Numéro 17Animaux domestiquesLa chasse est-elle mauvaise pour la santé ?

Evelyne Moulin et Roland Cash15 octobre 20245 min

Eh oui ! La chasse est mauvaise pour la santé des chasseurs, des proches des chasseurs, et même de toute la population française !

Comment et pourquoi ?

A tout seigneur tout honneur : les cartouches ! Elles polluent les sols des prairies et des forêts par le plomb et le plastique qu’elles contiennent, au point que la réglementation européenne interdit la chasse à proximité des zones humides (étangs, lacs, etc.) et veut imposer le remplacement du plomb par… du plastique. Il y a grosso modo, par an, 180 tonnes de plomb qui pénètrent dans les sols de France et environ la même quantité dans le gibier abattu. Excusez du peu ! Quelles sont les conséquences de cette pollution de métal et plastique depuis des centaines d’années de chasse à tir ? Elle n’est vraiment pas bénéfique pour la croissance des plantes et les champignons ; d’ailleurs la consommation de ces derniers est à déconseiller s’ils sont cueillis dans une forêt visitée par les chasseurs régulièrement.

Le saturnisme est la maladie provoquée par l’intoxication au plomb. Les effets peuvent toucher de nombreux organes, et s’avérer fatals. Les premières victimes sont les animaux, les rapaces notamment, une étude européenne publiée en 2022 ayant montré que 7% des oiseaux retrouvés sont morts de saturnisme. Mais les humains peuvent aussi subir des troubles s’ils consomment de la viande criblée de plomb.

En outre, d’une manière très directe pour tous les Français, cela entraîne la pollution de l’eau des nappes phréatiques. Depuis quelques années, ce problème de la pollution de l’eau que l’on boit en toute confiance, revient sur la sellette régulièrement, puisqu’entre les pesticides (dispersés par l’agriculture intensive), les plastiques et autres produits chimiques, l’eau dite buvable le devient de moins en moins. En clair, les agriculteurs et les chasseurs, qui sont souvent les mêmes dans nos campagnes, nous empoisonnent gentiment sous l’œil bienveillant des hommes politiques.

Ensuite, consommer le produit de la chasse n’est pas sans danger. Pauvres chasseurs qui se délectent de plomb, de plastiques, de césium radioactif suite à Tchernobyl (en Allemagne, il est déconseillé de consommer les sangliers tués en raison de cette radioactivité résiduelle), de contaminants chimiques comme le cadmium. Les chasseurs prennent ainsi le risque de subir des neuropathies, risque également pris par leurs proches. Bon appétit ! De plus, le chasseur est davantage exposé que la population générale à certaines maladies infectieuses comme la tularémie transmise par les lièvres et lapins, ou la trichinose portée par le sanglier, ou encore l’hépatite virale E, lorsque la viande du gibier infecté a été mal dépecée et mal cuite. Sans oublier la maladie de Lyme, transmise par piqure de tique. A ce sujet, les chasseurs arguent que la chasse (massacre) des renards est un service public puisqu’ils protégeraient ainsi la population du risque d’échinococcose, maladie grave, parfois mortelle chez l’homme. Mauvaise pioche car il a été montré que les renards survivants se disséminaient, et avec eux la maladie ! En réalité, les chasseurs invoquent plutôt la protection des poulaillers, le renard ayant la mauvaise habitude de tuer une poule de temps en temps… alors que le voleur de poules en France est le plus souvent un bipède rodant dans nos campagnes !

Le risque le plus pathétique est l’accident de chasse. Entre chasseurs d’abord : ceux-ci connaissent le risque, à eux d’appliquer la réglementation correctement. Envers un cycliste ou un promeneur ensuite, ce qui est révoltant. Et plus fréquemment, il y a des blessures handicapantes comme la perte d’un œil ou, simplement, le stress d’avoir été canardé, qui peut se transformer en syndrome post-traumatique.

Pour la saison de chasse 2023-2024, le bilan établi par l’OFB (Office français de la biodiversité) donne 97 accidents recensés dont 58 graves, dont 6 mortels (tous chasseurs). L’OFB se félicite de la diminution du nombre de décès, mais observe que le nombre d’accidents, lui, est en augmentation. Il se félicite aussi de la diminution des accidents concernant les non-chasseurs : 12 en 2023-2024 contre 23 un an avant, mais cela reste tout aussi lamentable. L’OFB pointe du doigt le non-respect de l’angle de sécurité des 30° du tir et le défaut d’apprentissage de la manipulation des fusils. Un comble ! En effet, le nombre d’auto-accidents augmente : 40% des accidents, dont 3 mortels.

En outre, il ne faut pas oublier les « incidents », c’est-à-dire les dommages matériels causés par les tirs sans blessure corporelle d’un humain. Là aussi, ils sont en augmentation : 103 contre 84 l’année précédente ; 56 concernaient des tirs vers les habitations, 18 des tirs vers des véhicules et 29 des tirs sur animaux domestiques. Le collectif « un jour, un chasseur » réalise une recension cartographique des accidents dans la presse régionale, fournissant de nombreux exemples de situations où on constate que le danger peut concerner n’importe qui.

Pour le bien-être de TOUS, il serait bienvenu, dans un premier temps, de restreindre le nombre de jours de chasse et diminuer drastiquement le nombre d’espèces chassables. Rappelons que la France est le pays qui autorise la durée de chasse la plus longue et le nombre d’espèces chassables le plus important (et de loin), comparée aux autres pays européens. Avec en outre dans ce nombre, des espèces sur liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et/ou aux effectifs en déclin, comme la perdrix bartavelle, le vanneau huppé, le tétras-lyre… Sachant que dans le même temps, leur habitat se réduit comme peau de chagrin. Double peine infligée par l’homme. N’oublions pas que de nombreuses espèces ont été exterminées à cause de la chasse comme le grand pingouin dans l’Atlantique Nord ou le bison d’Europe (réintroduit depuis quelques décennies avec succès dans l’Est de l’Europe).

La France se distingue également par un permis de chasse passé à la va-vite, ce qui est une aberration pour « un permis de tuer ». La loi Chasse de 2019 a introduit un renforcement des formations, avec notamment une formation décennale à la sécurité. Il va falloir attendre 2030 pour que tous les chasseurs l’aient suivie… c’est curieux d’être aussi peu pressé alors que chaque année, des vies humaines sont en jeu. Une autre innovation formidable est l’interdiction de chasser « en état d’ivresse manifeste » depuis septembre 2023 ! On n’y avait pas pensé avant ?!

Aussi, pour toutes ces raisons, il serait légitime de programmer l’interdiction pure et simple de la chasse de loisir, puisque les chasseurs empoisonnent la vie des Français dans tous les sens du mot : empoisonnement chimique des sols et de l’eau, même s’ils ne sont pas les seuls et que les agriculteurs leur donnent un sérieux coup de main ; empoisonnement de la vie des promeneurs en forêt en hiver en restreignant leur liberté de mouvement (la devise de la République Française n’est-elle pas Liberté, Egalité, Fraternité ?), incapacité ou refus de réguler la prolifération des sangliers (ou cochongliers) en les nourrissant et en freinant des quatre fers l’installation du loup, régulateur efficace et naturel du sanglier. Il en va de l’application du concept « Une seule santé », considérant comme indissociable santé humaine, santé animale et santé environnementale.


Evelyne Moulin
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Médecin
Auteure de La chasse est mauvaise pour la santé, Ed. Asclépiades, 2019

Roland Cash
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Médecin
Candidat aux législatives 2022 dans l’Indre pour le Parti animaliste

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