ActualitésAnimaux domestiquesL’Etat condamné pour carence fautive des services vétérinaires concernant le GAEC de Roover

L214 Ethique & Animaux24 janvier 20256 min

Suite aux enquêtes de L214 concernant le GAEC de Roover dans l’Allier en 2020 et 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l’État pour sa défaillance dans le contrôle de cet élevage de près de 8 000 cochons. Cette décision, rendue le 23 janvier 2025, souligne l’incapacité des services vétérinaires à détecter et corriger des infractions graves à la réglementation mises en lumière par L214 dans cet élevage intensif fournissant la marque Herta.

→ Lien vers la décision

Le tribunal administratif s’est appuyé sur les faits documentés par L214 et par le dossier pénal pour motiver sa décision, malgré l’arrêt de relaxe partielle de l’élevage de la Cour d’Appel de Riom.

Depuis décembre 2020, L214 a exposé par deux fois les conditions d’élevage des cochons dans ce GAEC sous contrat avec Herta. Ces enquêtes ont mis en lumière des infractions graves aux normes en vigueur, que le tribunal administratif souligne pour étayer sa condamnation :

• La caudectomie systématique : « la totalité des porcs ont la queue sectionnée au cours de leur première semaine de vie. Cette caudectomie est effectuée en raison du risque de caudophagie lié aux conditions de vie des animaux et notamment en l’absence de matériaux manipulables autres que des chaînes suspendues au milieu des cases. Si ces faits ont donné lieu à relaxe du délit de mauvais traitement envers un animal, par arrêt de la cour d’appel de Riom du 26 avril 2023, il résulte de l’instruction que la pratique de la section partielle de la queue est systématique et est réalisée sans anesthésie. Elle inflige ainsi une vive douleur à l’animal alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que des mesures alternatives aient été étudiées ou prises par le GAEC afin de prévenir les actes de caudophagie qui auraient pu survenir en l’absence d’opération. »

• Le claquage des porcelets : « Cette pratique était utilisée de manière systématique et automatique par l’opérateur dès lors qu’un porcelet était estimé « non viable » sans, pour autant, qu’aucune mesure destinée à atténuer la douleur ou la souffrance de l’animal ne soit envisagée. »

• Défaut d’abreuvement et conditions d’hébergement inadaptées, privant les animaux de leurs besoins physiologiques élémentaires, l’absence d’eau à disposition en permanence et des ouvertures de caillebotis non conformes amenant des porcelets à se coincer les pattes dans ces ouvertures et à agoniser.

• Manque de soins pour les animaux blessés ou malades : le tribunal administratif note que « le défaut de soin apporté aux animaux et l’absence d’isolement des animaux blessés au sein d’un local approprié sont caractérisés ».

L’État a tenté de se dédouaner en indiquant l’objectif – aussi dérisoire que scandaleux – de contrôler 1 % des élevages chaque année. Le tribunal ne s’est pas laissé berner.

Il rappelle d’abord l’obligation des services de l’État de soumettre les exploitations agricoles « à des contrôles officiels réguliers » et ce, « à une fréquence appropriée ».

Il note ensuite : « La préfète de l’Allier, en réponse, conteste avoir déjà contrôlé l’exploitation en cause et indique respecter une “fréquence d’inspection” des exploitations conforme à l’objectif annuel fixé par la direction générale de l’alimentation, à savoir 1 % des élevages des animaux de rente par an sans autre précision. Compte-tenu du nombre d’animaux accueillis au sein du GAEC et de la nature de l’exploitation en cause, susceptible de générer des risques d’atteinte au bien-être animal, l’association requérante démontre ainsi que les services vétérinaires de l’Etat, qui n’indiquent ni n’établissent avoir réalisé des contrôles antérieurement à l’alerte donnée par l’association alors que celle-ci est en activité depuis 1986, a commis une faute dans l’exercice de leur mission de contrôle des exploitations. […] Dans ces conditions, et alors qu’il résulte de l’instruction que les manquements identifiés relèvent de pratiques habituelles et anciennes en cours au sein de l’entreprise, l’association est fondée à soutenir que ces manquements ont pu perdurer en raison de la carence fautive des services de contrôles vétérinaires dans l’exercice de leur mission de contrôle. »

Dans sa décision, le tribunal a reconnu la responsabilité de l’État pour sa carence fautive dans le contrôle de l’élevage. Pour lui, la taille et les conditions d’exploitation des élevages intensifs font qu’ils devraient être considérés comme des exploitations à risque.

L’État est condamné à indemniser L214 pour son préjudice moral à hauteur de 4000 euros.
Si cette condamnation est un pas important, elle révèle surtout un problème systémique : l’État est dans l’incapacité de remplir correctement ses missions de contrôle.
A noter, l’État a deux mois pour faire appel de cette décision.

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Les élevages intensifs sont par essence des lieux de grande souffrance pour les animaux, privés de leurs besoins les plus fondamentaux. Cette souffrance est exacerbée lorsque l’État, censé faire respecter la réglementation, est défaillant. Condamner l’État est un premier pas.

Des scientifiques alertent depuis des années sur l’incapacité des élevages intensifs à répondre aux impératifs biologiques des animaux : ils sont de fait hors la loi.

Mais ils mettent aussi en garde contre les lourdes conséquences de l’élevage sur l’environnement. Les catastrophes climatiques, de plus en plus fréquentes, rappellent l’urgence d’agir à tous les niveaux. Avec L214, nous appelons à réduire de moitié le nombre d’animaux tués pour l’alimentation française d’ici 2030. Les politiques publiques doivent s’atteler à cet objectif au plus vite.»


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