peut également provoquer des douleurs physiques. Avec une utilisation excessive, les électrodes peuvent même entraîner des lésions sur le cou. En France, où les colliers électriques ne sont pas interdits, 7 % des 330 chiens équipés d’un collier à décharge électrique ont développé des blessures physiques. L’effet d’un choc électrique dépend des caractéristiques du stimulus, telles que sa force, le nombre de fois qu’il est donné et sa durée.
Des études menées chez l’homme montrent que les fréquences plus élevées (30, 60 et 90 Hz) provoquent des sensations de douleur et des réactions de choc plus fortes que les fréquences plus basses. De plus, des études menées chez l’homme ont montré que des chocs successifs au même endroit augmentent la sensibilité à la douleur, tandis que la réaction de sursaut comportementale peut diminuer.
Les recherches sur le traitement des aboiements chez les chiens montrent que plusieurs chocs sont souvent nécessaires avant que les aboiements dirigés contre d’autres chiens ne soient complètement éliminés. Des stimuli multiples et puissants sont nécessaires pour arrêter le comportement, en particulier lorsqu’un chien est très motivé pour adopter un tel comportement. De plus, un collier électrique, tel qu’un collier anti-aboiement, peut parfois être activé par d’autres vibrations (sonores) qu’un aboiement ou peut être activé par un autre chien qui aboie.
Les chiens de travail entraînés avec un collier électrique ont montré beaucoup plus de comportements liés au stress et de postures plus basses, ainsi que des vocalisations indiquant la douleur, par rapport aux chiens entraînés avec la chaîne à glissière et le collier à pincement.
Conclusion
Les colliers électriques sont basés sur l’utilisation de stimuli douloureux pour arrêter les comportements indésirables (correction positive) et/ou pour apprendre aux chiens d’adopter le comportement souhaité en leur faisant éviter les stimuli douloureux (renforcement négatif). Le collier électrique est un outil aversif, et l’entraînement aversif est associé à des paramètres physiologiques et comportementaux de bien-être animal réduit. Dresser des chiens sans moyens aversifs, par le renforcement positif, est meilleur pour le bien-être de l’animal, donne des résultats tout aussi bons et peut-être même meilleurs et conduit à une meilleure relation homme-chien. Pour les chiens de travail en particulier, cela nécessite des changements dans la sélection d’élevage, un changement dans l’approche et la structure de la formation et une focalisation sur une socialisation efficace et le lien mère-enfant. De nombreux indices dans la littérature justifient l’interdiction des colliers électriques. Il est essentiel que les vétérinaires soutiennent l’interdiction du collier électrique, car ils sont en mesure d’informer les propriétaires de chiens des effets néfastes de ces colliers sur le bien-être du chien et de les informer sur les alternatives disponibles sous la forme de méthodes de dressage positives. »
De plus, les chercheurs montrent dans le « Journal du comportement vétérinaire » (Journal of Veterinary Behavior)[4] que les colliers ne sont pas très efficaces si le propriétaire du chien n’est pas correctement formé ou s’il ne l’utilise pas conformément aux instructions. Davantage de propriétaires utilisent des méthodes basées sur la récompense pour le rappel et la poursuite que ceux qui utilisent des colliers électriques.
Et nous citons un article de BioMed Central[5] : « L’utilisation de colliers électriques pour le dressage domestique : prévalence estimée, raisons et facteurs de risque pour l’utilisation, et succès perçu par le propriétaire par rapport à d’autres méthodes de dressage » :
« Dans toutes les études d’observation et d’intervention portant sur l’utilisation de colliers électriques, des dresseurs expérimentés ont utilisé des colliers électriques.
Les résultats des études suggèrent que même lorsque des dresseurs expérimentés utilisent ces colliers, le bien-être des chiens pourrait être compromis. Cependant, la plupart des chiens n’appartiennent pas à des dresseurs professionnels…..En effet, il est probable que la menace pour le bien-être des chiens serait encore plus grande entre les mains de propriétaires de chiens non qualifiés, qui pourraient ne pas avoir le temps et la constance nécessaires à la réussite de ce type de dressage. Dans de tels cas, en raison de la nature aversive de ces dispositifs et de la probabilité d’inefficacité du dressage, leur utilisation peut être abusive ».
Les arguments avancés par les chasseurs sont très trompeurs et peuvent induire en erreur ceux qui n’ont pas approfondi le sujet des colliers électriques chez les chiens. Pire encore, ils sont tout simplement faux.
Dans plusieurs pays, dont les Pays-Bas (en 2022), la Belgique (à partir de 2027 en Flandre et jusqu’en avril 2024 en Wallonie), le Royaume Uni, l’Allemagne, le Danemark, la Norvège, la Suède, la Suisse, l’Autriche, le Luxembourg, la République tchèque, la Roumanie, la Slovénie et le Chypre plus certains régions de l’Australie, entre autres, l’utilisation de colliers à décharge électrique est interdite ou restreinte.
