Ce sont essentiellement des manquements des propriétaires de chiens qui sont déplorés par les habitants des villes, car ce sont eux qui ne ramassent pas les déjections de leur animal ou l’ont mal éduqué, et non la présence des animaux en elle-même. Les propriétaires de chiens souhaiteraient quant à eux davantage de parcs canins et de bienveillance de la part des habitants vis-à-vis de leur animal. Intégrer les chiens de compagnie dans la ville en conciliant les demandes de chacun est ainsi un enjeu majeur d’avenir pour les collectivités, à la fois pour le bien-être des personnes et des animaux.
D’après les derniers chiffres de 2022, la France compterait 7,6 millions de chiens de compagnie[1]. Un foyer sur deux possédant un animal de compagnie vit dans une ville de plus de 20 000 habitants.
Certains propriétaires d’animaux déplorent le manque de structures dédiées à leurs chiens, certains citoyens se plaignent de la présence d’animaux dans la ville : comment concilier ces opinions et besoins qui semblent opposés ?
Une enquête a été proposée à la commune de Bron, pour recueillir l’avis des propriétaires d’animaux et des non propriétaires, et trouver des solutions adaptées dans la ville pour un meilleur vivre ensemble.
Intégrer les chiens de compagnie dans la ville est en effet un enjeu majeur d’avenir pour les collectivités[2], [3] à la fois pour le bien-être des personnes et des animaux, tout en ménageant la sécurité et la tranquillité de tous.
Cet article ne présente qu’une partie des principaux résultats obtenus, et ne concernant que les chiens.
L’enquête
Une pré-enquête a été menée en 2022 auprès des habitants d’un quartier de la ville, avec des questions ouvertes : êtes-vous dérangés par les animaux, chiens et/ou chats ? Que voudriez-vous que la ville mette en place pour vos animaux ? etc. C’est à partir des propositions des répondants que le questionnaire d’enquête a été construit, avec des questions fermées (propositions à cocher), afin d’établir des statistiques. Il a été posté sur la plateforme de la ville[4] durant 4 semaines, en 2023.
Il est agréablement surprenant de constater que 61 % de non propriétaires d’animaux ont répondu : cela montre que ce sujet touche tout le monde et que l’avis de tous a été recueilli.
Un problème social
Deux tiers des non propriétaires d’animaux de compagnie ne sont pas dérangés par les chiens ni/ou les chats. De plus, la grande majorité des personnes disant être dérangées le sont par les chiens, seules 6 % d’entre elles l’étant par les chats seuls.
Concernant les nuisances liées aux chiens, quatre propositions ont été essentiellement retenues. Le problème des déjections canines a été soulevé par 85 % des répondants, et est suivi, à 70 %, par le fait que les propriétaires ne s’occupent pas de leur animal ou ne l’éduquent pas correctement. Suivent à 41 % la peur des chiens sans laisse, puis les aboiements.
Cependant, des témoignages, recueillis en fin de questionnaire, indiquent que les déjections dérangent « parce que les gens ne les ramassent pas », que les chiens aboient « parce qu’ils ne sont pas éduqués par leur propriétaire » ou « parce qu’ils sont seuls en journée, et c’est la faute du propriétaire qui n’est pas là pour s’en occuper », que les chiens font peur quand ils sont détachés « parce qu’ils ne reviennent pas quand on les appelle car ils sont mal éduqués par leur propriétaire ». Des personnes sont même gênées par « les propriétaires d’animaux qui parlent plus fort que leur chien aboie quand ils les lâchent dans le parc ».
Ainsi, ce sont essentiellement des manquements des propriétaires de chiens qui sont déplorés et non la présence des animaux en elle-même : il s’agit davantage d’un problème social.
Des incivilités comme les autres
De leur côté, les propriétaires de chiens déclarent ramasser les déjections de leur chien, à 97 %, et 2 % ne le font « pas toujours ». Ainsi, seulement 1 % d’entre eux assument ne pas ramasser les déjections. Cela peut être un biais d’enquête, les personnes ne ramassant pas n’ayant peut-être pas répondu. Cependant, cela n’est pas étonnant, car, si personne ne les ramassait, la ville croulerait sous les déjections canines, étant donné le nombre de chiens. De plus, les propriétaires sont également agacés par ceux qui ne les ramassent pas. Un monsieur témoigne : « Quand je passe à côté de déjections avec ma chienne, je suis gêné qu’on puisse me croire en cause. Il m’est arrivé de ramasser les crottes d’autres chiens avec le sac que j’avais prévu pour celles du mien, et aussi de ramasser des papiers, des canettes ou autres déchets quand il y a des poubelles pas loin. » Ainsi, il se sent accusé à tort, et pour lui, les déjections de son chien comme des déchets comme les autres, puisqu’il ramasse aussi les détritus que les gens laissent. Il considère qu’il s’agit d’une incivilité parmi tant d’autres.
