ActualitésAnimaux sauvagesChasse à courre : cris, citronnelle et barque, 5 personnes jugées devant la Cour d’appel de Versailles après leur relaxe en première instance

PACCT Rambouillet21 novembre 20247 min

Une ordonnance pénale, donc sans audience, avait condamné 5 opposants à la chasse à courre à 1000 € d’amende chacun, étant accusé d’avoir « fait obstacle au déroulement d’acte de chasse par l’exercice d’acte d’obstruction concerté ».

L’équipage et la fédération des chasseurs s’étaient constitués partie civile mais ont été déboutés puisqu’ils n’ont pu apporter la preuve d’un quelconque préjudice !

Après contestations de ces contraventions, une audience a eu lieu devant le tribunal de Versailles qui a prononcé la relaxe.

Les veneurs, adeptes des procédures-bâillons contre leurs opposants, ont fait appel et l’affaire a donc été rejugée devant la Cour d’appel de Versailles, ce 18 novembre 2024, le délibéré étant fixé au 3 février 2025.

Les plaintes des veneurs sur ce sujet sont incessantes !

Cette procédure, qui vient pour la 2ère fois devant un juge, apportera t-elle une contradiction à l’avis du Conseil d’Etat du 11 juillet 2012 qui a jugé que  l’infraction pénale (créée à la demande des chasseurs) était définie en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ?

La chasse à courre fait l’objet de signalements nombreux concernant ses débordements en propriétés privées interdites, sur les routes, sur les territoires sur lesquels les veneurs n’ont pas de droit de chasser, en zones urbanisées à proximité desquelles ils ont obligation légale d’arrêter la chasse et de retirer les chiens.

Les veneurs expliquent qu’il leur est impossible d’arrêter facilement une meute d’une quarantaine de chiens malgré la présence des piqueurs et valets de chiens, personnels s’occupant des chiens qui donc les connaissent bien, à grand renfort de fouet et de cris, avec de nombreux cavaliers et veneurs à pied.

Et donc, ils voudraient faire croire qu’une seule personne, inconnue des chiens, pourrait par quelques cris empêcher la meute de plusieurs dizaines de chiens en liberté et en pleine traque de poursuivre leur proie ! Une seule personne inconnue des chiens aurait donc plus de pouvoir sur la meute que toute l’armada de la chasse à courre.

Si c’était le cas, il serait alors très facile d’empêcher les chiens d’entrer en terrains privés interdits.

Ce produit d’usage courant bien connu des propriétaires de chiens et chevaux, des promeneurs et randonneurs est recommandé sur tous les sites de conseils aux randonneurs pour lutter contre les tiques.

Là encore, les veneurs voudraient faire croire qu’un pschitt de citronnelle pourrait freiner un chien ou une meute de chien en pleine traque de leur proie !

D’une part, ces produits sont pour la plupart testés sur les animaux (expérimentation animale) avant de les autoriser à la vente pour les humains, certains de ces produits sont vendus pour être utilisés sur les chevaux et les chiens contre les tiques. Si ces produits provoquaient des atteintes au flair des chiens ils auraient été interdits à la vente depuis longtemps, y compris pour les humains.

D’autre part, les chiens sont utilisés pour leur flair dans de nombreuses activités autres que la chasse, notamment : la recherche de personnes disparues, la recherche dans les décombres lors de catastrophes, la recherche de pathologies, les compétitions de pistage canin.

Dans ces activités, les chiens sont amenés à rencontrer de nombreuses odeurs, de nombreux produits sans que cela fasse obstacle au déroulement de leur mission.

L’exemple particulier du pistage canin dans des terrains agricoles ayant eu des traitements aux pesticides, autrement plus délétères que la citronnelle, n’a jamais empêché le déroulement des compétitions.