Sur ce point également, nous pensons que les institutions européennes ne seront pas réceptives aux arguments des chasseurs.
Mais cela ne veut pas dire qu’on peut se reposer sur ses lauriers et ne rien faire. Il faut interpeller l’opinion publique et les décideurs politiques face à cette situation afin qu’ils ne tombent pas dans le piège des chasseurs. Car ces derniers comprennent très bien que leurs arguments hostiles aux animaux ne les mèneront pas très loin. Ils se focalisent ainsi sur l’obtention « de dérogations pour les chiens de chasse dans le règlement européen, à l’instar de celles prévues pour les chiens militaires, policiers ou douaniers » avec l’argument qu’ils leur ont été accordés des « missions de service public au bénéfice de l’ensemble de la population », comme ils le disent dans cet article[6]. Tout le monde sait que les chasseurs ne se préoccupent pas de ces missions, mais plutôt de la pratique de leur passe-temps sanglant. « On n’a rien à foutre de la régulation » : ce sont les fameux mots de M. Schraen lui-même, président de la FNC. Ne les oublions pas, car c’est cela leur vérité ….
Deuxièmement, et corrigez-nous si nous nous trompons, pouvons-nous affirmer que le « service public » leur a été officiellement attribué conformément aux règles européennes en matière de marchés publics ? Nous nous sommes renseignés à ce sujet auprès de diverses institutions telle que la Commission européenne, mais personne ne peut nous donner une réponse claire. Cette question devrait donc, selon nous, être examinée de près par les juristes spécialisés des marchés publics en Europe.
Les propositions de la Commission européenne seront discutées l’année prochaine[7]. Voici le calendrier :
- Le premier échange de vues au sein de la commission AGRICULTURE ET DEVELOPPEMENT RURAL est prévue pour le 10/01/2025
- L’examen du projet de rapport est prévu le 29-30/01/2025
- Le délai pour les amendements est le 03/02/2025
- Le vote en Commission est prévue le 08/04/2025
- Le vote en plénière dans le Parlement européen, est prévue en mai / juin 2025
Nous invitons chacun de vous à porter ces arguments à l’attention du ministre de l’agriculture ici en France, et surtout aux députés européens concernés par le bien-être animal, en particulier les membres de « l’Intergroupe pour la protection et la conservation des animaux » du Parlement européen. Vous trouverez les membres de ce groupe sous ce lien: https://www.animalwelfareintergroup.eu/members
C’est l’association EUROGROUP FOR ANIMALS (a.erler@eurogroupforanimals.org) qui gère le secrétariat de l’Intergroupe. Vous pouvez les contacter pour plus de renseignements.
Et surtout et aussi veuillez envoyer votre avis à la Présidente et aux Membres de la Commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen qui vont avoir un premier échange le 10 janvier 2025.
Voici les coordonnées de la Présidente : Mme Veronika VRECIONOVÁ : veronika.vrecionova@europarl.europa.eu
Vous trouverez les membres de la Commission de l’agriculture et du développement rural à contacter. La Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, du Parlement européen est également invité à donner son avis sur la proposition. Vous trouverez les membres à contacter ici
Nous espérons sincèrement que les arguments des chasseurs ne seront pas pris en compte, ce serait un recul pour la protection des chiens.
Marit de Haan, Association NALA 85480
[1] https://france.representation.ec.europa.eu/informations/la-commission-propose-de-nouvelles-regles-pour-ameliorer-le-bien-etre-des-animaux-2023-12-07_fr
[2]https://www.veterinaire.fr/la-profession-veterinaire/nos-grands-dossiers/la-protection-animale/le-tatouage-la-pince-des-chiots
[3]https://www.uu.nl/en/news/the-negative-effects-of-the-electronic-collar-on-the-welfare-of-dogs-and-positive-training-methods
[4]https://sylvia-masson.com/wp-content/uploads/2018/05/2018-JVB-Masson-Questionnaire-survey-on-the-use-of-different-e-collar-types-in-France.pdf
[5]https://link.springer.com/content/pdf/10.1186/1746-6148-8-93.pdf
[6]https://www.lechasseurfrancais.com/chien/quel-avenir-pour-les-chasseurs-et-leurs-chiens-101444.html
[7]https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/fr/procedure-file?reference=2023/0447(COD)
Association NALA 85480 (Nos Amis Les Animaux)
Association de protection animale loi 1901 reconnue d'intérêt général créée le 9 Septembre 2010 à Bournezeau, Vendée.