Le carcajou, appelé diable des bois par les Amérindiens, était considéré comme un mauvais génie insaisissable et féroce, dont le cri semait la terreur. Historiquement, avant l’arrivée des Européens en Amérique du Nord, les carcajous étaient présents partout au Canada et en Alaska, ainsi que dans la région des Grands Lacs et de la Nouvelle-Angleterre. On les retrouve également au Groenland, dans la taïga russe de Sibérie ou dans l’extrême Nord européen, tout comme en Norvège et en Suède.
De la taille d’un petit ourson, mesurant entre 80 et 100 cm et pesant en moyenne 12 kg, le carcajou est aussi appelé glouton. Il possède des griffes semi-rétractiles et a un odorat très développé. Une légende affirme que dormir sous une peau de carcajou entraîne une faim impossible à rassasier.
Le carcajou fait partie de la famille des mustélidés et est un proche parent de la belette ainsi que du pékan. Il fréquente la forêt boréale, la taïga et la toundra arctique et tolère mal la présence humaine. Pour intimider ses opposants, il bondit partout en salivant et grognant, ce qui se révèle très impressionnant. Il faut dire qu’il possède une mâchoire trois fois plus puissante que celle d’un rottweiler, celle-ci est conçue pour casser des os afin d’atteindre la moelle, car il se nourrit essentiellement de carcasses, même s’il peut s’en prendre à une proie vivante.
Reconnu comme un charognard opportuniste, le carcajou se nourrit néanmoins de tout ce qu’il trouve, des carcasses d’animaux aux souris, en passant par les baies et autres plantes. Il lui arrive même de s’attaquer aux animaux en hibernation ou de dévaliser les réserves d’un ours. Il cache ses propres surplus de nourriture dans les fissures des rochers, dans les arbres, ou encore les enterre.
Une particularité étonnante est que sa fourrure ne givre pas. En fait, le givre peut s’agglomérer sur ses poils de surface, mais se balaie facilement, ce qui empêche toute accumulation de celle-ci sur ses poils de bourre (sous-poils).Solitaire et possédant des habitudes nomades, il peut parcourir des centaines de kilomètres par semaine. Pour signaler sa présence à l’un de ses pairs, il expulse un liquide par ses glandes anales ou dépose ses excréments ou son urine en des endroits choisis. Lorsque menacé, il peut projeter jusqu’à trois mètres un liquide nauséabond. Sa viande, comme celle de la marmotte et du renard, est dépréciée.
Les chercheurs ont constaté le manque de connaissances traditionnelles autochtones au sujet des carcajous. Les Inuit, entre autres, le connaissent sous le nom de qavvik ou de qavvigaarjuk. Il jouit, parmi eux, d’une réputation de férocité et ceux-ci le considèrent comme nuisible, car il se hisse sur les caches à viande pour les détruire. La crainte que le carcajou inspirait aux peuples autochtones nord-américains a résulté en peu de connaissances de ce fantastique animal, heureusement, les biologistes modernes comblent cette lacune depuis quelques années, et ce, malgré le caractère discret de cette étonnante et fascinante créature.
Photo : ©Vladimircech

Mireille Thibault
Ethnologue et auteure