Un pschitt de citronnelle sur les vêtements de quelques individus est sans effet sur une meute de plusieurs dizaines de chiens courants librement parcourant un immense territoire de chasse sur plusieurs centaines de km. Sinon, toutes les chasses à courre seraient arrêtées dès le départ et jamais aucun cerf ne serait tué.

Est-ce un moyen de locomotion ou une arme de chasse ?

Ramer en barque est-ce un acte de chasse ou un moyen d’achever l’animal aux abois ?

La barque n’entre pas dans la règlementation de la chasse à courre !

Le code de l’environnement précise en son article L. 420-3 : « Achever un animal mortellement blessé ou aux abois ne constitue pas un acte de chasse ».

-Soit les veneurs ramaient pour achever le cerf aux abois, ce qui n’est pas un acte de chasse et dans ce cas, il n’y a aucune infraction d’obstruction au déroulement d’acte de chasse :

-Soit les veneurs ramaient pour poursuivre le cerf jusque dans l’étang par un acte de chasse, en infraction avec la règlementation spécifique de la chasse à courre qui énumère limitativement les moyens de chasse à courre, à cheval ou à pied ainsi que l’utilisation restreinte de véhicules automobiles, le site de la Vénerie donnant accès aux textes règlementaires [1] :

  • L’arrêté ministériel vénerie, article 1 : « La vénerie, relative à la chasse à courre, à cor et à cri, et la vénerie sous terre, relative à la chasse sous terre se pratiquent avec un équipage comprenant une meute de chiens servis par des veneurs se déplaçant soit à pied, soit à cheval. »
  • La Circulaire DNP/CFF N° 06-04 du 17/08/06 relative à l’exercice de la vènerie, le déroulement de la chasse se fait à cheval ou à pied, l’utilisation de véhicules automobiles est limitée et réglementée, les armes autorisées sont limitativement énumérées : armes à feu autorisées pour la chasse, le couteau de chasse, la lance, l’épieu ou la dague :
  • Le Règlement intérieur de l’Association des équipages, 2ème partie : Droit et devoir de la vènerie, résumant les textes applicables rappelant les règles relatives aux veneurs à cheval ou à pied et l’utilisation des véhicules automobiles.

Un autre point de droit concerne l’exercice d’acte d’obstruction concerté. C’est une évidence d’après le Conseil d’Etat qui considère que la définition est en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire. Si en matière de chasse, la question n’a pas encore été posée au juge, elle a fait l’objet de nombreuses jurisprudences dans de nombreux autres domaines et des débats sur ces questions en lien avec les projets réitérés des chasseurs de création d’infractions contre leurs opposants.

Il est intéressant de rappeler la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de 2009 qui rappelle des principes essentiels : la chasse à courre est une activité publique qui se pratique en plein air sur de vastes territoires, elle attire de nombreux participants et spectateurs.

Ce mode de chasse pose des questions sociales et éthiques, de protection de la morale, son interdiction a été considérée d’intérêt public.

En 2024, 79% des français sont favorables à l’interdiction de la chasse à courre (sondage IFOP 2024). [2]

Les pratiques de la chasse à courre sont un sujet sociétal qui nécessite un débat public. [3]

Cette chasse-loisir, d’aucune utilité pour la régulation de la faune sauvage, réservée à certains privilégiés se pratique au détriment du partage de la Nature, notamment en forêts publiques, avec des risques de sécurité publique et débordements en zones non autorisées.

Les veneurs prétendent défendre leur loisir mais refuse la présence d’opposant agissant pacifiquement, cherchant à cacher au grand public la réalité de leurs pratiques.

Ce sujet sociétal mérite mieux que des procédures-baillons.


[1] https://www.venerie.org/regles-et-pratiques-de-la-chasse-a-courre/

[2]https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2024/02/IFOP120567-Presentation-30MA-29.01.2024.pdf

[3] https://2024.one-voice.fr/fr/videos/chasse-a-courre-terreur-dans-nos-campagnes

Photo : ©One Voice


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