Autre sujet plébiscité, bien que différent : l’intérêt des aires d’ébats pour chiens. En effet, deux tiers des personnes interrogées utilisent l’une des deux aires de la ville, et pour la moitié d’entre elles plusieurs fois par semaine. Elles semblent indispensables, et plusieurs personnes se plaignent qu’elles ne sont pas assez nombreuses. Les répondants qui ne les utilisent pas relèvent surtout le fait que les aires sont trop petites, trop loin du domicile ou encore certains prétendent qu’une aire serait mal fréquentée.
Concilier les demandes de chacun
La seconde partie du questionnaire interrogeait les habitants sur les actions qu’ils demandent à la ville pour un meilleur « vivre ensemble ».
Ainsi, 89 % des non propriétaires d’animaux de compagnie réclament la verbalisation des propriétaires qui ne ramassent pas les déjections, et 77,5 % d’entre eux souhaitent que la police municipale s’assure que les gens ont sur eux des sacs à déjections. Cela semble difficile pour la municipalité, car les personnes peuvent prétendre ne plus avoir de sac car elles viennent de s’en servir, et cela ajoute du travail à la police municipale qui doit également gérer d’autres problèmes.
De plus, 62 % des personnes ne possédant pas d’animaux demandent la création de parcs pour chiens, fait surprenant, car ils ne sont pas concernés. Il est probable que ces personnes le souhaitent davantage pour leur tranquillité que pour le bien-être des chiens. En effet, la présence d’un parc pour chiens peut encourager les propriétaires à ne pas les lâcher ailleurs. En revanche, 59 % d’entre eux exigent qu’ils soient attachés en laisse partout, mais la réglementation l’impose déjà, donc il semblerait que la demande des personnes est plutôt la verbalisation des gens qui n’attachent pas leur chien. Enfin, plus de la moitié des répondants demande la présence d’un conciliateur à la mairie, permettant de résoudre certains problèmes liés à la présence des animaux.
Verbalisation versus aires d’ébats et bienveillance
Concernant les propriétaires d’animaux de compagnie, 75 % d’entre eux demandent des parcs d’ébats pour leurs animaux, plus grands et plus nombreux, notamment dans les quartiers où ils manquent, et 75 % demandent également des lieux de balade pour chiens. De plus, 57 % voudraient un conciliateur concernant les questions sur les animaux. La moitié souhaiterait des cours d’éducation canine gratuits, ou a minima davantage d’éducateurs canins, ainsi que des services de garde ou de pension canine. Plusieurs personnes voudraient également des sacs à déjection gratuits et plus de poubelles. Enfin, près de 60 % souhaiteraient de la bienveillance de la part des habitants. Notamment, une dame trouve que « la bienveillance manque, surtout vis-à-vis des chiens de gros gabarit. Plusieurs personnes qui n’ont pas d’animaux ont pourtant un avis tranché sur le port de la muselière, de la laisse, etc. Les animaux ne sont pas des objets qu’on met dans un coin et doivent obéir à toutes nos demandes, ils ont des besoins de moment de liberté qui doivent être respectés par tous et toutes, et si possible, accompagnés par la mairie. » Une autre personne dit : « L’intolérance qui prédomine à leur encontre doit être atténuée par l’éducation dès le plus jeune âge et la formation pour les adultes. » D’ailleurs, plusieurs sujets de conférences ont attiré l’intérêt à la fois des propriétaires et des non propriétaires de chiens : la réglementation sur les animaux en ville (70 %), comment suspecter une maltraitance animale (55 %), puis, à un peu moins de 50 % sont demandées des informations sur le bien-être des animaux et la sensibilisation des enfants à la prévention de la morsure.
Remarque : La présentation des résultats complets de l’enquête a donné lieu à une conférence, suivie de nombreux échanges avec la salle, avec les thématiques : déjections canines, espaces dédiés aux chiens, chats en ville, place des professionnels des animaux dans la ville et maltraitance animale, et la présentation du numéro unique qui est mis en place par le CNPA pour le signalement des maltraitances animales : 3677.
Note : Cette enquête a été proposée de façon bénévole et apolitique, car les résultats m’intéressaient sur un plan personnel, professionnel, et pour faire suite à mon mémoire de diplôme de droit animalier.
[1] Facco-Kantar. 2023. facco.fr/chiffres-cles/les-chiffres-de-la-population-animale/
[2] Siciliano-Richard L. Bien-être du chien de compagnie en ville : comment le prendre en compte ? Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’Etablissement : Protection Animale, de la Science au Droit (DEPASD). VetAgro-Sup-ENSV. 2018.
[3] Richard L. Prendre en compte le bien-être des chiens en ville, Dans : Bedossa T, Jeannin S. Comportement et bien-être du chien : une approche interdisciplinaire. Educagri. 2020:555p.
[4] Plateforme « Je participe ».
Lorenza Siciliano-Richard
Docteur vétérinaire