ConsommationActualitésEnquête dans un faux élevage plein air : une ex-salariée témoigne

L214 Ethique & Animaux17 juillet 20247 min

Ce mercredi 17 juillet, L214 publie une nouvelle enquête menée dans un élevage de plus de 5 000 canards de chair à croissance rapide situé à Châtillon-sur-Colmont en Mayenne (Pays de la Loire).
À l’origine du signalement, une ex-salariée, Anaïs, qui y a travaillé 8 mois, et dont le contrat s’est terminé en juin 2024.

L’élevage de la Gibaudière appartient à Philippe Jehan, membre du bureau de la Chambre d’agriculture de Mayenne et ancien président de la FDSEA 53.
La viande de ces canards est commercialisée par le groupe LDC, qui détient notamment les marques Le Gaulois et Loué. Ils sont censés être élevés en free range (élevage en plein air).

Mais la réalité sur place est tout autre : ces canards n’ont pas accès à l’extérieur, ils vivent sur une litière jamais changée saturée d’urine et de fientes ; certains peinent à respirer et d’autres sont à l’agonie. En 50 jours, 155 canards sont morts dans l’un des deux bâtiments de l’élevage. Les cadavres sont brûlés ou jetés dans le champ du voisin, en toute illégalité.

L214 porte plainte et demande à LDC de rompre ses liens commerciaux avec l’élevage.

Anaïs a 27 ans, elle a été salariée de l’élevage du 26 octobre 2023 au 7 juin 2024. Lorsqu’elle a été embauchée après avoir répondu à une annonce Pôle emploi, elle ne pensait pas être confrontée à autant de maltraitance animale et de négligence dans la tenue de l’élevage :

« Je ne m’attendais pas du tout à ça. Je m’attendais à avoir du bien-être animal mais ce n’était pas du tout respecté. Le travail était dur, parce que l’agricole, c’est un milieu dur, mais quand on aime les animaux, ce n’est pas un problème, on le fait. Ce qui m’a vraiment poussée à partir, c’est de voir autant d’animaux mourir. »

Ne souhaitant pas passer sous silence les infractions et les souffrances des animaux dont elle a été témoin, Anaïs a porté plainte auprès de la gendarmerie de la commune de Mayenne. Une enquête serait en cours.

Le groupe LDC, numéro 1 de la volaille en France (Le Gaulois, Loué), abat, transforme et commercialise les canards de cet élevage depuis son abattoir SNV à Château-Gontier-sur-Mayenne.
Selon la lanceuse d’alerte, le groupe agroalimentaire avait signalé en mars dernier l’état critique des animaux provenant de cet établissement, sans pour autant rompre ni suspendre ses liens commerciaux avec l’élevage.

Suite à ce signalement, le groupe Michel, dont dépend l’élevage, a procédé à un contrôle, entraînant la fermeture de 2 des 4 bâtiments de l’élevage. Les images de cette enquête proviennent des 2 bâtiments restants.

L214 porte plainte contre l’élevage auprès de la procureure de la République du tribunal judiciaire de Laval pour mauvais traitements et abandon d’animaux, et contre le groupe Michel (SELCO), l’abattoir SNV et le groupe LDC pour tromperie du consommateur.

L’association demande au groupe LDC de rompre immédiatement ses liens commerciaux avec cet élevage.

→ Lire la pétition

Les canards de cet élevage sont élevés en free range, une méthode d’élevage qui permet aux animaux d’accéder à l’extérieur.

Pourtant, les animaux n’ont pas accès au parcours extérieur : faute de clôtures en bon état, ils pourraient s’échapper de la parcelle. L’ex-salariée lanceuse d’alerte rapporte : « Les canards sont censés être élevés en plein air. Les trappes qu’il y a sur le côté [des bâtiments], je ne les ai jamais vues ouvertes. On se moque un peu de tout le monde parce qu’ils ne sortaient jamais.
Les terrains ne sont pas aux normes. Ils ne sont pas accessibles parce que les grillages sont couchés par terre. Il n’y a plus de terrain pour les canards, c’est pour ça qu’ils ne sortent pas. Bien sûr on dit à tout le monde qu’ils sortent, quand le technicien vient on dit “oui ils sont sortis”.

Dans un premier temps il y avait une restriction grippe aviaire donc ils n’avaient pas le droit de sortir, mais même quand la restriction a été levée, les canards ne sortaient pas.

À mes débuts, j’ai demandé pourquoi ils ne sortaient pas. On m’a expliqué que c’était trop compliqué pour les faire rentrer, qu’on n’avait pas le temps, que les terrains n’avaient pas été réparés. Il faudrait faire des travaux et le patron n’a pas trop envie. »

Pour des raisons sanitaires évidentes, les éleveurs doivent remettre aux services d’équarrissage les cadavres des animaux morts ou tués en élevage : c’est une obligation légale (article L. 226-3 du Code rural). Dans cet élevage, il est demandé aux salariés de jeter les cadavres dans le champ du voisin ou de les brûler.

Le 6 mai 2024, l’un des deux bâtiments recevait 2 795 canetons. Le 27 juin, 2 640 d’entre eux partaient à l’abattoir. La différence représente le nombre de canards morts dans l’élevage : 155 au cours des 50 jours d’élevage. Un chiffre 2,5 fois plus élevé que la mortalité moyenne pour ce type d’élevage (page 24). Selon la charte technique (page 34), une mortalité inexpliquée supérieure à 2 % doit déclencher une visite ou un examen clinique du vétérinaire.

Enfermés dans un bâtiment délabré, sur un sol paillé souillé qui reste le même pendant 50 jours, un grand nombre de canards de cet élevage sont déplumés, halètent, agonisent, et meurent. Ils manquent parfois d’eau et de nourriture, et sont ramassés sans ménagement et entassés dans des caisses métalliques pour être envoyés à l’abattoir.

La France est parmi les 3 pays les plus consommateurs de canards au monde avec la Chine et le Vietnam. La consommation française est repartie à la hausse en 2023 (+13 % par rapport à 2022) selon les derniers chiffres de l’Agreste[1].


[1] agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/SynCsm24424/consyn424202406-ConsoViande_V2.pdf


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