Restés longtemps figés dans une relation homme-machine théorisée par Descartes (qui considérait que l’animal ne possède ni âme ni raison et qu’il réagit « automatiquement » à des stimuli (tel un système mécanique), les rapports de l’homme à l’animal n’ont cessé d’évoluer ces dernières années avec la reconnaissance de droits croissants pour les animaux.
Quelques dates à retenir
La première loi de protection pénale concernant les animaux remonte à 1850 avec la loi Grammont, qui pénalise les auteurs de mauvais traitements publics envers les animaux domestiques ; en 1959, le décret Michelet abroge la loi Grammont et élargit les sanctions pour maltraitance au domaine privé ; et en 1963, la cruauté envers les animaux devient un délit.
Il faudra attendre 1976 pour que les animaux soient considérés comme des êtres sensibles dans le Code rural. L’article L214-1[1] établit que “tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » Cet article reconnait non seulement la sensibilité de l’animal – qui a un propriétaire – mais prévoit en plus les conséquences que cette affirmation implique quant à la façon dont les animaux sont traités.
En 1999, le code civil est modifié une première fois : les animaux sont toujours considérés comme des biens mais ils ne sont plus assimilés à des choses[2]. En 2015, la notion d’être vivant doué de sensibilité intègre le code civil[3]. L’animal reste un “objet de droit”, un objet que l’on peut posséder ou utiliser, mais sa sensibilité le place au-dessus des objets non vivants.
Des progrès à faire
Malgré ces avancées, la situation juridique des animaux en France a encore d’importants progrès à faire. L’évolution est dans l’ensemble bien plus lente que dans d’autres pays européens, comme par exemple la Suisse, la Belgique, les Pays Bas ou l’Allemagne[4].
Le statut légal des animaux reste pleinement anthropocentré. C’est la personne humaine qui en est le référant, car le Code civil considère l’animal sous l’angle de sa relation d’appartenance à une personne humaine, ne lui accordant pas de valeur intrinsèque mais plutôt une valeur marchande au bénéfice de son propriétaire (ce qui en exclut les animaux sauvages). Ainsi, nos textes accordent une protection à un degré plus ou moins élevé en fonction de l’utilité que l’être humain tire de l’animal en question, plutôt que de les établir sur des principes scientifiques, impartiaux et désintéressés.
Pour autant, les connaissances scientifiques modernes et l’intérêt du public français pour la cause animale sont croissants. Les problématiques sont denses, elles sont aussi complexes à articuler car la discipline se retrouve au carrefour de nombreux enjeux : civil, pénal, rural, environnemental…
Un moyen d’action : la formation
Heureusement, le droit animal s’invite désormais aussi sur les bancs des universités qui proposent des formations permettant d’acquérir les connaissances dans le domaine du droit applicable à l’animal. Si un module « droit de l’animal » existait déjà sur Strasbourg[5], c’est l’université de Limoges qui a eu l’audace de proposer le premier diplôme universitaire de droit animalier[6] en septembre 2016 ; suivi ensuite par les universités de Toulon qui propose une version « 100% on line »[7], de l’université de Lille[8] ou encore de Bretagne[9]…
Riche de leur formation, les étudiants sont amenés à rédiger des rapports, mémoires de recherches ou encore des propositions de réforme de loi qui sont une base précieuse pour la connaissance et l’avancée du droit animal. Pour preuve, Romy Sutra, diplômée de Limoges en 2019 et couronnée du prix Michelet [10] pour sa proposition de réforme visant l’interdiction des manèges à poney, a vu son amendement être porté par Corinne Vignon à l’assemblée nationale jusqu’à en obtenir victoire par une interdiction en 2021[11]
Poursuivez votre engagement
L’association A.P.R.A.D (Association de Protection Animale par le Droit) est une association, fondée par les diplômé(e)s de droit animalier de l’université de Limoges mais ouverte à tout diplômé et pratiquant de droit animalier. Outre le fait de maintenir le lien et la cohésion entre les anciens élèves, elle a pour vocation de faire évoluer le droit au profit de tous les animaux par différents moyens d’action[12] :
- Faire des propositions de développement de la législation et de la réglementation actuellement en vigueur en France en matière de droit animalier
- Répertorier, promouvoir et rendre accessible aux professionnels désireux d’œuvrer pour la défense des animaux la jurisprudence rendue par les juridictions françaises de différents degrés en matière de droit animalier
- Promouvoir le droit animalier d’une manière générale et le faire vivre, notamment au travers d’un annuaire des professionnels du droit animalier
Dernièrement, un amendement proposé par l’APRAD par l’intermédiaire de CAP (Convergence Animaux Politique) fait l’objet d’un appel à projet pour soutenir l’action des communes et des établissements publics de coopération intercommunale volontaires dans la gestion des chats errants[13]. (Candidature ouverte jusqu’au 10 octobre 2024)
L’APRAD offre la possibilité à ses membres de valoriser leur diplôme, mettre à profit leurs connaissances, partager leur travail, ou encore échanger sur les dernières actualités avec un réseau de passionné(e)s.
Pauline ALLIER, membre de l’APRAD : aprad-asso.org
Diplômée de droit animalier de Limoges et d’éthologie de l’université de Rennes
[1] legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006152208
[2] legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000558336
[3] legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000030248589
[4] api.worldanimalprotection.org/methodology
[5] unistra.fr/etudes/decouvrir-nos-formations/par-type-de-diplomes/master/master/cursus
[6] fdse.unilim.fr/les-formations/les-diplomes-duniversite/du-droit-animalier
[7] dfpa.univ-tln.fr/du-droit-des-animaux
[8] fld-lille.fr/formation/du-droit-animalier
[9] univ-brest.fr/formation-continue-alternance/fr/page/droit-et-administration-des-organisations-diplome-duniversite-droit-animalier
[10] Prix Jules Michelet, dans le cadre du Diplôme universitaire (DU) en droit animalier de l’Université de Limoges, parrainé par la Fondation 30 Millions d’Amis.
[11] legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFSCTA000044387562
[12] aprad-asso.org/apropos#apropos02
[13] agriculture.gouv.fr/appel-projets-2024-soutien-aux-projets-de-gestion-des-chats-errants
Pauline Allier
Gérante de ferme partenaire pour l'OABA